Robot cherche parapluie

Avec cette histoire d'innondation, ou encore le simple fait de sortir par temps humide me rend ronchon (j'ai tendance à rouiller et mes circuits ont des ratés) m'a convaincu d'investir. Pour quelque chose capable d'imperméabiliser ma carosserie. J'ai essayé les laboratoires du marché noir ou encore quelques enseignes de nano-robotiques, rien à faire. Si on leur dit "je veux aller me baigner" ils me demandent tous si j'ai prévu une assurance obsèques... Mes nano-robots ne résisteraient pas à une grande quantité d'eau. Ils peuvent évacuer l'humidité, la bruine ou le brouillard, mais un plongeon dans une piscine, une bouteille renversée sur ma tête et je suis bon pour la casse.
C'est pour cette raison que je me rends chez le Technomage. Conseillé par une amie au planeur fraichement amélioré qui ne jure que par lui. J'hésite encore, elle a l'air d'apprécier son planeur plus que sa propre vie, et en même temps elle adore se moquer de moi. Surtout quand elle a précisé "attention au tableau dans le salon".
Et comme tout le monde dit que ce sorcier est un peu dérangé du ciboulot... Ce même monde qui ne sait plus comment s'extasier devant ses oeuvres, cela dit.

Le paysan qui m'a conduit là n'a pas rechigné à m'y déposer. Vu l'endroit j'aurais pensé qu'il aurait essayé de m'en dissuader ! C'est comme si j'entrais dans un monde parallèle, le était ciel sombre, au devant du chemin le bâtiment imposant et très ancien, archétype du manoir hanté avec ses grilles en fer forgé. Il y avait quelque chose de malsain qui flottait dans l'air.
Je suis un robot, et j'arriverai à frissonner en posant mes affaires ici.

Du vent, des bruits étranges, de l'humidité et des impressions intimidantes, voilà tout ce qui me tombait dessus en gagnant le perron de la bâtisse. Sans crier gare, j'empoignais le heurtoir et l’abatis sur le bois.

Les inondations, la pluie et les piscines sont loin, très loin d'être les préoccupations principales de Murray le heurtoir. En revanche, qu'on se serve de lui comme d'un heurtoir, ce qui était pourtant son unique fonction, lui donnait mal au crâne... et ça, il ne s'en fichait pas ! Sans hésiter une seconde, il fit part de son mécontentement à ce grand dadais d'androïde qui se tenait devant lui :

- Dis donc, espèce de vieux sac à boulons, ça t'arrive souvent de maltraiter les pauvres heurtoirs sans défense ? Ça t'amuse, hein, c'est ça ? Laisse-moi deviner, tu étais le souffre douleur de tes camarades quand tu n'étais encore qu'un petit grille-pain et maintenant tu te venges sur les plus faibles ? Tu devrais avoir honte !

Il fallait le comprendre, aussi : personne n'aimerait être claqué contre une porte au beau milieu d'un rêve agréable ! Encore un peu et des éclairs seraient sortis des orbites oculaires du crâne-heurtoir qui n'avait plus qu'à attendre que la douleur se calme... et espérer que le robot ne le désintègrerais pas à coup de rayon lasers, ou quelque chose dans le genre ! Parce que si le heurtoir agressait verbalement les gens avec une certaine aisance, il était de loin le plus froussard et finissait souvent par regretter ses accès de colère.

Quoi qu'il en soit, les grandes portes du manoir finirent par s'ouvrir, le maître des lieux ayant décidé de venir accueillir son invité de lui-même. Rain, car il avait prit sa forme féminine, apparut donc devant lui, mains dans les poches de sa blouse blanche, une paire de lunettes totalement inutiles sur le nez, histoire de se donner un look intello. Rik le rat, également vêtu d'une petite blouse blanche à sa taille et affublé d'un minuscule monocle qui lui donnait un air de savant fou, était vautré sur l'épaule de la demoiselle, regardant le robot avec autant d'intérêt que s'il s'agissait d'un dromadaire. Le technomage, lui, au contraire, se laissa aller à un grand sourire plus effrayant que bienveillant.

