Enquête dans les ténèbres [PV Septembre]

Spoiler:

L'annonce de Septembre d'emmener directement les bandits à la Caserne me fit hausser un sourcil. J'étais d'accord pour les enfermer, mais ils avaient quand même besoin de soin... L'androïde ouvrit une porte vers la Caserne et nos collègues vinrent se charger des criminels. Je fus un peu soulagé de remarquer un guérisseur parmi le personnel et bientôt, mon compagnon d'enquête et moi étions seuls.

-Prêt pour une visite de Magna ? On a le signalement de notre suspecte, et de ses complices, il nous reste qu'à la débusquer. Tu t'y connais en chasse au lapin ? Tu vas voir, c'est très ingénieux comme concept.
- Je sais chasser le cerf, mais j'ai hâte que tu m'apprenne cette nouvelle technique !

Il ouvrit une nouvelle porte vers Magna et je le suivais, ignorant le frisson qui me parcourait chaque fois que j'utilisais ce moyen de déplacement. Je m’immobilisais à la sortie, laissant quelques secondes à mon corps de s'adapter, puis donnais un coup de canne au sol pour analyser ce qui m'entourait. Comme toujours, Magna était remplie de personnes suspectes, dans des rues sales et étroites. Les odeurs me suffisaient à me faire comprendre où j'étais. Mais Magna était grand, et nous n'étions pas leur alliés préférés, c'était connu. Trouver notre suspecte ici était comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

- Par où commencer... L'Auberge Providence peut-être ?

-Ouais, l'auberge providence est un bon point de départ. Mais on ne va pas y aller comme ça.

Au début de ma carrière, je me suis vraiment demandé comment faire pour faire sortir un lapin de son nid. Des milliers d'enquêteurs à travers les mondes se posent la même question et à chaque situation des stratagèmes sont possibles. C'est souvent des coups de chance, qui, de temps à autre, permettent de capturer un criminel, ou plusieurs. Il y a le pistage, bien sûr. Mais ça prendrait des mois. Morgan et moi n'avons pas envie d'y passer autant de temps pour une seule femme tueuse.

Je l'entraine dans une rue, l'air de me balader avec un collègue, nous nous arrêtons dans un coin tranquille.

-La chasse au lapin, c'est très drôle. Tu disposes un appât sous une cage et tu attends patiemment que le lapin vienne faire un festin. Dès qu'il est dans la cage, tu le captures. Tu vois où je veux en venir ?

Je lui expliquais alors que nous allions répandre une rumeur. L'un des hommes qu'elle a tué est un membre de la famille d'un grand ponte de Magna. Le genre à vous faire dresser les poils de la nuque et des bras rien qu'à entendre son nom. Quand on connait Magna et qu'on y vit... Et lorsqu'on a des poils.
L'homme est patient, il comprend ces choses là. Il est prêt à passer l'éponge, à condition qu'elle le rencontre. Lieu neutre : Providence.

-Toi, tu es l'homme de main de notre gars. Tu l'attendras patiemment à Providence. Moi ... Je suis un informateur.

J'avais quelques noizumènes dans mon conteneur pectoral.

-Je me transforme et je coure Magna pour répandre la rumeur : Ameth a tué un membre de la famille d'une guilde. Leur chef est prêt à la rencontrer à Providence. Dès que tu l'auras repéré, fais la parler, trouve un arrangement potable avec elle : rends-moi service et je passe l'éponge, tu vois le genre ? N'essaye pas de l'arrêter à Providence, on risque de se faire lyncher par des clients solidaires avec elle. Dès qu'elle sort de là, on lui file le train. Une fois son repère trouvé, on l'arrête.

Par politesse, je lui laissais le temps d'émettre des protestations à mon plan aussi aéré que par jour de grand vent. Le temps pour moi de gober une noizumène, de la laisser fondre sur ma langue et j'étais humain.
Un grand type tout en muscle aux cheveux décolorés à blanc et aux yeux bleus.

-Je me sens bizarre...

Un haut-le-coeur me surprend.

-Je m'y ferais jamais à ces trucs.

La capuche rabattue sur mon visage, les poings enfoncés dans les poches de mon pull, j’étais prêt. Morgan prit son temps pour me rejoindre, assez pour voir Ameth approcher d’un tournant à moins de cent mètres de nous.

Suivre Ameth n’était pas difficile, elle n’avait peur de rien. Donc elle ne regardait pas souvent derrière elle. J’avais l’air d’un gros dur, d’un homme de main escortant un pontife du quartier. On nous jeta quelques regards appuyés. Nous n’affichons pas nos couleurs, pas de tatouages, pas de breloques. Nous étions dangereux, les habitués du quartier le reconnaissait, mais nous étions des dangers sans étendard.

-On ne se sépare pas, ce serait sonner la cloche pour l’ouverture de la chasse.

Ameth entrait dans une ruelle tordue, une pente douce drainant eau et déchets jusqu’à mes bottes. Beurk, me dit mon nez, beurk me disent mes yeux. J’ai l’estomac qui veut se faire la malle… Ameth avance vers une intersection de la ruelle. C’est un bon moment pour l’arrêter.
Parce qu’on ne peut plus la suivre sans être sûr d’être repérés si elle se retourne et surtout car elle se dirige vers une plaque au sol, ça ressemble à une plaque d’égout. On ne peut pas se faire distance ou risquer d’entrer dans un endroit hostile…

Je me précipite jusqu’à elle, le M5 chargé pour un gaillard et mon miroir dans l’autre main, je tire une fois, la lumière m’aveugle, je ne sais pas si je l’ai touché.

Comment fait-elle pour se repérer ? Comment voit-elle à travers ce brouillard qui absorbe toute lumière. Morgan et elle prennent de la distance et bientôt je vois le trou noir que son pouvoir crée. L'espace semble vide et pourtant... Je les entends à l'intérieur, j'entends du bruit, leurs respirations et le bruit d'une épée qui fend l'air.
Tout ce que j'ai à ma disposition c'est mon M5, le reste de mon équipement est encore dans mes compartiments de stockages, inaccessibles jusqu'au retour à la forme androïde.
Si j'avais mon processeur de compagnie, il me ressortirait une partie obscure d'un manuel pour policier débutant venu d'un autre univers. En réalité, je me souviens très bien des réflexes à avoir lorsqu'une arrestation devient périlleuse.

L'environnement est une mine de ressource. L'eau ruisselle sur la pente, un petit tonneau éventré en a recueillis une bonne quantité. Juste assez pour...

Je l'attrape sans réfléchir et projete l'eau en direction de la sphère de ténèbre. De l'autre main, le M5 vibre lorsqu'il éjecte une munition d'énergie pure.
Pauvre Morgan... La sphère s'éteint brutalement, Ameth apparait sonnée malgré l'adrénaline. Flûte, j'ai oublié que le M5 charge en fonction de la masse visée. La sphère était beaucoup, beaucoup, plus grosse qu'elle. Est-ce que je l'ai tuée ?

-Morgan ?

J'approche en petits pas pressés. Ameth ne bouge plus, les yeux clos et son épée enfermée dans sa main par un réflexe musculaire.
Je n'avais pas le temps de vérifier ses signes vitaux. Au bout de la ruelle, des visages apparaissent. Nous nous sommes faits remarqués par les ombres et le destine semble vouloir notre mort en cet instant. Il nous fallait fuir et vite.

J'attrape Ameth et dans un même mouvement j'ouvre le portail vers la Caserne. Mes jambes tremblent, l'adrénaline fait battre mon coeur à mes tempes, mon cerveau peine à aligner deux pensées cohérentes. C'est ça d'être humain ?