Deuil et Colissimo Express

Le reflet d'un ange haut dans le ciel apparut dans l'un des innombrables canaux de Northrives. L'ombre de ses grandes ailes grises suivit l'eau sur quelques centaines de mètres, plana sur trois ponts, puis une gondole dont le lutin propriétaire leva la tête, mécontent qu'on lui vole son soleil.

Uriel vérifia l'adresse gribouillée sur le bout de papier qu'on lui avait donné à K'an. A force de la sillonner, il connaissait la ville comme sa poche, aussi ne tarda-t-il pas à se poser sur un trottoir envahi de fleurs. Leur parfum lui donna aussitôt envie d'éternuer. Il fusilla les plantes colorées du regard, comme si la simple force de son mécontentement pouvait les faire brûler.

Machin se serait sans doute transformé en colibri ou une autre bête stupide pour aller les humer. Mais Machin n'était pas là. Machin ne serait plus jamais là. Uriel n'avait pas passé une seule journée après avoir hérité de la bestiole sans imaginer mille et un moyens de se débarrasser d'elle. Maintenant que c'était fait, et de la manière la moins préméditée du monde, il ne s'en portait pas mieux. Au contraire. Il ne regrettait pas la mort récente de son stupide animal de compagnie, tenta-t-il pour la énième fois de se convaincre. Non. Il était juste furieux de ne pas avoir eu le temps de se venger de tous les ennuis qu'il lui avait valus. C'était tout.

D'une humeur massacrante, il gagna à grandes enjambées la maison que son client lui avait désignée.

"Livraison !" beugla-t-il en tambourinant à la porte. "J'ai un paquet pour une Sayiel quelque chose !"

Il vérifia quand même qu'il avait bien sur lui le parchemin de son titre Sarkina, dans lequel le paquet en question attendait, invisible.