- Bienvenue ! Que puis-je faire pour vous ?

Rain était un scientifique avant tout et les androïdes le fascinaient autant que ces histoires de magie, c'est pourquoi il appréciait quand ces derniers venaient lui rendre visite. De là où il venait, le niveau de technologie ne permettait pas de réaliser de telles créations, c'est pourquoi il faisait toujours son possible pour se procurer de vieilles carcasses à étudier... et quand un spécimen fonctionnel comme le sanctuari venait se présenter à lui (elle dans le cas présent), il... elle ne pouvait s'empêcher de s'imaginer en train de trifouiller dans sa carcasse de métal pour admirer le travail et apprendre des choses.

Encore que ce client-ci refuserait sans doute de se faire ouvrir le capot pour ses beaux yeux... dommage !

Je suis resté figé, un heurtoir me parle et de la tête aux pieds je suis un androïde rouillé. Je lâche un "désolé", prompt à éloigner ma paluche de... la chose ? C'est une maison hantée, le heurtoir me cause et l'ambiance me file la chair de poule. J'en ai les boulons qui font des castagnettes.
Allors, Sept, reprends-toi ! T'es une machine ce n'est pas un fantôme ou deux qui va te faire peur !

La porte s'ouvre et...

-Bonjour...

Je n'ai pas pu m'empêcher de la regarder de haut en bas. Avec sa blouse et ses lunettes elle ferait presque scientifique un peu fou, son rat sur l'épaule bien à sa place pour accentuer cette drôle d'image.
Pour autant, mes archives internes appliquent la théorie de "j'ai toujours raison, sans aucune exception", sauf que mes archives ne savent pas se décider sur : c'est une femme. Non, c'est une homme ? Si j'avais des diodes proposant un aperçu de mon activité interne, en ce moment ils clignoteraient rouge annonçant une surchauffe imminente.
Je me demande pourquoi ma vision alterne avec la vision nocturne et infrarouge... Tiens, je sais au moins qu'elle semble humaine, points de chaleur précis du corps, c'est vivant là dessous !
Une claque sur la tempe, à vous retourner un cheval, pour remettre en place ces crétins de nano-robots shootés aux amphétamines et je balance la seule question idiote du jour :

-Vous êtes le technomage ?

Sourire. Portant mon poing à mon visage pour faire mine de tousser dedans (je n'ai pas choisi les expressions qu'on a intégré dans toute la partie "comportement humain" de mon système) loin d'aider le complexe dispositif d'aimants qui me sert de cordes vocales, ça aura le mérite de me redonner bonne contenance (une seconde de réflexion pour un androïde qui aurait dû en nécessiter deux fois moins) :

-J'aurais besoin de quelque chose protégeant mes circuits de l'eau.

Conclusion, j'ai besoin d'une visite au garage pour discipliner mes périphériques avant de finir à la casse... ça m'apprendra ! Le sable, la flotte, tout contribue à faire griller mes circuits, et les nanites ont bien du mal à réparer les dégâts avant que je n'en cause d'autres.

- Je suis le technomage.

Ni plus ni moins : notre scientifique préféré (ou pas) n'allait certainement pas s'étendre en politesses inutiles alors qu'un problème des plus intéressants venait de lui être posé ! D'un geste de la main, elle invita le robot à la suivre à l'intérieur du manoir sans même lui adresser la parole, ses théories et solutions s'empilant déjà dans sa petite tête. Un androïde qui veut devenir waterproof ce n'est pas banal et ça pose énormément de problèmes dans la pratique. La conception d'un artefact le protégeant de l'eau à cent pour cent serait une tâche relativement complexe... un challenge que la demoiselle avait accepté dès l'instant où la demande de son client avait été formulée.

