1, 2, 3, Dindons !

Des montagnes russes pour chasse que cet humain. Je me trouve fixé à son épaule telle la moule à son rocher, je salive d’avance en voyant les dindes voltiger les unes après les autres. Ce gars-là est à avoir dans ses amis !

Le cuir de son blouson est un plaisir pour les griffes, je me délecte du plaisir de les aiguiser sur son épaule. Le griffoir parfait, même s’il bouge beaucoup… Wergeld est même assez grand pour me tenir auprès des branches. Un escabeau si bien amené, ce garçon devrait changer de métier. Il pourrait se rendre utile !

Dès que je sens la présence d’un dindon caché là-haut, je laisse mon griffoir chasser seul et je grimpe silencieusement vers ma proie.
Je piquais le postérieur de l’énorme volaille avec la pointe de l’une de mes lames. La douleur fait sursauter la bête et le dîner se laisse tomber vers le sol.

- Au dessus de toi, l’ami !

Je saute avec, car au pied de l’arbre je vois mon compagnon chasseur. Si je vise bien, j’atterris sur sa tignasse.
Qu’ai-je à craindre ? Les chats retombent toujours sur leurs pattes.

Il pleut des poules ! Huit kilos de plumes, de pattes griffues et de bec me tombe dessus et juste après le chat se prend pour un écureuil volant. Sa dinde me tombait dans les bras, suivie de Pwyll.
Je n'avais pas vécu de chasse aussi ridicule depuis des années. Ce chat me rappelait une vieille amie haute comme trois pommes et dont la langue était aussi acérée que celle de ce sac-à-puce.
Je me retiens de lui flanquer un coup de pied qui l'aurait catapulté à Moïrïn. Je jure. Je n'évacue pas la frustration d'avoir reçu un chat volant et casse-pied en guise d'équipier. Eva m'a fait une sacrée blague avec celui-là...

Puisqu'il m'était impossible de le transformer en descente de lit, je ravale ma colère. Dignité obligé, je l'attrape comme une dinde et je l'entraine sur mon chemin.

-On dirait que le dîner tombe du ciel aujourd'hui. Dis-moi, Pwyll, tu as des préférences sur la manière d'assaisonner ta viande, ou bien je me contente de ce que j'ai sous la main.

L'affront de ce chat me tombant sur la caboche n'est définitivement pas passé. Avec d'une main une dinde, d'une autre un chat tombé du ciel, je revient dix ans en arrière, intrépide, maladroit et affamé à chasser n'importe quoi pourvu que ça survive à la cuisson.

-Allons, Maitre chasseur, il y a bien assez de volailles dans votre panier. Vous verrez, ma viande ne sera pas à votre goût, même assaisonnée…

J’en faisais des abdos, pour lui mordre les doigts et lui planter mes griffes dans le poignet.

-Libère-moi, que diable ! Ne savais-tu pas que les chats finissent toujours pas montrer leur derrière, même aux gens qu’ils aiment bien ? Tu ne peux pas m’en vouloir d’être ce que je suis !

J’avais dépassé sa limite de tolérance à la race féline, je n’avais que mes coutelas pour me défendre, j’en mordais un de toutes mes dents et me lançais dans une attaque sournoise de sa main.. K’ouen était plus titré qu’un livre de comptabilité ne le serait jamais ! Mais je n'ai pas peur, je ne crains pas l'adversité, ni les mangeurs de chats. Je sauverais ma peau, ou que les flammes de la cuisson m'emportent !

Aie ! La pointe de sa petite lame m’effleure la peau, je libère le maudit matou et porte aussitôt la main à ma bouche. Le goût en est salé et ferreux, le petit diable m’avait offert une belle estafilade pour se libérer de ma prise. L’une des dindes dans mon autre main perd patience, paniquée elle déploie ses ailes et se contorsionne pour se libérer. De rage, je jette les volatiles dans la cage que je referme soigneusement. Nous en avons eu six et c’est bien assez pour aujourd’hui.

Je cherche le chat du regard, je l’ai mauvaise.

-Pwyll, dois-je en conclure que tu m’aimes bien ?

C’est la forêt qui me répond. Le grabuge que nous faisions avait éteint l’effervescence des animaux du sous-bois. La pénombre se referme sur nous, agissant comme un condensateur à paranoïa. Les son atténué, le bruissement des plus hautes branches dans le vent.
Je suis inquiet car mon instinct m’assure que quelque chose ne va pas.

