Re: Le candidat inespéré

Si je l'embrasse, je perds. Je n'ai pas envie de perdre. A-t-il mérité sa victoire ? Il va devoir faire encore un petit effort. Mon sourire contre sa chevelure, elle caresse ma joue.

-Il va falloir être plus persuasif.

Le sucre-plume le rend joueur. Cette information est la bienvenue. Jouons à qui succombera le premier. Seulement quelques centimètres nous séparent encore, c'est un combat que l'un de nous devra perdre.

J'ai tout Gabu sous les yeux, son cou presque contre ma bouche. Je repense au sucre qu'il avait sur la lèvre quelques instants auparavant.

J'ai le courage de caresse son bras du bout des doigts. J'ai besoin de tester la température, de savoir s'il frissonne sous la caresse. Est-il entreprenant ou passif ? C'est essentiel de le comprendre dès le départ.

Je souris de plus bel à sa remarque. Vu le dénouement, le jeu en vaut la chandelle. Ça tombait bien, si j’ai été Maître du Jeu pendant des années, ce n’était pas pour un rien.

Trouver une thématique ? Les sens. J’avais déjà joué sur l’ouïe avec ma voix. Mon nez et mes lèvres frôlèrent légèrement les lignes de sa mâchoire, laissant mon souffle titiller la peau de son cou, je me déplaçai, reculant mon visage pour me plonger dans son regard.

Le sucre-plume devait grandement aider sur cette étonnante confiance en moi que j’ai accumulé en quelques minutes. Celui que je craignais au début, comme un obstacle insurmontable me sembla pourtant si proche et pas que physiquement. Or peut paraître inaccessible, je ne refuse pourtant jamais un défi.

- Je peux être persuasif.

Il avait certainement l’habitude des lurons dans mon genre. Quel personne n'aimerait pas jouer avec un homme de sa trempe, en même temps ? La différence ? Il était un habitué, moi pas. J’ai toujours eu un cruel manque d’assurance avec la gente masculine et pourtant … Mon futur professeur était là, à m’encourager silencieusement, attendant sagement que je réagisse.

“Joues sur la vue.”

Mes mains se dirigèrent inexorablement sur la ceinture qui maintenait jusque là le haut de mon kimono qui glissa le long de mes bras, dévoilant mon hakama et mon torse par la même occasion. Oui, sa caresse le long de mon bras avait aidé à déclencher mon action. J'en frissonnai.

Le tour du toucher, je m’approchai encore un peu, les doigts d’une de mes mains se levèrent avec envie et un soupçon d’appréhension, se posant délicatement au niveau d’une de ses clavicules. Je ne le quittai plus des yeux.

- À moins que … cela vous gêne ?

Mon sourire s’agrandit avec une pincée d’espièglerie. En douceur, mes phalanges finirent par glisser sur la peau de son cou dans une friction légère, juste de quoi potentiellement le faire frissonner, lui aussi.

Même maintenant alors qu'il est désinhibé avec une drogue du love hotel, dans une chambre intime avec le seul objet de amusement, il arrive à se retenir. Il demande presque la permission tout en offrant ce qu'il a de plus beau. Un loup tenu en laisse.
Les lèvres effleurant ses doigts, je le regarde sous la frange de ses cils. Il a les yeux rouges, dans cette pièce c'est un appel au crime.

J'approche les mains de ses hanches, ne pouvant m'empêcher d'admirer le corps si gentiment offert à mon oeil expert.
Si je l'embrasse maintenant ce sera une fois sans retour, sans lendemain. Un test réussi, un employé et une aventure parmi beaucoup d'autres.
Mais, si je l'embrasse maintenant je le guéris définitivement de ses appréhensions sur les hommes. Je lui donne la force de travailler dans cet hôtel sans réserve.

C'est tellement dommage. Comme c'est injuste, de l'avoir en cadeau, d'espérer tellement plus et de devoir y renoncer les yeux sur le plateau. Il a mérité sa victoire. Tant pis, ce sera un très bon employé. Je ne suis plus à quelques décennies près.
Alors comme ça, je l'embrasse.

Enfin.

Enfin je ressentis ces lèvres contre les miennes. J’avais l’impression d’avoir attendu que ça depuis notre rencontre. Depuis que je l’avais vu. Malgré l’expérience accumulée auprès de la gente féminine, un frisson me parcourut l’échine, tel une décharge électrique dans des picotements incontrôlables.

Durant ce laps de temps, je me fichais de qui avait gagné ou perdu. Je savourai l’instant, ma main logée sur son cou continuant sa progression jusque dans sa chevelure. Rien que de sentir ces mains fines glisser sur mes hanches suffirent à l’encourager dans son geste avec un peu plus de passion.

Ma deuxième main n’avait envie que d’une chose, enlacer le corps d’Or et de le serrer contre moi. Des souvenirs lointains et pourtant si proche dans la configuration actuelle refirent surface. Ces nuits … Ce baiser avait quelque chose de … magique ? Peut-être une facétie de cet étrange sucre-plume.

Je quittai mon petit nuage lorsque nos lèvres se détachèrent dans le plus grand des silences. Encore sous l’effet de cette douce sensation, je ne pus qu’adresser à mon - je l'espérais - futur patron un léger sourire amusé.

- Je prend ça pour un non.

Mon espièglerie pourrait me perdre, mais je suis comme ça. C'est ma personnalité.

Mon regard dévia un instant pour observer le lit à proximité. Il était attirant. Du moins, l'homme en ma compagnie le rendit plus attirant. Je laissai mon autre main glisser sur sa hanche jusqu'au bas du dos, prêt à l'emmener avec moi, l'admirant avec envie.

- Je suis prêt pour mon initiation.

Je le tirai avec douceur, de ma main plaquée sur son dos, le faisant avancer tandis que je reculai.

- Mais mettons nous à l'aise avant.

Dès que je sentis le bord du lit de mes mollets, je lâchai mon étreinte, mes doigts ne cessant de frictionner son corps encore trop habillé à mon goût et m'assis devant lui, lui tenant la main et mon regard ne quittant pas son visage.