Coeur de Poisson

-Ben écoutez ma petite, ma baraque elle est plus au nord, dans le vieux quartier portuaire. Vous verrez, c'est pas difficile à trouver, y a un restaurant de fruits de mer juste à côté, avec cette grosse sardine à l'entrée... Diane doit y être à cette heure, le marché est fini depuis longtemps.

Se faisant, il finit sa chope, cala sa tête dans ses bras et ferma les yeux. Fermement décidé à finir son roupillon avant que les deux turbulents n'aient une autre chance de l'en empêcher.
A Greace de leur rappeler sa façon de penser.

-Faites ce que vous voulez avec votre poiscaille, mais si la petite Diane se plaint, y aura pas assez d'eau dans la mer pour vous planquer toi et l'autre à palmes.

Atrya senti que la tenancière voulait surtout les empêcher de revenir dans son établissement de si tôt. De plus, menacer le triton semblait bien moins risqué pour elle que de menacer Freya.
Le poisson ne s'en vexait pas, il se savait bâtit pour une autre vocation que trouble-fête... Il sourit sans se démonter et sauta à bas de son tabouret.

En se laissant aller vers la sortie, il continua à parler des options possibles. Après tout, maintenant qu'ils pouvaient quitter sain et sauf ( tout de même ) ce bar à pêcheurs, il avait bien le droit de penser à des choses moins risquées pour son anatomie.
Pendant un instant il appréhendait de se retrouver dans la marmite du cuisinier...

-On passe voir Diane, alors ? si elle accepte notre aide on pourra proposer nos solutions à Tyr.

Combien ça coûte des noizumènes ? Il s'en tapait le coquillard...

-On pourrait manger un morceau en chemin ?

Ça creuse de manquer de peu une jouxte de bar. Et puis n'y tenant plus, la porte de l'auberge se ferma derrière eux et il chuchota à Freya :

-Tu aurais vraiment provoqué une bagarre ?

Mais pourquoi trainait-il toujours avec des gens dont la profession est de créer plus de problèmes qu'il n'en existe déjà ?
C'est un bon moyen de lui faire beaucoup de monde à guérir, mais sa salive n'est pas illimitée non plus.
En plus, les blessures des créatures de la surface sont souvent bien moins belles à voir que sous l'eau... Il n'y mettrait pas les mains à moins d'avoir une très bonne raison (dans l'urgence).

Cela m’aurait étonné que la barmaid ne la ramène pas à la fin. Ils y tenaient à la petite Diane, on ne pouvait pas le nier. En tout cas, on se dirigeait enfin vers la sorti, on va pouvoir respirer un peu d’air pur. Passer la voir dans un restaurant en tout cas c’est une bonne idée, en route.

« Bien sûr qu’on passe la voir, on ne l’a pas cherchée par ici pour aller voir Tyr maintenant. »

Manquerait plus que ça tiens.

« Manger un morceau, je ne dirais pas non. Si Diane est encore au resto on se commandera un petit quelque chose, sinon, on y retournera avant d’aller voir Tyr. Ok ? »

Enfin les pieds hors de cette auberge, j’inspira un grand coup, remplissant mes narines d’air marin, les dégageant du parfum lourd de l’auberge. Une bonne douche et ce serait parfait mais la mission n’était pas finie. Alors il avait dit au nord et… Si j’aurais provoqué une bagarre… Et bien…

« Je n’étais pas assez convaincante ? »

Ni oui, ni non, j’aimais l’idée de le laisser dans le flou. Avec un sourire en coin, je commençais à défaire ma tresse pour rendre leur liberté à mes cheveux. Je n’aurais sans doute pas eu besoin de déclencher de bagarre, peu de bar laisserait quelqu’un initier une bagarre de son plein gré. Et puis, avec Atrya j’aurais du le cacher dans un coin, je ne sais où.

« Bon, cherchons ce restaurant avec une grosse sardine sur l’enseigne tu veux bien ? »

Nous marchions pendant quelques minutes et se fiant à deux-trois panneaux indiquant un restaurant, la fameuse grosse sardine fit son apparition plusieurs mètres devant. Arrivés devant la porte je posa une main dessus et avant de la pousser je me tournais vers Atrya.

« Au fait, tu sais à quoi elle ressemble Diane ? »

C’est bien beau de chercher quelqu’un, mais sans savoir à quoi elle ressemble… On va encore devoir poser des questions.

Le poisson, impressionné par la détermination de Freya, n'était plus convaincu de son bon caractère. Finalement, elle n'était gentille qu'avec lui.
Le message était passé, mieux valait ne pas lui marcher sur les pieds, elle savait rendre les coups et s'imposer.
Encore une fois, dommage qu'elle n'ait pas de branchies !

