Chat-d'en -fer à la forge

Bah bien sûr ! Il n'y a pas de chatière, pas de fenêtre ouverte au moins d'octobre, pas de niche ni même de gouttière trouée. Ne restait que les fissures à peine assez larges pour les minuscules rats et souris se faisant un festin des revêtements isolants dans les parois des murs. Je déteste Ordae !
Par trop semblable au monde que j'ai quitté cet endroit était puant, grouillant et peuplé d'une quantité trop importante de bipèdes préférant la compagnie des escréments plutôt que du savon. Ma truffe n'en pouvait plus de cette odeur insupportable.
Ce n'est pas à la forge que j'allais trouver refuge. Je ne pouvais pas y entrer !

-C'est un comble de vouloir se faire une clientèle et de laisser porte close devant l'un d'eux !

Mes miaulements attira un client qui ouvrit la porte, me regarda et s'en allait en me bousculant au passage. Mon agilité féline, un peu amoindrie par des mois de vaches maigres, et la porte n'eut pas à buter contre moi car j'étais passé dedans.

-Y a-t-il quelqu'un ici pour servir une pauvre âme féline ?

Je sautais sur un présentoir. C'était amusant, on y avait soigneusement disposé des armes et des objets brillants. D'un coup de patte réflexe j'envoyais valser au sol quelques belles pièces qui firent un bruit retentissant.

-Oups, je crois que j'ai fait exprès...

Je n'avais pas travaillé à la forge depuis la veille, ayant finis les quelques commandes qui m'avaient été passé. Le temps était plutôt frais dehors. je gardais la porte d'entrée fermée pour garder le peu de chaleur cumulée dans la boutique.

J'attendais patiemment derrière le comptoir occupant mon temps à nettoyer quelques lames forgées il y a peu de temps. J'y appliquais un produit spécifique pour les faire briller, lorsque j'entendis un bruit dans l'aarière boutique. Fronçant les sourcils je m'y rendis.

- Tea ?

Le renard Stellaire s'était empêtré dans une corde qui traînait et un seau était sur sa tête.

- Mais qu'est-ce que tu nous a fait là ? Je le libérais de ses entraves en lui caressant le dessus de la tête.

Cette fois ce fut dans la boutique que j'entendis un sourd choc sur le sol. Je me précipitais, ouvrant la porte à la volet à la recherche de la source de ce bruit. Je vis des armes à terre, relevant les yeux un chat noir m'observait, assis sur mon présentoir. Comment était-il rentré ?
- Ben alors toi, qu'est-ce que tu fais là mon grand ? *Très grand même* Pensai-je en m'approchant pour descendre l'animal de son perchoir.

On m'a appelé matou, minou, chaton et maintenant j'étais "mon grand" comme un petit humain potelé dont on veut cajoler l'estime de soi... Je montrais les griffes, je feulais et je m'écartais de ses mains d'un mouvement vif.

-Bas les pattes, bipède !

Fourrure et queue dressée en signe d'hostilité, je me campais sur mon coin de table.

-Je sais bien que les gens d'ici sont mal polis avec les Li. Mais delà à me confondre avec un chat de gouttière, c'est le pompom !

D'un bond j'étais sur l'épaule d'une armure qui vacilla sous les cinq kilos tous mouillés. J'escaladais le casque et la visière se referma sur mon passage.

-Eloignez donc cet animal maladroit je vous prie.

Miaulement désobligeant.

-Je suis un honnête client, moi !

Je tressaillis sur mon casque en équilibre précaire.

-Obligé de jouer au singe pour éviter d'être humilié.

Le casque dégringola. Mes griffes s'étaient plantées dans une poutre au plafond. Je grimpais dessus à la force du désespoir et de ma dignité. Cette fois j'étais en sûreté aussi loin que possible du renard et de toutes les bestioles différentes que je sentais dans cette boutique.

Je sursautais lorsque l'animal me parla. Et je fus honteux d'avoir ainsi injurié un Li.
Agacé ce dernier sautait d'objet en objet, faisant tomber mes articles sans ménagement.

- Je suis déso... Je ne pouvait en placer une, le chat Li continuait de râler jusqu'à se camper sur le plafond.

Je regardais derrière moi, Tea était assis, la tête sur le côté, en train de regarder le Chat. Je le pressait en dehors de la boutique, refermant la porte de l'atelier sur lui.

- Je vous prie de m'excuser, repris-je en ramassant les quelques ferrailles au sol. Je ne suis que trop peu habitué à rencontrer des individus de votre race, je ne m'y méprendrai plus.

Je le regardais, toujours accroché à sa poutre.
- Vous pouvez descendre, vous ne craignez plus rien ... Je m'écartais avant de lui proposer une boisson chaude, ou non, pour me faire pardonner de ma méprise.