-Le chat, revient par ici ! Je promets de ne pas te faire de mal si nous partons avant qu’on se fasse surprendre par un prédateur.

Je crains qu’il nous surprenne au moment d’embarquer. Epée en main, j’abandonne mes dindes près d’un arbre et j’écoute patiemment les sons en provenance des ombres.

-Que neni, l'ami, je suis un chat, je n'aime que moi.

Je suis Pwyll "le chat" et "le chat" bondit vers le chasseur et se cache derrière ses jambes. C'est mathématiques, plus ils sont grands, plus ils attirent l'intérêt des grosses bêtes. Ce qui est dommage avec ce chasseur au mauvais caractère (sans humour), il n'est pas aussi grand que je l'aurais voulu. Les humains ne sont-ils plus capables de faire des bébés barbares ? Le bon temps, quand ils faisaient des guerriers écervelés, ils occupaient assez longtemps les ennemis pour me laisser le temps de m'éclipser.
Une époque révolue quand je vois ce chasseur si mal armé par la nature... J'ai peur que son cerveau ne nous ai quitté. Pour le peu qu'il était utile et en d'autres circonstances, j'aurais salué ça d'un "bon débarras".
Là, ça tombait mal quand même.
J'insistais puisque le cerveau d'un chat vaut mieux que deux cerveaux humains.

-Pouvons-nous quitter les lieux... Séance tenante ?

Je ne suis pas rassuré et mon courage s'est retiré dans les chaussettes du garçon. L'endroit parfait pour y planter mes griffes.

-Je me permets d'insister. Ce lion aveugle et puant serait du meilleur effet pour dissuader un prédateur.

Pwyll dans mes jambes, ça ne me rassure pas que cette opportuniste préfère la sécurité de mes bottes plutôt que de son arbre. Mon petit doigt me dit que son instinct de survie l’invite à mettre autant de boucliers que possible entre lui et ce qui se rapproche de nous.
Le cyliong lève sur nous son large museau, je vois ses yeux blancs et sa crinière ne masque pas ses oreilles tournées vers le bas, en signe d’inquiétude.

-Pwyll, je vais ignorer le fait que tu viens d’insulter le plus loyal des équipiers, tu vas donc pouvoir grimper sur son dos et te faire aussi discret et petit que ton égo en est capable. Ou je te laisse pourrir dans cette forêt.

Le lion s’avança jusqu’à nous, paisible. Il dégageait une assurance peu commune et puisqu’il faisait bien cent-soixante-dix centimètres au garrot, il y avait de quoi être confiant. La cage improvisée des volatiles ne survivrait pas à plusieurs heures de course vers la ville. Un “sarkina” prononcé et elle disparue happée par le néant.

Je pris le temps de nettoyer notre bref et chiche camp. Ne resterait de notre passage que des copeaux de bois et quelques plumes.
Mon épée glissa dans son fourreau, fixée à la selle de la monture par une sangle se terminant en une large boucle. Je m’installais en cavalier et par prudence, garda les rênes dans une main et ma hache dans l’autre.

-Accroche-toi.

C'est bien, entre le chasseur têtu comme un âne et sa bête pas très éloignée en gamme, j'étais servi. Une chevaline ferait fortune ! Il faut encore attendrir toute cette viande de mauvais caractère de griffes plantée dans l'écorce duveteuse du lion. Bien oui! Comment pouvais-je grimper là-haut sans ça ! L'humain s'était précipité en selle et je n'étais pas assez stupide pour servir d'appât à prédateur.

-Va Chasseur, je m'accroche.

Avec mes griffes bien plantée dans ses cuisses, j'étais exactement là où a sécurité était maximale, entre son buste, cible parfaite, et les rênes. Entre deux bras, j'avais mes boucliers.

-Tayo la bête ! Tayo ! rentrons séance tenante car il se fait tard et j'ai froid.

Roulé en boule, endormis en quelques secondes sur les cuisses chaudes de mon serviteur. Les hommes, c'est bien moins confortable que les femmes. Mon karma me rattrape car je ne croise que des bipèdes mâles... Je regrette presque Kiyiya et son odeur de chien mouillé.

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