Les mauvaises augures d'Atlantis

ça y est, on est ressorti en un seul morceau. On nous rend nos affaires, on nous met à la porte.
C'était court et particulièrement inutile. Les deux parlaient par code et ne finissaient pas leurs phrases... Les discours étaient même tronqués en partie. En sorte, je n'étais vraiment pas fait pour ce milieux là. Mais le pire de tout, j'étais encore coincé avec Augure pour un moment.

-Si j'ai tout compris, tu t'occupes de cette camelote pour que l'autre puisse disparaitre. C'est con ça, je vous aurais bien fait coffré pour le plaisir. Une réunion de famille, ça doit vous manquer...

C'était plus fort que moi. La présence même de ce type me donnait envie de faire de l'humour dangereux. Notre incapacité à garder la tête froide nous rendaient très facile à énerver. Le caresser à rebrousse poils ça me mettait de bonne humeur. Comme si je m'attendais à ce qu'il m'en retourne une à un moment ou l'autre, alors j'anticipais et remplissais mon quota de mauvaises blagues qui lui sont spécialement destinées.
Il faut dire que c'est assez facile aussi !

Qu'importe ! J'avais déjà pris le chemin le plus proche. Je souhaitais fermement retrouver Ayame et son acolyte du jour. Avant de nous jeter dans la gueule du loup, j'espérais que les deux autres auraient des nouvelles à nous raconter.

Quand je retrouve Ayame il est accompagné d'une véritable petite armée. Des sanctuaris, des gens importants me semble-t-il, et des gratte-papiers. Ils sont relativement nombreux à prendre en note ce que les plus sérieux racontent avec beaucoup d'emphase.
Le semi-elfe trop habitué à ces ronds de jambes avec les plus enquiquinant technocrates de la région se contentait de son sourire calme et de "l'enquête suit son cours".
Cette réplique là il l'avait soit inventée soit volée à l'un de ses confrères un peu plus en retrait. Les sanctuaris étaient drôlement nombreux.

A mon arrivée, on tenta de me prendre à partie. Les quelques fortes têtes eurent droit à mon indifférence la plus totale. Je leur passais devant sans un regard.
Droit vers Ayame.

-Un mort de plus ?
-Comment as-tu deviné ? Il me gratifia d'un franc sourire. Tu as besoin de manger plus de légumes...
-Merci maman, mais j'aime pas les légumes, râlais-je en ôtant le manteau beaucoup trop habillé pour l'occasion.

Un regard vers Augure. J'entrainais nos deux collègues loin de la foule. Et pour ne pas m'embêter d'avantage, je laissais à Augure le soin de tout leur raconter.
De toute manière je n'avais rien compris à l'histoire. Mon boulot consistait à servir de nounou à "monsieur je jette les gens par les portes ouvertes de voitures en cours de route ". Et c'est tout. (Voilà pourquoi je suis un chasseur de monstres et non un sanctuari. Pourtant je suis taillé pour les deux jobs !)

Spoiler:

La perte d'un client comme Yun m'irrite et Wergeld touche le fond avec ses blagues à la con ! Cependant la dernière phrase fait mouche. Je me stoppe net, me retourne et le pointe d'un doigt rageur. Je me retiens difficilement de lui décoller la mâchoire. Simple avertissement. Je ne pousse pas plus loin, pourtant l'envie ne manque pas.

- Ne prétend pas savoir à quoi ressemble un dîner dans ma famille !

Je suis pas un type calme, serein et je ne sais quoi d'autre. J'ai le sang qui bouillonne en permanence et je fais de mon mieux pour éviter les débordements, mais lorsqu'on dépasse les limites je ne fais pas prier pour tirer le premier ! Sans le savoir K'ouen a mis dans le mille. Pile-poil le sujet qui me fait exploser en un instant. La famille... ma famille. Entre une sœur disparue, une mère absente et un père qui veut laver ses pêchés dans le sang, notre sang. L'idée de réunir tout ce petit monde à table me révulse à un tel point que j'ai envie de vomir. Je ne dois rien à ma mère. Elle ne s'est jamais occupé de moi. Quant à mon père... On a des affaires en suspens lui et moi et la seule envie qui dépasse celle de l'écorcher vif, c'est de sortir ma soeur de tout ça, de lui éviter une vie d'angoisse et de peur...