- Que puis-je faire pour vous Monsieur ... ?

Je l'observais avec méfiance. Ne cacherait-il pas une autre créature dans sa boutique, je crois que je le saurais. Ma truffe délicate de détecta aucune odeur imprégnée qui ne soit impossible à restituer à son propriétaire. Je sentais un filet connu qui me confortait dans l'idée que cet humain devait apprendre à mieux choisir ses amis. Renard et loup ne font pas bons ménage avec un chat.

L'odeur de la forge était plus douce à mon pif, me voilà d'autant d'une poutre à une autre. Le spot parfait pour sauter élégamment de la mansarde à l’âtre se trouvait éloigné de tout marche-pied. Le saut était périlleux. Mais puisque je suis plus intelligent que la masse de mes cousins au QI limité, je m’aidais du mur et de ses pierres inégales pour le réceptionner sans casse.

- Je vous pardonne votre méprise. Moi-même j'ai encore des difficultés à ne pas confondre humanoïdes et grands singes. Surtout s'ils se rasent…

Ma voix étouffée par la distance je furetais dans l'arrière salle. Cette forge, me dis-je intérieurement. Ne tenant plus mes bonnes manières je m’étendis de tout mon long sur une pierre chaude.

- Diantre, je vous pardonne dix fois si vous me laissez profiter de cette pierre-ci.

Je ronronnais par réflexe.

- J'en oublie les bonnes manières. Messire, je suis Pwyll des Thoran et j'ai besoin de vos talents pour aider un chat usé par les ronds de pattes à survivre à sa nouvelle profession d'aventurier.

- Heureusement que je ne me suis pas rasé ce matin, dis-je alors que le Li se dirigeait vers l'arrière boutique.

Je me raclais la gorge pour lui faire comprendre qu'il ne se dirigeait pas vers le bon endroit, en vain. Sa voix diminua d'intensité, je soufflais avant d'aller à sa suite. Je le retrouvais étalé au sol près de l'âtre qui me servait de chaufferie. Je souris devant cet instant naturel que les félins ont de se dorloter à la chaleur.

- Soit, si vous voulez bien me dire qui vous êtes je veux bien vous laissez vous réchauffer ici.
Pwyll des Thoran, je n'osais lui demandé de quelle origine et famille venait ce nom de paraître plus impoli encore, alors que seul la curiosité titillait ma langue.

- Comment puis-je vous aider ? Je peux adapter mes protections à vos morphologies si vous le souhaitez, de même pour les armes, bien que je ne doute de l'efficacité de vos griffes.
Quelle arme pouvais-je bien présenter à un chat pour le faire ronronner de plaisir ?

Le forgeron était plus obséquieux que ses pairs. Je le trouvais bien plus aimable grâce à cela. Comme tout bon chat qui se respecte, je préfère de loin être traité en supérieur qu’en inférieur. Ma petite taille féline ne me rend pas moins embêtant lorsqu’un malotrus se permet de me traiter en vulgaire chat de gouttière.

Par exemple, il ne doutait pas de l’efficacité de mes griffes. Le contraire m’eût étonné. Je lui en aurais fait une démonstration sur les cuirs neufs enroulé près de son atelier.

-Et elles sont très sensibles.

J’insistais d’un regard félin, ma queue dansant en rythme sur les pierres chaudes. Cet endroit serait d’autant plus confortable avec un coussin. Et un bol bien garni de thon frais. Mes griffes se détendaient et se rétractaient au rythme de mes ronronnements satisfaits.

-Quel bonheur cet endroit. Avez-vous quelque chose contre la présence d’un chat régulièrement dans votre forge. Sur cette pierre, plus précisément ?

Je ne parlerai affaire qu’en présence de mon… En l’absence de cette pierre ! Ma concentration était proche de zéro. Mes paupières se fermaient toutes seules m’avisant que je ne tarderais pas à m’endormir sur ce coin douillet de la forge.

-Je crois Messire que je ne vais point tarder à m’endormir. Ne marchez pas sur ma queue pendant ma sieste. Il serait malheureux que notre première rencontre soit celle de mes griffes sur votre mollet.

Ce chat était totalement sans gêne, mais cela me fit sourire. Il avait beau être un Li, il n'en restait pas moins un chat hautain dont la priorité reste centré sur lui-même.

- Cela pourrait effectivement ne pas me déranger que vous profitiez de la chaleur de ma forge de temps à autres, je pourrais même vous installez une couverture sur cette pierre bien précise que vous semblez fortement apprécier.

Je regardais sa queue battre l'air de plus en plus lentement, la respiration de Pwyll se calmait tout autant. Le voilà prêt à faire la sieste ... J'avais vraiment l'impression d'avoir affaire à un simple chat oubliant presque qu'il était avant tout un client.