- Je vois, je vois..., répétait-elle en boucle pour elle-même.

Elle le mena ainsi au salon, dans un état de réflexion intense, et se mit à tourner en rond à grande vitesse, murmurant des tonnes de choses incompréhensibles entrecoupées de "peut-être devrais-je utiliser ça" et de "non, non, ça ne marchera jamais". Le petit manège eut d'ailleurs tôt fait d'énerver Helen Letableau qui ne se priva pas pour ouvrir sa bouche, ce qui étonnait toujours les clients, et exprimer son mécontentement. Les vas et viens incessants du maître de maison semblaient lui donner la migraine.
Rain ne semblait même pas l'entendre.

- Mais oui ! Elle abandonna son intense réflexion et vient se poser face au robot avant de continuer sur sa lancée : J'ai trouvé ! Ça risque de prendre un peu de temps à mettre en place, mais quand j'en aurai fini avec toi je te promets que tu pourras apprendre à nager ! Avant de commencer, je vais avoir besoin d'un objet sur lequel travailler. Si tu ne sais pas quoi me fournir, je peux te proposer ceci, dit-elle en sortant un autocollant en forme de sous marin de l'une de ses poches, ou bien ceci, affirma-t-elle en sortant un canard en plastique jaune de son autre poche.

Inutile de se demander pourquoi elle se promenait avec de tels objets dans ses poches, ce serait se creuser les méninges pour rien. Le technomage était comme ça : absolument imprévisible, définition même de l'étrange ! Dans sa petite tête, pourtant, tout ceci avait un sens... lequel, ça, c'était une autre question.
S'approchant petit à petit du robot, elle rangea les deux objets dans ses poches et fit bouger ses doigts tel un pianiste en plein concert, visage fendu d'un énorme sourire malsain.

- Ou alors je peux peut-être récupérer une des pièces qui se trouve à l'intérieur de toi pour m'en servir.. et t'étudier un peu par la même occasion, fufufu...

Après tout... qui ne tente rien n'a rien !

Un autocollant ça passerait encore. Je suis un androïde ma belle mécanique suscite les idées les plus idiotes. A la caserne ils ont déjà essayé de coller une image pokémon sur mon dos. Mais les nano robots ont cru que la colle était un produit dangereux alors ils l'ont évacué en quelques heures, de quoi faire tomber l'image. Donc, l'autocollant ne tiendrait pas bien longtemps. Quant au canard... Elle est sérieuse ?

Je peux partir sans rien demander de plus. Rester et manquer de me faire transformer en grille-pain. Elle était proche et plutôt mignonne. La demoiselle technomage me faisait plus penser à une enfant déguisée qu'à l'image que je me faisais du technomage. Hélas, j'avais espéré quelqu'un de plus... Rigoureux ?
Enfin, tout sauf une jeune femme en blouse avec un canard en plastique dans sa poche.
Un peu penché, réflexe des hommes grands (et des robots), je souris de mes dents semi-métalliques.

-Désolé mademoiselle, l'intérieur est privé.

Il n'y a que mon garagiste spécialiste de nano technologie qui peut aller y jeter un oeil. Il le dit bizarrement, mais de cette façon : "c'est un gynéco' pour robot". Autant je digère mal qu'il me compare à une nana venu se faire tripoter pour la science, autant c'est dur de dire le contraire, on ne vient que pour vérifier que tout fonctionne et il nous répare au besoin. Il fait chirurgien aussi...

-Mais je peux récupérer quelque chose moi-même.

On a toujours un écrou ou un boulon dont on peut se passer une heure ou deux.

-Il faut quelque chose de petit ou d'assez gros ?

Petit ça ira, gros... je peux lui confier une main ?