Il avait remarqué assez rapidement que les gens de la surface le prenait pour un idiot, le fait de ne rien connaitre des coutumes du coin faisait de lui un presque handicapé mental que chacun prenait avec un sourire élevé et bienveillant. Sauf ceux qui ne voulaient tout simplement rien à voir à faire avec lui. Comme un Maitre du miroir par exemple.
Mais Atrya soupçonnais que ce comportement était dû à un vieux souvenir embarrassant plutôt qu'à une incompatibilité d'humeur.

Il se contenait de croire que Freya était cordiale avec lui et ça lui convenait. Il n'allait pas trop en demander non plus. En plus, il semblerait qu'il fasse à peu près le même poids qu'elle, alors il n'ira pas la contredire.

-Et bien, non. Une humaine avec deux jambes, j'imagine.

Demandez à un poisson comment il voit ceux qui tournent autour de son bocal... Faut dire que deux jambes c'est bien moins gracieux qu'une belle queue de poissons et ses voiles, n'est-ce pas ?
Atrya la suivit dedans.

L'odeur du poisson grillé lui sauta au visage et il ne put s'empêcher de saliver à cette odeur. Poisson-ange mais poisson carnivore tout de même. Un serveur passa devant lui avec un plateau chargé. Atrya huma l'odeur.

Le chef de rang se dirigea droit sur eux :

-Bonjour-messieurs-dames-vous-préférez-à-l'ntérieur-ou-en-terrasse-nous-avons-une-salle-à-l'étage-qui-offre-une-belle-vue-sur-le-dôme.

Son texte récité avec la précision d'un orateur de brasserie l'homme tapota son torchon soigneusement plié sur son bras et affûta son sourire.
Atrya en resta coi de stupéfaction.
Il tapota le bras de Freya en guise de réponse et se demande ce qu'il devait répondre à ça. Dans le doute, Freya, elle, saurait quoi répondre.

Et ces poissons qui lui file sous le nez...
Le regard du triton fut attiré par un large bassin où logeait trois énormes crabes à moitié les uns sur les autres.
Les fruits de mer ce n'était pas trop son truc, mais ceux là paraissaient appétissants !

Une humaine avec deux jambes… Elle est bien bonne celle-là, la prochaine fois il faudrait fournir des photos dans ce genre de missions, ça pourrait être fort utile. Enfin, si Diane est connu dans le coin, l’automate de service devrait pouvoir nous mener à elle. Mais restons courtoise.

« Bonjour. Bien j’espère que notre table est déjà choisie… »

Regard interrogateur du chef de rang, normal mais je n’ai pas pu m’en empêcher.

« Je vous explique, mon ami et moi cherchons une jeune muse marine nommée Diane. Comme une personne nous a informés qu’elle venait souvent ici le soir on est venu vérifier. Est-elle ici ? »

Je sentais venir une question puis une autre… Alors je rajoutais avec un sourire aimable.

« Pas de questions, mais je vous promets qu’on ne lui cherche aucun mal. »

Après un instant de réflexion, il nous invita à le suivre d’un geste.

« Si vous voulez bien me suivre, je vais vous menez à Diane. »

Je le remerciais d’un signe de tête et me tournais vers Atrya, lorgnant ici et là les plats de poissons qui passaient. Dac, on allait commander un petit assortiment à déguster. Je passai mon bras sous le sien, histoire d’être sûr qu’il ne suive pas un plat, attiré par le doux fumet. D’un rire amusé j’ajoutais.

« Une serviette ? »

J’aurais pu dire un bavoir mais bon… Je n’allais pas l’embarrasser dès que c’était possible le pauvre. On passait une table après l’autre, jusqu’à sortir sur la terrasse, donnant sur l’océan. Le chef de rang pressa le pas pour rejoindre ce qui devait être Diane et lui annoncer notre arrivée. Qui se fit quelques secondes après.

« Diane ? Bonjour, pouvons-nous se joindre à vous ? Ce serait pour parler de Tyr… »

Avec des yeux ronds elle acquiesçait sans rien dire. J’interpellais le chef de rang pour le remercier et lui demander s’il était possible de nous apporter une assiette d’assortiments variés. Ceci fait, je pris place avec Atrya.

Atrya saisie l'humour de la jeune femme avec plus d'esprit qu'on ne lui en connaissait :

-Si tu m'invites à déjeuner, oui !

Il serait ravi de s'assoir pour manger un morceau. Durant leur marche à Atlantis, ils en avaient sauté l'heure du repas et comme tous les poissons Atrya mange à heure fixe.
Ce qui n'a rien à voir en réalité mais explique au moins qu'il apprécie d'autant plus l'odeur alléchante régnant dans l'établissement.

Il suivit sagement la jeune femme et leur guide jusqu'à la table de Diane. Celle-ci parut perplexe.

-Navrés de vous déranger sans prévenir, dit le poisson embarrassé.

Il venait de remarquer le regard fixe de la muse qui ne quittait pas ses branchies des yeux. Elle avait d'abord parue choquée par le regard noir et rouge du poisson ange, puis par les tâches pourpres sur son visage. A la fin, elle ne pouvait plus se départir d'observer le fonctionnement si particulier des lignes vivantes sur son cou.
Il rougit jusqu'aux oreilles.