Sang et larmes.

Je rumine ces pensées bien plus longtemps que je ne le veux et s'en m'en rendre compte je me trouve à côté de l'elfe borgne, de cet enfoiré de K'ouen. Cort' est là aussi et tous trois me regardent comme des merlans fris. Je suppose qu'ils attendent la suite du programme. Je vais la leur donnée. Il est hors de questions que je fasse une livraison pour 5 misérables kilos pour éventuellement choper ces connards !

Sang et larmes.

Je sors l'adresse que m'a donnée Yun et la tends à l'oreille pointue.

- On se rend à cette adresse et on tape la discute à deux trois abrutis pour trouver la bande d'allumés qui essaie d'enflammer Magna.

Là-dessus un sanctuari se pointe.

- D'où vous vient cette information ?

Je lui sors mon regard le plus assassin.

- D'un endroit où le mot "compétence" a un sens.

C'est pas le moment pour qu'un foutu flic vienne fouiner. Furibond, il regarde K'ouen, puis Ayame et finit par Cortovar. Qu'il me donne une seule raison de le tailler en pièces... Une seule. Il ne semble pourtant pas vouloir lâcher l'affaire.

- En quoi Magna est menacée par deux meurtres à Atlantis ?

La question en cache un millier d'autre et j'entends des sous-entendus partout. Il commence à me les hacher menu, mais je n'ai rien le temps de faire que Cort le prend à part et à force de belles paroles réussit à l'apaiser. Il reste que la question posée par ce flic souligne un problème bel et bien réel.

- Si Yun tombe, les autres gros bonnets vont s'entretuer pour récupérer son business. Sans compter les opportunistes et les ambitieux. Ce genre de... transition ne se fait jamais sans victimes.

Cette remarque je la sers au borgne et à son patron imbuvable. Inutile que les sanctuaris soient au courant tout de suite. Ils auront peut-être une utilité plus tard, mais pas tout de suite. Le moins ils sont impliqués, le mieux je me porte. J'attends la réaction de Wergeld. L'animosité qui m'anime s'envole peu à peu sans trop que j'y pense. Il y a bien plus important ici que de se taper dessus dans la joie et le sang. J'y prendrais pourtant un grand plaisir.

Sang et larmes.

Spoiler:

Sa famille. Ses crises de colère... Je déteste réellement ce type. Ca souffre et ça croit avoir vu le bout du monde et en être revenu meurtri. Le genre de personne qui ne voient pas que les douleurs ne se hiérarchisent pas. Que la vie est belle quand on lève le nez de la fange pour tenter de regarder un bout de ciel bleu. Car oui, il existe. Si le forcené qui s'y frotte arrête de ne voir que le bout de son nez.

Haussement d'épaules. Ayame me lance un regard en coin, il voit bien que cette histoire me fatigue. Un rien m'épuise de toute façon. Je voudrais juste quitter Atlantis qui me rappelle de mauvais souvenirs.
Je tourne le dos à Augure et c'est à mon capitaine de la garde de K'ouen que je donne mes ordres :

-Préviens Stern. Qu'il veille au grain du côté de Magna. Remonte à Atlantis, ils vont avoir besoin de bras en plus pour tenir ces quartiers là. Je ne veux pas de bain de sang chez moi, clair ?

-Très. J'enverrai un gars ou deux que je connais pars là bas.

Il me désigne sa poche de poitrine. Je sais qu'il s'y trouve une carte holographique et que quelque part dans mes affaires Ayame a caché l'un des émetteurs GPS. Il refuse de me dire où, de cette façon je ne peux plus me cacher nulle part.
Un hochement de tête, on s'est compris.
L'elfe a travaillé avec les sanctuaris, il sait exactement comment procéder. J'ai appris par exemple que les portes magiques dont ils se servent peuvent s'ouvrir n'importe où. Vraiment. Dans n'importe quelle demeure et libérer une armée de gens avec des miroirs comme ticket d'entrée. Flippant, hein ?
Avant je craignais qu'ils ne débarquent à quinze dans ma piaule pour choper un fou furieux. Maintenant, je crains qu'ils ne débarquent pour m'attraper moi. Je suis fou, mais moins furieux. Enfin, ce n'est qu'une supposition.

