Chasseurs de requin à Atlantis

Engloutissant les flots avec une voracité infinie, le Fenrir fusait. En moins d’une demi-journée le fantastique navire avait parcouru les milles qui séparaient Atlantis de Cerclon. Dès la plongée sous les eaux, Septembre s’était senti relativement nerveux. Rien de plus normal pour un assemblage de boites de conserve et de circuits électroniques. Il était donc resté cloîtré dans sa cabine exiguë durant tout le trajet. Lyn, de son côté, avait fureté un peu partout dans le navire. Elle naviguait discrètement de salles en salles, déambulant le long de couloirs interminables. Parfois, elle osait aborder quelques personnels d’équipage et leur posait des questions qui pouvaient passer pour anodine. Pourtant, la jeune femme effectuait son travail. Elle récoltait des informations.

Lyn ignorait l’heure du jour lorsque le cor résonna. Le Fenrir était à quai. Atlantis s’ouvrait désormais aux deux aventuriers, partis dans une quête insensée à la recherche d’un dieu écailleux. Après de brefs remerciements, échanges de bourses et quelques recommendations, Septembre et Lyn quittèrent le bord du Fenrir. Ce dernier, ne s’attardant guère à quai, s’apprêtait à repartir dérechef pour effectuer de nouvelles livraisons. Avec un peu de chance, les deux aventuriers auraient l’occasion de le retrouver d’ici quelques jours. A ce moment-là, il pourrait enfin retrouver la surface. Une fois débarqué sur le port animé, Lyn se tourna vers Septembre.

- Bon et maintenant, trouvons ton traducteur de langue morte !

- On n’a de la chance, il vit dans les quartiers aux abords des docks. Je te préviens par contre, il paraît que c’est un personnage assez…spécial.

Et sans plus attendre, Lyn reprit son maigre paquetage et prit la direction de la ville, s’enfonçant dans une ruelle embaumant le poisson. Tout ici, à Atlantis, sentait de près ou de loin la poiscalle. Selon les quartiers l’odeur était cependant plus ou moins fraiche. Mais cela ne faisait aucune différence pour les deux aventuriers qui courraient vers un avenir bien incertain.

- C’est ici.

La jeune femme s’était arrêtée devant une porte en bois à la peinture caillée. Autrefois, elle aurait pu être rouge. Le quartier paraissait tout aussi insalubre que ceux qui bordaient les docks de la ville sous-marine. L’odeur cependant semblait bien plus forte, plus présente et infiniment plus pénétrante. Lyn plissa le nez, ses sens aiguisés violemment agressés. L’odeur ne pouvait la tromper. Ils étaient arrivés. Sans plus attendre, elle toqua deux coups à la porte qui protesta avant de s’ouvrir en grinçant. La jeune femme s’engouffra aussitôt dans le bâtiment, poussant distraitement des filets de pêches qui trônaient sur le passage. Des centaines de petits coquillages étaient incrustés dans les filets qui pendaient mais également sur les murs de la bâtisse. Un long couloir menait à une salle légèrement plus large mais tout aussi mal éclairée.

- Bonjour Frigg, aurais-tu un peu de temps à nous accorder ?

Un grincement insupportable les accueillit. Se contentant de la réponse, Lyn haussa les épaules, décocha un regard par-dessus son épaule à Septembre et s’avança pour dévoiler son visage. Dans sa main droite, elle tenait fermement la carte, l’unique indice qui les mènerait peut être jusqu’au dieu requin. Lyn ne savait strictement rien de cette Frigg et pourtant elle y instillait tous ses espoirs de réussite. Au fond de la salle, se tenait une silhouette bizarrement tordue, avachie dans un fauteuil incrusté de coquillages aux couleurs diverses et variées. La créature leva une main décharnée en direction des deux jeunes gens. Ses yeux brillaient d’un éclat farouche, bleu acier. Ils étaient la mort et l’éternité. Cette créature n’avait rien de mortel. La main repoussa des mèches filasses qui lui tombaient sur sa bouche édentée et grimaçante.

- Allons montre-moi cette carte, ghola, et je verrais si j’ai envie de t’aider.

La voix était sifflante, à peine audible et pourtant si insupportable. Lyn eu un frisson. Ses mains tremblaient légèrement. Elle connaissait trop bien le type de créature qui lui faisait face. Elle les avait redouté toute sa vie, du moins, jusqu’à ce qu’elle découvre l’Entre-Monde. L’image qu’elle voyait lui rappelait une vie révolue qu’elle avait fuit. Elle lui rappelait ses maîtres du Bene Tleilax.

- Hé, je suis aussi exilée que toi dans ce monde. Je n’ai ni les moyens ni l’envie de te soumettre, ghola.

La créature semblait avoir lu dans ses pensées et deviner les craintes de Lyn. Cette dernière n’en frisonna que plus. Lentement, elle avança la carte vers la main décharnée. Cette dernière la saisit avec une vivacité surprenante. La créature eu un léger ricanement. Elle tourna son regard méchant vers l’androïde qui accompagnait la jeune femme.

- Et toi comment tu t’appelles intéressante petite créature ?