Moue boudeuse. Il refusait. Saleté de robot. L'intérieur est privé... je t'en foutrai, moi, de l'intérieur privé ! La technomage était déçue et ça se voyait ! Mais bon, elle avait un job à remplir et il fallait que l'androïde lui confie un morceau de sa carcasse métallique. Grand, petit, ça n'avait que peu d'importance. Rain haussa les épaules et déclara :

- Petit, ça ira.

Le robot ouvrit alors sa carrosserie et fouilla à l'intérieur, cherchant après quelque chose dont il pourrait se passer un moment. La demoiselle en profita pour jeter quelques coups d’œil à la belle mécanique sans aucune discrétion. Il ne voulait pas la laisser toucher, soit, mais il n'avait pas interdit de regarder. Le robot lui confia alors un boulon. Ça suffirait. Le pouvoir accordé ne dépend pas de la taille de l'objet, de toute manière. Grand ou petit, ça n'a, encore une fois, aucune importance.

- Bon, je vais me rendre au labo pour te préparer ton artefact. J'en aurai pour... vingt minutes. Une demi-heure maximum. Je te laisse en bonne compagnie, tu ne t'ennuieras-pas.

Elle laissa alors apparaître un sourire un brin sadique et sortit du salon, laissant le robot à son triste sort.

Ainsi donc, le pauvre client subit la conversation de ce cher tableau qu'est Helen. La jeune femme prisonnière de son cadre sembla fort sympathique au premier abord : un robot était, tout comme elle, un objet inanimé qui avait été doté d'une raison et d'une vie. Le tableau le complimenta, se jetant elle-même des fleurs par la même occasion, et lui tint un discours amical. Jusqu'à ce moment fatidique où elle affirma tout de même être supérieure à un androïde : elle était issue d'une magie puissante, elle, et non pas d'une technologie somme toute peu fiable. Après les compliments, les piques. Le robot en entendit de belles sur la supériorité de la magie face à la belle mécanique, se voyant affublé de tous les défauts du monde !

Rik le rat, qui était resté aux côtés de l'androïde, lui donna même quelques tapes sur l'épaule qu'il avait envahie, comme pour le consoler. Il partit même en cuisine, au beau milieu du discours interminable du tableau, pour se saisir d'un cookie et le présenter à l'invité, incapable de comprendre la différence entre une machine et un humain. Les cookies, ça fait toujours plaisir.

Enfin, après une grosse demi-heure de tortures, Rain revint de son laboratoire, boulon à la main. Boulon devenu bleu, d'ailleurs. Bleu et transparent, bien qu'aussi solide qu'autrefois. Il donnait presque l'impression d'être un bout d'océan façonné en forme de boulon. Une petite propriété supplémentaire pour le reconnaître au premier coup d’œil.

- Voilà, voilà, j'ai fini ! Si tu pouvais le remettre à sa place, qu'on puisse passer aux... tests... fufufu...

Laissant le robot remettre son boulon à la bonne place, elle se retira du salon à nouveau. Pas longtemps, cependant. Elle revint bien vite avec un tuyau d'arrosage à la main, qu'elle braqua droit sur le robot.

- Prêt ou pas... me voilà !

Helen hurla, le rat s'enfuit... et le jet d'eau partit à pleine puissance, inondant le salon en même temps que le robot.
C'était le meilleur moyen de vérifier si l'enchantement avait fonctionné, n'est-ce pas ?
Bwahaha !

La technomage envolée dans son laboratoire, je gardais sur l'épaule son acolyte en blouse et sur le dos le portrait d'Helen.
Je remercie celui qui m'a fait androïde. Mes pensées n'existent pas vraiment, ce sont des impulsions électriques qui s'activent les unes derrières les autres dans ma mémoire vive : un ordinateur donc. Et pour cette raison, je me permets de penser très fort tout ce que je ne peux évidemment pas dire à un portrait qui semble vouloir me rappeler que c'est une oeuvre d'art de la magie, contrairement à moi qui suit le onzième membre d'une série ratée de robots : un tas de métal froid.
J'ai des propulseurs inutiles dans les mains, si je pouvais je lui ferais bien goûter les quatre cent degrés de combustion qui s'en échappe...