-Je pars avec Augure, si tu peux emmener Cortovar avec toi...

Il accepte, nous prenons à nouveaux deux chemins différents.

-Cette fois j'ai le droit de faire de l'humour ?

Autant le dire tout de suite, j'en ferai quand même s'il me l'interdit. Il est comme ces prof qui ne comprennent pas la lueur de défi qui existe dans le regard d'un adolescent.

Et me revoilà coincé en tête à tête avec K'ouen. Il est vraiment temps qu'on en finisse de cette histoire. Ce type est... oh et puis peu importe du moment que je ne le recroise pas avant un bon moment !

- Fais comme tu le sens, j'en ai marre de prendre des gants.

Se comporter comme un docile toutou avec Yun passe encore. ça fait partie du boulot. Rester... courtois... avec ces abrutis de sanctuaris, supporter K'ouen et son borgne de pote. Le tout sans péter un câble. Je crois que j'ai fais ma part de concessions pour la semaine. Alors que Monsieur fasse de l'humour s'il le veut, qu'il se barre ou qu'il danse la rumba ! Je m'en contrefous ! On va mettre la main sur ces emmerdeurs et alors je me défoulerais un peu.

Sang et larmes.

Il est hors de question qu'un groupe d'abrutis foutent mon quartier à feu et à sang. Je ne suis pas maître de Magna. Ce quartier survit sans personne à ses rênes depuis un bon moment déjà. Il n'empêche que j'y habite. Je le connais comme ma poche. C'est mon terrain de chasse, mon territoire, mon foyer. Alors maître ou pas, c'est MON quartier et ces types vont bientôt découvrir pourquoi y'a un écriteau : "Attention chien méchant" !

Sang et larmes.

Notre duo improbable se trouve désormais devant l'adresse indiquée sur le papier. Dans l'idéal, j'aurais défoncé la porte et cogné tout ce qui bouge, mais comme on est pas sûr que ceux qu'on cherchent soient là... Je me contente d'ouvrir la porte gentiment, et de la claquer dans un tonnerre de tous les diables juste après que Wergeld soit rentré. Ce qui a pour effet instantané d'avoir tous les yeux rivés sur nous. Parfait, on a leur attention. Si K'ouen veut faire son petit spectacle comique c'est le moment idéal.

Je prête attention à l'endroit où l'on vient de débarquer. On dirait... un bar, un tripot, le paradis. J'espère que nos types sont là parce que ça fait longtemps que je veux foutre le bordel au paradis !

Ma tête est placardée dans la moitié des tabloïds du pays, alors entrer dans ce genre d'endroits et claquer la porte c'est exactement ce qu'il faut faire pour que tout le monde me reconnaisse et se méfie.
Les mains vissées dans mes poches, je regarde tout ce beau monde. Ils ont quasiment tous interrompus leurs activités, sinon ceux que l'alcool a rendu myope et passablement sourd. Ils nous observèrent à leur tour, sans manquer les informations essentielles : nous étions armés, nous n'avions pas l'air gentils et nous n'étions certainement pas là pour nous amuser.

Faire de l'humour n'était pas nécessaire. Et puis ç'aurait été de très mauvais goût de rire de ce qu'il y a dans ce tripot. Mon humour ne descend pas si bas. J'ai même envie de dire, qu'il n'y a pas grand monde avec qui je fais de l'humour !
Parler, pourquoi faire. Le propriétaire du bar s'approche déjà de nous. Il se débarrasse d'une jeune femme agrippée à son gilet. quelques types se lèvent sur son passage et entreprennent de le suivre sagement comme des ânes suivent une carotte.

-Que puis-je faire pour vous, monsieur ?
-Aucune idée, demandez-le plutôt à lui...