-Vous êtes...
-Un poisson-ange, répondit-il fièrement.
-Mais vous avez des jambes.
-Ah... Oui, hélas. Elles sont un peu bizarres et pas pratiques pour nager, je dois l'avouer. Je ne les ai pas depuis longtemps !

Il sourit.
Elle détourna son regard sur Freya. Interloquée, elle patienta sans trop savoir quoi oser leur demander. Atrya se lança :

-Vous savez que Tyr cherche une solution pour vous retrouver ?
-Je le sais bien mais...

Elle chercha ses mots.

-Chaque fois que je le touchais, la douleur était insupportable.

Elle appuyait chaque mot d'un regard pénétrant pour chacun d'eux. Cherchant chez Freya ou Atrya un peu de soutien. Comme si elle se sentait coupable d'être partie.

-Alors je me suis éloignée.
-Pourquoi ne pas avoir quitté Atlantis, demanda naïvement Atrya.

Elle l'observa longuement et dit :

-Je n'en ai pas eu le courage.

On nous apporta la dite assiette, assez large et comportant plusieurs choses comme ce que j'avais demandé. Une sorte de mise en bouche et si la conversation s'éternise et que nos ventres crient encore famine... On commandera autre chose. Pour ma part, je prenais déjà deux ou trois petites bouchées avant qu'Atrya n'engloutisse tout.

Les yeux de Diane traduisaient sa peine et sa solitude. Elle devait avoir tout essayer mais je devais quand même poser la question. Terminant ma bouche je lui demanda.

"Avez-vous cherché un moyen de vous soustraire aux désagréments du contact de l'eau de mer ? Noizumène, technologie, nouveau pouvoir... Que sais-je encore."

Elle tournait sa fourchette dans son assiette, se remémorant sans doute les recherches qu'elle avait faites. Apparemment pas très concluantes vu son regard.

"J'ai entendu parler des noizumènes, mais ce n'est que temporaire. Il est vrai que pour un moment ça aurait pu servir mais après ?"

Très bonne question en effet. Tout en réfléchissant, je me resservais, c'était délicieux ces petites choses. Je n'étais pas la seule à le penser, l'assiette se vidait vite. Diane ajouta.

"Et puis tout ce qui est technologie et nouveau pouvoir, malheureusement ça coûtent bien plus cher et je n'ai pas forcément les moyens..."

Une larme glissa sur sa joue exprimant son désarroi. L'argent encore et toujours... Mais si une personne avait fait une demande à la bibliothèque pour les aider, il serait peut-être prêt à faire un geste après tout.

"Atrya, tu es mieux placé que moi sur ce sujet, tu en penses quoi ? Il existe bien quelque chose qui pourrait lui servir non ?"

J'aurais sans doute du lui laisser le temps de finir le wagon qu'il avait enfourné dans la bouche. Moi, je goûta une autre petite préparation au poisson.

Relancé par Freya alors qu'il piochait généreusement dans cette"mise en bouche" peu copieuse dont le poisson ne pouvait détacher son attention. Atrya n'était pas un gros mangeur mais la journée était bien avancée. Son estomac criait son mécontentement depuis un moment déjà alors il avait bien l'intention de lui faire plaisir.

Il s'essuya rapidement la bouche avant de répondre. Il lui fallait au moins ça pour réfléchir à la question.

-Si le Sanctuaire ne peut pas soigner cette allergie ce doit être une allergie liée à l'espèce, dit-il.

Il y repensa un peu avant de proposer ses idées. Guérisseur était son métier officiel depuis son arrivée à la surface. Il n'était pas le plus doué des guérisseurs ni le plus intelligent d'entre eux mais il avait pour un lui un petit peu d'inventivité.

-Il y a l'option de la robotique, c'est coûteux mais facilement remboursable sur la longueur.

Les androïdes vivaient généralement très longtemps.

-Mais l'idée la plus simple à laquelle j'ai pensé ce sont les noizumènes. Pas pour vous, mais pour Tyr. Il lui suffirait d'en manger une dose élevée pour que la transformation soit définitive. Cependant, il devra dire adieux à ses nageoires. C'est la moins coûteuse aussi.

En voyant Diane se décomposer il s'empressa d'ajouter une dernière idée.

-On pourrait appeler Wergeld ! Il aura sûrement une autre idée à nous suggérer !

Il n'avait pas très envie d'attrister encore plus cette pauvre jeune femme. Il commençait à trouver cette histoire bien tragique.
La seule idée de ne plus avoir ses nageoires, ses branchies, de ne plus pouvoir naviguer au fond des océans lui glaçait le sang.

-On devrait peut-être en parler à Tyr avant. Savoir s'il a une idée et ce qu'il aimerait, non ?

Il se tourna vers Freya.