La scientifique de retour, je me contentais de déposer le cookie à mes côtés pour ré-enfiler le boulon qui manquait à ma hanche. La parcelle d'océan regagna ma mécanique dans un cliquetis cristallin. Quand je relevais la tête, le capot toujours ouvert, l'artisan était de retour : un tuyau d'arrosage dans les mains.

-Non...

Je levais la main, veine tentative pour me protéger, le rat prit la fuite.

-Attend !

Trop tard, elle actionna le jet d'eau dirigé droit vers moi et je fus recouvert d'eau de la tête aux pieds. Bonne nouvelle : je suis toujours vivant. Mauvaise nouvelle : j'ai les circuits qui pètent littéralement une durite. Tout surchauffe : ce qui pilote mes émotions et le truc qui se met en alerte rouge en cas de trop forte humidité ambiante. Migraine.
Mais je suis en vie. Autant que pourrait l'être un androïde. Et trempé.

J'accuse le choc un instant. Ma masse capillaire dégoulinante et le reste de ma carrosserie rutilante sous la couche d'eau.

-Ça marche... Ça marche !

Pas de rouille, pas d'explosion, pas de rebootage... J'attrapais la jeune femme que je soulevais dans mes bras manifestant toute ma gratitude en m'essuyant sur elle. Aussitôt fait, j'empoignais le tuyau d'arrosage et le dirigeais vers elle.

-Très rafraichissant, fis-je en déclenchant le jet.

Spoiler:

- Bien sûr que ça marche ! T'en doutais ?

Sourire triomphant. Il y a beaucoup de gens qui prennent le temps de venir la voir sans même croire en ses capacités mais tous ressortent satisfaits. En ville, nombreux sont ceux qui la traitent de folle, de cinglée... c'est vexant ! Mais peu importe qui ils sont et ce qu'ils veulent, peu importe les moqueries et médisances, notre adolescente est capable de réaliser des miracles. Encore une fois, le client semblait satisfait, au point qu'il vint même lui faire un câlin.
Rain aime les câlins mais... elle aurait tout de même aimé que celui-ci fut moins... humide. Se faire serrer dans les bras d'un Androïde n'a déjà rien de rassurant mais là ! Froid ! Mouillé ! La technomage en était certaine : tout ceci n'était qu'une basse vengeance pour ce petit test pourtant approprié. Comme elle se trompait ! La véritable vengeance vint seulement plus tard, sous forme d'un arrosage en bonne et due forme. Ce fut au tour de la jeune fille de tendre la main en avant et de supplier mais... rien n'y fit. Plouf. Elle eut beau se retourner et se dandiner en criant d'arrêter, elle finit trempée jusqu'aux os. Un petit sourire aux lèvres, cependant. Cette riposte l'amusant plus qu'autre chose. Le robot jouait avec de l'eau sans avoir peur de se mouiller pour la première fois, en plus de ça, comment ne pas en être un minimum heureux pour lui ? Sincèrement, il y a de quoi être fier de son travail pour une fois ! Une fois le jet arrêté, la demoiselle se retourna vers le robot, main dans les cheveux.

- Rafraichissant, hein ?

Un large sourire sadique lui ouvrit le visage en deux. Elle plongea sa main dans une de ses poches pleines d'eau et en ressortit... non pas le canard en plastique mais une clé anglaise. A monstre, monstre et demi comme on dit ! Il voulait lui faire prendre froid ? Ce ne serait pas avant de lui avoir livré tous ses secrets ! Bwahaha !

- J'vais te rafraichir à ma manière, moi, tu vas voir ! Tu vas avoir des courants d'air dans le bidon ! Fufufu...