Je sais d'avance que :
Un : Augure va choisir l'option "on se bat et on pose les questions après". La solution m'aurait beaucoup plu si je n'étais exaspéré de cette situation.
Les gens se font du mal sans raison. Ce n'est pas comme si le monde était déjà bien assez difficile à vivre comme ça. Il y a des monstres à nos portes et sous nos lits. C'est aussi révulsant que ça en à l'air.
Deux : Les balourds finiront la tête entre les pieds avant d'avoir réussi à nous atteindre. Je n'aime pas ces gens là.
Trois : Il faudra courir pour attraper ceux que nous cherchons, car le temps de s'occuper des gorilles, les malins auront filé à l'anglaise.

-Si on commence par une petite fête, je m'occupe de ça, trouve tes gars, fis-je pour Augure. Je n'aime pas courir pour rien.

Mes yeux scrutent les abrutis en face de nous. Je ne prête aucune attention aux balourds qui viennent à notre rencontre. Non, je regarde au delà, fais le tri entre les ivrognes, les clients curieux de ce qui va suivre et ceux qui essaient de se faire discrets. Ce sont les derniers qui m'intéressent. Et dans le fond du bar un petit groupe de trois m'interpelle. Ce sont les types qu'on cherche. J'y mettrais ma main au feu. Primo, ils sont exactement là où je me foutrais si je voulais me barrer en vitesse et discrètement. Secundo, y'a qu'une bière sur la table, ce qui veut bien dire qu'ils sont pas venus pour boire. Et Tertio, je les sent pas !

Sang et larmes.

Wergeld parle de fête... et pour une fois je suis d'accord avec lui. J'avance vers une des gros bras du barman en fixant mes trois gaillards au fond du bar. Le gorille m'envoie un crochet du droit. Je me téléporte juste avant l'impact. Si K'ouen n'est pas trop empoté, il saura profiter du déséquilibre du gars. Me voilà qui réparait entre mes cibles et la porte de derrière. Le sourire aux lèvres je les fixe sans ciller. Ils se savent piégés et commencent à s'agiter.

Sang et larmes.

La suite n'est que chaos. Ces types sont des coriaces et pendant que l'un m'occupe, les autres déclenchent une bagarre générale. Plus de têtes à fracasser ? Je vais pas me plaindre. Dans la cohue, je met K.O deux trois prétentieux, mais je refrène mon envie de me lancer totalement dans la mêlée. Je contrôle l'entrée de derrière. K'ouen garde l'entrée principale. Il n'y a aucune autre issue et aucun moyen pour nos trois amis de partir sans dire au revoir. Il suffit juste de... Bordel ! Un coup de feu, puis d'autres. Notre petite fête organisée s'arrête d'un coup. La plupart des convives sont d'ailleurs déjà au sol. Au centre du bar trois types armés avec chacun un otage.

- Personne ne se met en travers de notre chemin et personne ne meurt.

Le leader de la bande surement. Sa voix est calme et puissante. Clair et concis... Il en est pas à son coup d'essais. Le trio et leurs paquets se dirigent vers moi, s'approchent et s'approchent jusqu'à ce que le canon d'un flingue vienne me chatouiller le nez.

-T'es sourd ou quoi ? Dégage du ch...

Parler c'est se déconcentrer. Une torsion de son poignet, un coup sec sur le dos de sa main et une seconde plus tard son flingue se retrouve dans ma main. Le canon de son arme chatouille sa glotte maintenant. Deux pressions sur la détente et le type s'écroule raide mort. Le visage couvert du sang de son ravisseur l'otage se précipite sous une table. Au moins, il ne me gênera pas. Reste plus que le chef et son autre pote qui ne peut pas s'empêcher de parler lui aussi.

- Fais pas le con ou je la bute !

Mais pourquoi bordel, il s'imagine que j'ai quelque chose à foutre de cette nana ?! Je le mets en joue histoire de capter son attention mais juste avant que je ne presse la détente, voilà que Wergeld s'en mêle...

Sang et larmes.

