Comment s'attirer des ennuis puis être sauvé in extremis par Adhara la Vaillante...

Il y a un temps pour manger, un autre pour boire, un autre pour dormir, pour galoper, pour faire ses besoins, pour surveiller le troupeau, pour dormir et pour vérifier les alentours. C'est ce dernier temps qui me préoccupait le plus en ce moment. De nouvelles odeurs m'étaient parvenues depuis la grande plaine, alors que je m'apprêtai à galoper en tête de mon troupeau. Soucieuse, j'avais confié celui-ci à Balmir (un étalon de forte carrure qui nous sauva en tuant le sorcier nous ayant maudits), qui avait lui aussi humé ces effluves. Inquiet, comme toujours, il m'avait dit de faire attention. Et, comme à chaque fois, j'avais menti en lui disant que j'étais toujours prudente. Il avait soufflé bruyamment mais avait cédé et les regards inquiets des chevaux de mon troupeau s'éteignirent pour laisser place à ceux, plus habituels à ces moments, heureux. Je les avais regardés partir pendant quelques instants, puis avais foncé vers la forêt, l'endroit d'où semblaient provenir les odeurs nouvelles.

Et j'étais là, humant chaque feuille, chaque brindille que je croisai, cherchant la source de mes inquiétudes. J'en étais presque lasse ; le chemin que je semblais avoir parcouru avait l'air immense, et je me demandai pourquoi les parfums inhabituels avaient été flairés d'aussi loin. Mais bientôt, j'eus ma réponse.

Trois formes de vies que je flairai à distance. Peu discrètes. J'entendais des grognements et autres bruits rarement entendus dans ma vie pourtant longue et variée. Encore plus inquiète et, ma curiosité piquée à vif, je trottai jusqu'à l'origine de ces sons et ma réponse se compléta ; un gigantesque (par rapport à la taille d'autres individus de son espèce) ours noir de cendre aux yeux rouges luisants s'attaquait à des bipèdes. Une femelle et un mâle.

Je me dressai sur mes pattes arrières et hennis de toute la force de mes poumons. L'ours ne me faisait presque pas peur, seule sa taille (aussi grande que la mienne, peut-être plus) me donnait des frissons. Je fis un bond en avant et partis au triple galop défendre les bipèdes. L'animal rugit en me voyant et parvint, à mon grand mécontentement, à esquiver mon attaque. Ce qui me surprit le plus, ce fut sa rapidité ; aucun ours que j'avais rencontré jusque là n'avait témoigné autant d'agilité.

Sans me décourager, je freinai de la façon qui me parut la plus rapide possible : en abaissant mon postérieur et en permettant aux sabots de mes pattes arrières de m'arrêter presque immédiatement. Je me retournai et fonçai vers l'ours. Pendant ma course folle, je pensai en une fraction de secondes à mes actions ; sauver des bipèdes, ceux qui m'avaient séparé de ma famille et ceux qui m'avaient offert une nouvelle vie. Mais l'ours semblait jusqu'à maintenant le plus grand danger pour mon troupeau.

La collision fut phénoménale, et moi et mon adversaire restâmes groggy pendant quelques instants. Je me repris et pivotai. Je me dressai sur mes pattes avant et tentai de frapper avec mes membres antérieurs l'ours qui rugissait à l'envi. Il évita le coup peut-être mortel et je pivotai à nouveau, face à mon adversaire. Soudain, il leva une énorme patte et me griffa avant une force inouïe au flanc. Une brume rougeâtre se déversa de la plaie et tomba lentement au sol. Pour moi, c'était du sang qui coulait à verse. Prise d'une colère qui me ressemblait peu, je hennis à nouveau et fonçai (moins rapidement, étant donnée ma blessure) sur ma cible. Cette fois-ci, je lui donnai un coup de tête à l'épaule qui nous fit mal à tous les deux. Il recula en boitant et en grognant.

Nous nous jaugeâmes alors tout deux du regard. Le combat s'annonçait très long.