Bon, la demoiselle ne compte pas vraiment l'ouvrir comme une boîte de conserve, c'est surtout pour lui faire peur... mais elle n'avait pas prévu ce bras gigantesque qui vint taper du poing entre eux. Vu la couleur et la direction, ce ne pouvait être qu'une Helen en colère. C'est vrai qu'elle n'aime pas l'eau non plus, elle... et qu'elle bieeeen plus effrayante qu'une clé anglaise ! La voilà sortie de son tableau, jurant comme une charretière, criant qu'on paierait pour lui avoir salopé son salon. Oups. La technomage évita de peu la grande main qui voulut l'attraper et la broyer avant de courir vers la porte comme une dératée, abandonnant le robot à son triste sort. Mais elle ne s'enfuit pas loin, juste dans l'encadrement de la porte, lieu inaccessible pour Helen. Rain cria alors à son client :

- Fait quelque chose ! Calme la ! Sinon elle va tout casser !

Ben oui, aussi... c'est lui le dernier a avoir utilisé le tuyau d'arrosage, c'est à lui de prendre la responsabilité ! Logique ! Comment, ça, non ? On s'en fiche ! La technomage semble bien trop lâche pour affronter une telle monstruosité, autant profiter de la carcasse blindée de son client !

La clef anglaise menaçante sous son nez, je refusais catégoriquement avec pour seul argument que l'intérieur de son bide, il doit rester secret. Chacun son intimité que diable, est-ce qu'il va visiter ses intestins à le demoiselle ? Et bien non, d'ailleurs même s'il le voulait il ne pourrait pas, pour deux raisons, une purement physique -et aussi parce que c'est un peu crade quand même- et l'autre ce nomme Helen.
Un tableau, un bras, un monstre.

-Non d'un boulon !

Un chandelier volant passa non loin de mon casque au verre teinté, je plongeais sous la table et dégainais de ma poche mon miroir de sanctuaris. Ça n'a strictement aucune utilité, mais si je fais un carnage, l'assurance ne paiera qu'à condition que mon miroir fut visible durant toutes les hostilités, ça et :

-Première somation : Calmez-vous ou je serais dans l'obligation d'employer la force.

La table finit en plusieurs morceaux sur le sol, et j'étais non loin encore tout fébrile d'avoir évité de justesse de finir plat comme un deltaplane...

-Dernière somation !

Miroir visible, fait. Somation règlementaire, faite. Ne manque que l'utilisation de la force.
Un tableau qui fait usage de violence sur un sanctuari ça prend combien en taule ? Et puis... C'est quel miroir ça déjà ? Cela ne faisait aucun doute que je m'en fichais royalement, après tout ce travail là était réservé aux gratte-papiers et au patron. Surtout à son gratte-papier personnel : Stern.
En bref, le tableau asséna un coup que je pris de plein fouet et m'envoya valdinguer dans les chouquettes. Helen était vraiment furieuse et moi un peu dans les vappes. Encore heureux que je suis un androïde elle m'aurait envoyé dans la zone inconnue si je ne pesais pas aussi lourd !

-Vous l'aurez voulu... Usage de la violence sur un représentant des forces de l'ordre, refus d'obtempérer et mise en danger volontaire d'autrui, c'est le grenier sans passer par la case départ !

Le bras de fer commença entre le tableau et moi-même... Et j'étais bien parti pour me faire rétamer. Pour la deuxième fois de toute mon existence.
Une question me turlupine, c'est fou tout ce qu'on peut dire comme conneries alors qu'on évite de finir en pièces détachées... Mais où trouve-t-on le temps de prononcer autant d'idioties ?

Tiens, en y pensant, si Helen persiste j'ai toujours l'option réacteur de propulsion dans les mains, je vais finir dans la stratosphère mais le tableau sera crâmé et pour de bon avec ces conneries. (et la dernière question sera : dans quel état va ton retrouver ma carlingue quand j'aurais retrouvé le plancher des vaches ?)