Spoiler:

Mais pourquoi !
C'était une bonne, même très bonne question. L'excellence et la simplicité des termes employés me donnait des ailes. Un coup de genou, un inconnu fini de sombrer vers le parquet. Les lattes usées craquent sous l'impact. Celui là ne se réveillerait pas avant un petit moment.
Se battre me lasse plus vite que les coups de feu ne partent. Je regarde Augure incrédule. Il l'a fait.
Et la question est juste "pourquoi ?". Ce type aurait été un bon otage à son tour, mais l'intelligence relative et la psychologie maladive du grand gaillard que j'étais chargé de surveillé n'avait pas su gérer ses propres humeurs. Un type était mort bêtement et j'étais ivre de fureur.

-T'avais pas besoin de le tuer !

La colère a toujours été mon point faible. La charnière maladroite entre l'état le calme de la chasse et l'ivresse suicidaire d'un tueur entrainé. L'énergie trop longtemps retenue parcourue mes membres. J'étais bien trop solide pour sentir les tremblements, jusqu'à ce qu'ils se propagent dans le sol.
Ce n'était jamais que quelques secousses sismiques. Relativement peu étendue en surface, elle firent grossir quelques fissures dans les murs et il était à papier que les passants à l'extérieur n'aient rien ressenti.

Mais à l'intérieur l'histoire était un peu différente. D'instinct, le preneur d'otage regarda ses pieds et le plafond. C'est la première chose qu'un mortel ferait : vérifier le sol sous ses pieds, vérifier que le ciel ne s'effondre pas à son tour.
C'était la seconde qui manquait.
Dans les cris conjugué d'une foule terrassée sous les tables, je me saisis d'une cruche à moitié vide de sa vinasse. Deux choses se passèrent. Le tremblement cessa, le pichet s'en alla droit vers la tête du bandit, les cris furent amplifiés au point d'assourdir toute la salle.

Vous savez ce que ferait un être normalement constitué entre un tremblement de terre et l'équivalent d'une explosion sonore ? Il se recroquevillerait sur le sol.
L'otage plongea par terre, le criminel était assommé et recouvert de vin, les autres nous laissèrent le temps de leur bondir dessus. Quelques instants à peine furent nécessaire pour neutraliser les derniers. Chaque ennemi fut au sol plus ou moins hors d'état de nuire.

Le silence. Il y avait des gémissements, des respirations sifflantes, mais plus rien. Ni le grondement de la terre brisée, ni les cris explosés dans l'air. Mes oreilles bourdonnaient légèrement.
Un regard pour Augure, je tournais les talons. Il n'y avait plus ni mépris ni colère. Je ne souhaitais pas le comprendre, ni pardonner ni repousser.
Je laisserais les fous entre eux. Un seul avait changé ma vie pour la rendre plus difficile que jamais. Celui là, je ne lui donnerai aucune occasion de faire entrer son monde dans le miens. Il vivra selon les règles qui existent dans la réalité.
Ma première réaction fut d'aller chercher Ayame et un sanctuari.

Sol, murs, plafond... Tout se met à trembler. La suite ? La suite Wergeld se débarrasse de ce qui reste avec une facilité déconcertante. S'il avait pu accélérer le mouvement comme ça plus tôt ces types n'auraient jamais eut le temps de prendre d'otages. Enfin bref, tout est fini et voilà que l'ours se casse. Quelque chose dans son regard me dit que je vais pas tarder à devoir justifier la mort d'un des preneurs d'otage. La raison est simple mais je doute qu'elle plaise aux sanctuaris.

Sang et larmes.

Je m'assoie au comptoir et me trouve une bière en attendant que la cavalerie arrive. J'ai tué ce type pour sauver l'otage. ça me fait mal de l'avouer mais plus j'y réfléchis plus la réponse est évidente. J'en ai pourtant rien à carrer de ce type mais par principe sa vie m'importe ou le fait qu'il ne meurt pas du moins... Oh et puis qu'ils aillent tous se faire...

Mon corps convulse. Chacun de mes nerfs s'enflamme. Une main vient plaquer ma tête contre le zinc. Je suis incapable de bouger ou de me téléporter. Je suis pris au piège.

- Une illusion basique. un bouclier magique ni trop fin, ni trop épais, ni trop rigide, ni trop souple pour donner un peu de peps. Un peu de sang de cochon et des vêtements pour le côté réaliste.

