Le loup dans la taverne

Il avait l'oeil ! Ou il devinait déjà ce que cachait une femme en blanc le sauvant des ennuis de Magna...

-Si vous ouvriez les yeux vous verriez que rien ne se ressemble. Les détails durables sont les meilleurs repères. Au carrefour vous verrez une lampe à huile sur la façade. Prenez l'ouverture de droite et vous serez sur la route du Marché Noir, à gauche et vous atteindrez rapidement une avenue qui débouche sur Northrives.

C'était Dinu Mihai dans toute sa splendeur. Un ton neutre accompagnait l'explication, comme si tout ça était évident. Nul ne devrait ignorer ce genre de détail. Malgré tout seuls de vrais habitués du quartiers se repéraient aussi facilement, car ici tout était toujours sombre et les détails se perdaient dans les masses des originalités du décor.

Elle haussa les épaules, préférant ne pas s'étendre sur la question. Cet inconnu en savait déjà assez sur elle pour lancer bien de mauvaises rumeurs sur son compte. Dinu Mihai connait Magna. Dinu Mihai tue de sang froid. Dinu Mihai... Songeuse, elle s'imaginait déjà débourser des fortunes pour étouffer tout incident qui nuirait à ses affaires.

Elle ignora le chauffeur bondissant de son siège pour leur ouvrir la portière arrière. ILe pauvre homme avait vu passer pas mal d'années. Tant que l'angoisse en avait marqué son visage et que sa tête et son sourire pendait un peu sur le côté à force d'avoir à saluer ses maitres.
D'ailleurs, il les salua avec des formules obséquieuses et des courbettes à n'en plus finir. Même derrière son volant il n'osa lever le regard vers son rétroviseur pour leur poser la question fatidique :

-Où allons-nous Madame ?
-Au Léopard Lubrique, fais-toi discrêt en quittant Magna.
-Bien Madame.

Et les années lui ont appris à ne pas commenter, à ne pas se surprendre et juste à conduire.
La voiture ronronna et quitta la rue au premier tournant. L'habitacle était froid, presque autant qu'à l'extérieure. Une exigence de la déesse qui n'aimait pas les fortes chaleurs.

-Vous vous souviendrez de notre accord, n'est-ce pas ?

Dans ce tout petit habitacle elle se savait en quasi sécurité. Elle pourrait tout faire sans que rien ne s'échappe jamais de cet endroit hors du monde.

Par habitude, il porte sa main à sa ceinture, prêt à sortir une arme, de quoi, se protéger. Il n'aimait pas sa dernière question. Pas du tout. Si seulement il pouvait s'enfuir, ou la tenir en respect. La tenir en respect. Quelle idée stupide. Premièrement, elle avait cet étrange pouvoir, celui qui l'avait sauvé. Deuxièmement, sa seule arme était son cerveau en ce moment, il n'avait même pas une dague sur lui.
Il lui fallait gagner du temps. Histoire de voir si, oui ou non, cette femme se révélerait finalement une menace.

- Notre accord ? Pouvez vous me le remémorer ? Il ne me semble pas avoir conclu quoi que ce soit, mais il faut dire qu'avec la bière que j'ai engloutie, ma mémoire flanche un peu.

Bon sang, il avait vraiment un don pour se fourrer dans le pétrin.

Spoiler:

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Tendu comme la corde d'un arc. L'imagination de la déesse alla même lui dévoiler ce jeune homme tirer une flèche. Il s'était si rapidement mis sur ses gardes qu'on aurait cru qu'elle l'avait menacé de mourir dans d'atroces souffrances...
Encore une preuve de son manque de diplomatie.

-Je faisais référence aux sanctuaris. Gardez-vous de parler de ce qui s'est passé ce soir à quiconque et nous ne devrions plus nous croiser avant un bon moment.

Les bras croisés, elle s'enfonça dans le cuir souple, sentant une pointe d'agacement poindre. Quelque chose lui disait qu'elle aurait tôt fait d'entendre à nouveau parler de cette histoire. Si seulement elle ne s'était pas laissée attendrir. Lui serait mort et dépouillé, et elle serait en paix derrière son bureau ou sur une méridienne en soie. Mais non, il fallait qu'elle se souvienne. Et qu'elle rumine cette mauvaise idée.
Elle voulait lui dire "dans la prochaine ruelle ils seront bien plus nombreux et elle ne sera pas là", au lieu de ça, elle s'entendit dire :

-Nous gagnerions tous les deux à ce que tous oublient cette invraisemblable histoire. Et surtout, je vous en serais vraiment très reconnaissante. Elle insista sur quelques mots bien choisis et y ajouta un sourire plus que chaleureux.

Le chauffeur passait la frontière de Tern, reconnaissable entre mille alors que les gratte-ciel ponctuaient l’horizon de guirlandes lumineuses clamant au monde entier que les habitants du quartier moderne étaient des couche-tard.

-Détendez-vous, nous sommes presque arrivés !

Elle se demandait combien de fois cette nuit elle sera obligée de recourir à ces charmes féminins pour convaincre ce garçon là de garder son calme...

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- Nous avons tous nos petits secrets. Celui ci ne fera qu'un de plus à ma liste. De plus, à moins d'une énorme erreur de ma part, je ne compte plus remettre les pieds dans cet endroit.

Il se tourna alors vers la fenêtre et se plongea dans le paysage. Il eut envie de s'enfuir, loin très loin. Cette ville n'était pas pour lui. Mis à par la rencontre avec Dinu Mihai, il n'avait eu que des ennuis depuis son départ. Si seulement il pouvait tout effacer, repartir de zéro. D'autres lieux,d'autres visages, et surtout le calme, enfin. Plus de pression, plus de self contrôle, juste..le vide.
Il soupira. Non, ce n'était pas possible. Il était trop tard.

- Je pense que je vais descendre ici, je continuerai à pieds. Je ne veux pas vous importuner plus longtemps.

Le chauffeur perçut dans son champs de vision périphérique le signe de tête lui étant destiné. Dans le silence des rues de Tern, il alla se garer en douceur le long d'un trottoir.
Les portes se déverrouillèrent et l'homme sorti promptement du véhicule pour aller ouvrir la portière à l'un de ses passagers.

-J'aurais aimé vous rencontrer dans d'autres circonstances, nous aurions pu mieux nous entendre.

Ma voix basse laissait entendre des regrets, mais en réalité, je me disais que si la soirée s'était révélée longue, elle n'en était pas moins intéressante. Je voulais garder un oeil sur lui, avec un peu de chance il trouverait de nouveau le chemin pour me trouver.

-Tern à ses propres mauvais côtés, ne vous laissez pas berner.

Je ne disais pas souvent au revoir. Alors simplement replacée dans mon siège je fixais la rue qui s'étendait au delà dans la pénombre des lampadaires.

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