- Et si nous parlions commerce avant votre sieste ? Dites-moi ce qui vous amène ici ? La chaleur simple de la forge ou vous avez besoin d'acheter quelque chose ? Je vous laisse ensuite vous reposer tranquille en veillant bien à vous laisser en paix. Comme je vous l'ai dit, je peux vous installer une couverture dès à présent. Mais avant ... Que puis-je pour vous ?

-Ne puis-je donc avoir cette couverture avant de faire commerce avec vous ?

Je me redressais et m'étirais tel un chat de tout mon long. Du bout des griffes jusqu'au bout de la queue. Souplement monté à un nouveau perchoir, de meuble en râtelier je grimpais assez haut pour ne pas avoir à me faire un torticoli pour regarder l'humain.

-Puisque vous insistez... Je souhaite un gilet de cuir adapté à ma forme féline. renforcé de métal et possédant des poches accessibles pour des griffes convenablement aiguisées. Je vais y ranger mes titres, voyez-vous ? Regardez, je vous montre.

Monté sur mes deux pattes postérieures, j'étirais ma patte droite vers mon flanc gauche. Une griffe brillait à la lumière et se rétractait aisément.

-Il faudra y ajouter un étui en métal pour y ranger les fameux parchemin. Et faire un trou dans l'étui afin que mes griffes s'y faufilent et puisse le tirer de la poche aisément. Que me faut-il d'autre...

Je tournais sur moi-même en inspectant la forge.

-une petite lame que je puisse tenir dans ma gueule. Vous les hommes avez construit une ville où il est toujours utile même pour un chat d'avoir un couteau. Il se trouvera dans l'autre poche.

Cette fois, ma patte gauche lui désigna mon flanc droit.

-Qu'il soit bien aiguisé. Ce serait cocasse si mon couteau était moins efficace que mes armes naturelles... Que dois-je vous dire d'autre afin que vous ne puissiez m'accuser de ne pas avoir convenablement détaillé ma demande. Je sais ! Souvenez-vous que je suis un chat, si le gilet est trop encombrant je n'aurais aucune envie de le porter.

Je retournais à ma pierre chaude pour m'y enrouler dignement. Un oeil ouvert je l'observais du bout d'une pupille fendue.

-Couverture, messire. Couverture.

Le Li m'expliqua très exactement ce qu'il voulait, un gilet renforcé où il puisse ranger ses titres dans un étui métallique dans une poche et un couteau dans l'autre. Couteau qu'il faudra que je lui confectionne également. Déjà mon cerveau réfléchissait à la manière la plus élégante et confortable de confectionner ce gilet de protection.

Pwyll exigea alors sa couverture, mais je repoussais encore une fois l'heure de sa sieste dans ma forge :
- La couverture ne saurait tarder à arriver, je vais d'abord prendre les mesures de votre torse et de vos pattes je vous prie.

Je partis chercher un mètre en tissu ainsi qu'un bout de feuille et un crayon pour y griffonner les mesures du Chat-Li.
- Pourriez-vous vous tenir debout je vous prie ? Tel un couturier je m'affairais autour de mon client avant de le laisser.

- Restez ici je vais vous chercher cette fameuse couverture. Prévins-je avant que ce chat princier n'ait l'idée de me suivre. Cette fois je serais intransigeant.

Je partis à l'étage où j'attrapais la deuxième couverture propre de Tea, elle était douce et en polaire, ça devrait plaire à Monsieur.

Je l'installais sur la fameuse pierre chaude tant appréciée par le chat noir.
- Je vais commencer à travailler à vos côtés, mais je vous conseille de revenir demain chercher vos commandes, afin que je puisse combler toutes vos attentes.

Je passais la tête dans la boutique qui était déserte, j'attrapais alors une feuille pour y dessiner mon prototype. Je doublerais chaque poche de feuille de fer pour ne par que les griffes de Pwyll ne s'y accroche en récupérant ses biens, et je renforcerais les parties vitales pour protéger son hôte de coups mortels. Je partis alors dans la cours récupérer du cuir de qualité avant de retourner dans mon atelier pour commencer l'ouvrage.

Je n'eus pas beaucoup de clients ce jour là, ce qui me permit d'avancer proprement le gilet de Pwyll des Thoran. L'après-midi avancer rapidement lorsque je proposais un deal à mon client.
- Avez-vous un endroit où dormir ce soir ? Je vais travailler une partie de la nuit et je vais allumer la cheminée pour se faire. Si cela vous dit de rester dormir ici, je vois que vous avez adopté cette pierre. En échange d'un dîner je vous offre le gîte. Je peux vous donner une bonne adresse pour prendre à emporter, nous mangerons ici si cela vous convient ?