Cette voix... c'est celle du chef des abrutis. Il est calme et ne semble éprouver pas la moindre peur ou tension.

- As-tu idée du temps, de l'énergie et de l'argent nécessaire pour concevoir de telles merveilles ?! Et toi, tu en explose une sans crier gare.

La pression sur ma tête s'accentue et le courant qui parcourt mon corps s'intensifie.

- Mais tu as de la chance je suis pas rancunier et j'ai du boulot par-dessus les bras. Je vous en dois une à toi et ton pote au grand cœur.

Un grand trou noir et un sacré mal de crâne lorsque je me réveille. Combien de temps a passé ? Aucune idée, mais le bar est envahis de sanctuaris. Cort est à côté du cadavre du terroriste, enfin de l'illusion, du sortilège ou je ne sais quelle merde ! Il ne reste que du sang et des fringues. Le reste s'est dissipé.

Je me relève péniblement et une rage silencieuse gronde en moi. J'en veux à K'ouen qui s'est barré, laissant le champ libre à ce type. Je m'en veux à moi pour avoir tourné le dos et baissé ma garde. J'en veux à ces sanctuaris parce qu'ils ne le retrouveront pas. Mais ouais je suis en colère contre moi-même. Je supporte mal l'échec et se type s'est foutu de nous. Il est doué, très doué et on l'a sous-estimé.

Je m'assoie de nouveau au comptoir et reprends une bière. Je me dévisage à travers le miroir. Je reste silencieux un moment à ruminer. Tout suggère que le "Magicien" a déjà un ou deux autres trous où se planquer, voir même qu'il ait déjà un moyen de quitter le dôme d'Atlantis malgré le blocus. Le visage qu'on a aperçu n'est sûrement qu'une autre foutue illusion !!

Le vieux sanctuari qui m'a pris la tête plus tôt dans la journée s'approche de moi, son carnet à la main. Il veut ma déposition... et je la lui donne dans les moindres détails. Je n'ai même pas envie de l'envoyer se faire foutre lui et sa clique. Lorsqu'il s'en va je me tourne vers K'ouen.

- Chasse les monstres les plus féroces que tu aies jamais chassé, car je vais le trainer jusqu'aux sables de l'arène... et ce jour-là faudra que tes monstres soient à la hauteur.

Je jette un coup d'oeil aux sanctuaris histoire de jauger leur intention. S'il veulent m'arrêter c'est maintenant sinon je me casse... vers le deuxième round.

-Je sais ce que j'ai vu.

Ce fut mon dernier commentaire. Le sanctuari compris qu'il n'aurait rien d'autre à présent que j'avais les bras croisés sur la poitrine et un air mécontent sur le visage. Je n'étais pas réputé pour ma bonne humeur... Plutôt pour mon tableau de chasse.

En revenant dans le troquet, il n'y avait plus grand à voir. Alors on s'était posé des questions. Après tout, je perdais peut-être la boule. Depuis un moment déjà les rumeurs allaient bon train : j'ai manqué de peu une guerre interne avec Li-Cerclon il y a deux ans, je partais en vadrouille des mois pour ne revenir qu'en morceaux et les chasses les plus dangereuses j'aimais les faire seuls ou peu/mal accompagné. En voyant Augure, le pauvre gars dû vraiment se dire que je l'étais incontestablement : fou et mal accompagné.

Ayame me regardait de haut en bas comme s'il tentait de percer un enchantement ou une folie nouvelle. Il ne vit rien, sinon que je l'avais très bien vu me mâter comme un gosse qui revient du parc. Alors il sourit. Si simplement et si naturellement qu'il me semblait être propulsé plusieurs années en arrière.
Depuis quand n'avait-il pas sourit ainsi ?

La déposition d'Augure terminé, le sanctuari me regardait moins bizarrement, j'en conclus que les nouvelles n'étaient pas bonnes... Pas bonnes du tout même. Surtout quand Augure me pressait de rapporter du gros gibier. Vraiment gros.

Pour une fois, j'étais entièrement d'accord avec lui.
Je connais un monstre dont je suis sûr qu'il sera à la hauteur.

Spoiler: