Faire ses courses ; Acheter une arme ~

Le quartier d'Ordae faisait naître en elle une sentiment de nostalgie. Myra se souvenait du vieux village miteux où elle et ses parents avaient vécue. A présent séparé d'eux, traverser ce quartier médiévale lui inspirait un certain mal aise. Elle avait toujours voulut fuir cette vie misérable et aujourd'hui elle y parvenait.
Cependant si revenir ici la rendait triste, elle se sentait déjà moins oppressé que par toutes ses nouvelles technologies qu'on pouvait trouver à Cerclon ou Tern.
L'humaine se faufila entre les carrioles et les chevaux pour atteindre son objectif. Elle apercevait non loin d'ici la forge. Elle pressa le pas. Fay la suivait en voletant et comme s'il s'agissait d'une course, lorsqu'elle eut comprit la destination de Myra, l'hybride fonça vers le magasin d'arme. Lorsqu'elle eut atteint la porte, elle poussa un petit cri suraiguë de victoire à défaut de pouvoir parler. Myra sourit et poussa la porte.

«  Bonjour ! » S'annonça-t-elle.

Elle avança dans l'antre étincelant par les lames si bien aiguisé. Un sourire illumina son visage. Des hache en fer, des lames d'aciers, des épées lourdes et terriblement meurtrières ! Tout cela n'intimida pas le moins du monde la jeune commissaire qui était venue acquérir une arme afin de pouvoir se défendre et défendre ses compagnons. Contrairement à Fay qui, au bord de l’évanouissement se planqua dans le cou de la jeune femme. Cette dernière avança jusqu'au comptoirs tout en cherchant des yeux ce qui lui fallait. Son budget réduisait considérablement ses choix mais elle avait déjà en tête son prochain achat. Elle l'avait lu sur le catalogue que la Forge laissait à disposition.

«  J'aimerais acquérir un fouet s'il vous plait. Un grand Knout plus précisément. » Déclara-t-elle non sans une certaine assurance.

Depuis qu'elle avait hérité de la forge, Voiz avait dû s'adapter à certaines exigences basiques du petit commerce. Avant tout: être toujours disponible pendant les heures d'ouverture. Ce qui signifiait que le golem ne pouvait pas passer ses journées à élaborer de nouvelles armes fantaisistes au coeur du foyer infernal. Mais cela faisait aussi partie du travail requis, et Voiz tenait à laisser sa créativité s'exprimer librement.

Il avait donc fallu aménager un peu les lieux: la clochette accrochée à la porte qui signalait l'arrivée d'un client du temps de Caël était tristement inefficace pour avertir un esprit de la terre en pleine rêverie au sous-sol. A la place, Voiz avait pris l'habitude de garder une griffe plantée au plafond de son atelier souterrain, de sorte qu'elle sentait toujours le pas des clients qui franchissaient le porche. Et à cet instant précis, les bottes à talons d'une créature humanoïde venaient d'entrer.

Voiz liquéfia sa lourde carcasse et rampa le long des marches pour atteindre le comptoir. La chaleur torride du feu au sous-sol améliorait grandement sa mobilité, et l'esprit parvint au niveau de la jeune humaine juste à temps pour entendre sa requête. Le golem modela son visage en une imitation approximative de celui de la jeune femme et lui offrit un sourire. Le résultat était probablement trop large et craquelé par endroits; mais avant tout, offrir ses services:

- Bonjour et bienvenue à la forge. Je suis Voiz Montis, le forgeron. Je vous apporte cela tout de suite.

L'ennui, avec le commerce d'armes, c'est qu'il fallait respecter l'anonymat des clients. Même si Voiz se présentait, elle ne devait pas s'attendre à ce qu'on lui rende la pareille... C'était un peu triste. Mais l'esprit était heureux de pouvoir se rendre utile.

L'assortiment de fouets avait été rajouté récemment au catalogue, et Voiz n'avait pas encore trouvé le temps de les exposer avec le reste. En attendant de leur faire de la place, l'esprit avait donc stocké le trop plein d'armes dans son sac-salamandre. Il lui fallut plusieurs minutes pour déloger le porte-bagage récalcitrant du fond de l'étagère à couteaux, et une autre minute pour le convaincre d'ouvrir sa gueule. Dès qu'elle eut délogé les knouts d'entre ses mâchoires, la créature fila au sous-sol en sifflant, manifestement décidée à noyer sa mauvaise humeur dans un bain de flammes.

Voiz soupira, ce qui faisait l'effet caverneux du vent dans une grotte, et modela un masque contrit à l'intention de sa cliente:

- Veuillez l'excuser, je n'ai fait l'acquisition de ce sac que récemment, et il n'est pas très bien élevé.

L'esprit disposa avec précaution les différents knouts sur le comptoir. Sa fantaisie l'avait poussée à orner certains manches de motifs de plantes grimpantes, lierre, lichen, mousse et autres, mais Voiz avait fait l'effort d'en laisser certains vierges. Certains clients semblaient préférer la sobriété. Le golem déploya les longues lanières de cuir sous les yeux de l'humaine et désigna les anneaux qui les reliaient à la seconde bande des knouts:

- Cette seconde bande est reliée à la première lanière par un anneau; il peut être fait de laiton, ce qui rend l'arme plus résistante, ou de cuir, ce qui la rend plus souple. Pour l'entretien, je vous recommande d'imbiber le knout de lait et de le laisser sécher au soleil: cela le rend plus dur. Vingt coups peuvent suffire à tuer un homme adulte.

Voiz s'écarta légèrement pour laisser l'humaine examiner l'ensemble, et désigna un mannequin de bois dans la pièce voisine:

- Vous pouvez les essayer sur ce mannequin, si vous le désirez. Prenez votre temps et choisissez celui qui vous convient.

Voiz venait tout juste de remarquer la petite créature ailée lovée dans le cou de la jeune humaine. L'esprit n'avait jamais rien vu de semblable, et sa curiosité faillit lui faire oublier la transaction en cours. Sans s'en rendre compte, le golem avait même commencé à faire pousser deux cornes recourbées sur son crâne pour mettre le petit dragon en confiance, mais la créature semblait décidée à garder une distance de sécurité entre elle et les armes, et ne bougea pas de son perchoir.

- Je suis ravie qu'il vous plaise, dit Voiz en élargissant son sourire, ce qui en plus des cornes donnait à son insu un résultat un peu inquiétant. Je vois que vous avez déjà une certaine expérience dans l'art de manier ce type d'armes, alors une formation ne devrait pas être nécessaire. Evitez tout de même de l'utiliser trop souvent, les knouts peuvent s'abîmer très vite. Mais l'entretien prolonge leur durée de vie.

Voiz reprit l'arme entre ses griffes le temps de montrer à sa cliente comment enrouler les lanières sans affecter leur souplesse, puis le lui rendit:

- Cela vous fera 35 pims, s'il vous plaît. Si vous rencontrez le moindre problème, n'hésitez pas à revenir m'en faire part.