Un collier spécial pour une fille spéciale

C’est la première fois que j’entre chez quelqu’un par la porte de devant… Je me sentais tout drôle une fois dans la bijouterie. Pendant deux semaines, j’ai espionné les pinailleries des femmes de Northrives, de Tern et parfois même d’Ordae. Il me fallait une idée de cadeau qui ne me ferait pas passer pour le dernier des pingouins. Car, moi, je n’étais ni papa alchimiste, ni tonon forgeron et encore moins tonton numéro deux Maitre du miroir. Elle a le chic pour se faire des amis imbuvables !
Une idée est revenue assez souvent : un bijou.
D’accord, mais quel genre de bijoux. Les fantaisies de Tern n’étaient pas très belles. Les maçonneries d’Ordae étaient terrifiantes et sûrement dangereuses. Ne sachant pas si Lilou était vaccinée contre le tétanos, je me tournais vers Northrives. Valeur sûre à mi-chemin entre l’absence d’hygiène d’Ordae et l’absence de subtilité de Tern.
Les femmes, là-bas, parlent d’un artistes bijoutier. Elles s’échangent son nom, elles ricanent comme des hyènes, les indices convergeaient vers une seule solution : il avait la cote.
C’est comme ça que je me suis retrouvé à chercher son adresse et à m’y rendre dès que possible. J’avais une commande spéciale pour une fille spéciale. Y a plus qu’à lui faire entrer mon idée dans le crâne, et j’espère qu’il n’est aussi limité intellectuellement que le reste de la population, ou je vais y passer un moment…

-Y a quelqu'un ?!

Je tambourinais sur la porte.

-Youhouuuuuu !

Il avait l'air gentil, pour rester poli, donc tout a fait supportable. C'est toujours pire quand ils se croient intelligent. Non. Le pire c'est quand ils se croient beaux. Y a un Souen qui devrait arrêter de croire aux miracles.

- Ouais ouais.. je veux un collier. Vous avez des pierres rouges ? Ah ! Mais pas rouge moche, hein !

Je jetais sur les lieux un œil septique. J'espère qu'il est meilleur dans ses créations qu'en décoration. Une chose est sûre, vaut mieux pas qu'il change de vocation.

Tout sourire, j'annonçais la couleur. Ce serait piquant comme un Kaïl des mauvais jours.

- Rouge beau. Coquelicot, comme mes yeux. Elle aime les coquelicots. Vous faites des motifs aussi ?

C'est vrai qu'avec cette histoire d'amour, j'avais perdu de mon mordant. On medisait sur mon compte en croyant m’affubler d'un cœur. D'une, médire sur moi ne se fait qu'à ses risques et périls, ce qui dissuadait auparavant les moules de L'Entre-Monde de tenter l'expérience. Mais en plus ils ont le culot de croire que je peux faire preuve de sentiment. Que je suis sociable… Tout ça me rend morose. Ma grande époque serait-elle révolue ?

Spoiler:

Il parlait et je l'écoutais d'une oreille distraite, concentré sur les pierres devant mon nez. L'envie de les chiper toutes me vint. Mais puisque j'étais là pour Lilou, je devais au moins lui faire honneur.
Quelle vie...

-Je suis d'accord mais faut pas que ce soit trop gros.

J'attrapais mon propre calepin et je dessinais Lilou, de tête. Elle était si réaliste qu'avec un petit effort j'aurais pu faire apparaitre un clone devant nous. Certes, j'aurais fini à l'hôpital avec un essaie pareil... Si bien dessiner que je designais le collier en proportion afin que le créateur comprenne le concept.

-Si c'est trop gros elle ne le portera pas. Faut qu'elle puisse le glisse son son pull. Elle a du goût, elle, vous voyez ?

Je lui donnais mon badge de la banque pour qu'il débite les pims. Se faisant, je lui montrais également la pierre que j'avais choisi.

Elliot comprit que le garçon était vraiment très attaché à plaire à la jeune fille de ses pensées. Il prit un carnet pour dessiner la dite jeune fille et montrer quelle taille il voulait pour le collier. L'ondin haussa un sourcil en reconnaissant le visage doux et espiègle de la fille de l'alchimiste. La petite Lilou était une gamine adorable à qui Elliot avait déjà offert quelques friandises. Il comprit donc pourquoi son client souhaitait un collier plus discret.

- Je vois tout à fait ce que vous souhaitez. Très joli coup de crayon ! Dans ce cas je vais prendre un modèle que j'avais déjà créer et le modifier légèrement pour pouvoir inscrire la pierre. Cela devrait me prendre une demi-heure tout au plus. Je peux vous proposer soit d'attendre ici, soit de revenir tout à l'heure.

Elliot prit le badge et récupéra l'argent demandé puis attendit la réponse de son client. Il partit ensuite travailler, après avoir soigneusement rangé la boite contenant les multiples pierres précieuses à l'abri des regards.

Comme promis, après une grosse demi-heure de travail, l'ondin retrouva son client autour de sa table et lui présenta le collier. L'objet était d'une grande finesse, et d'une taille suffisamment petite pour plaire à une enfant.

- Ca vous convient ? demanda Elliot, soucieux de bien faire.

C’était long. Vraiment très long. Accoudé nonchalamment sur la table, la sommeil me gagna et je finis par dormir dans mes bras croisés. Réveillé en sursaut en cours de production mais visiblement pas pour la remise du cadeau de Lilou, je ronchonnais. Oui, comme K’ouen. Ce mot doit d’ailleurs être défini dans le dictionnaire comme « humeur normale du Maitre de K’ouen ». L’expression était aussi moche à prononcer qu’il pouvait l’être physiquement. En plus, je n’aime pas les patchwork et ce type est plus recousu qu’un vieux torchon.

-Bon ça vient ! C’est quand que c’est fini ?! C’est long ! Je m’ennuie !

J’ai fais du bruit, j’ai fouillé à droite et à gauche, j’ai même dessiné quelques figures de style sur mon carnet -des slimes- apparaissant avec des couleurs parfois très improbables.
Ils laissaient derrière eux des traces humides et grasses. Bonne chance pour nettoyer, mon gars.

Puis, le collier arriva. Je l’examinais sus toutes les coutures, prêt à déclencher la colère du slime si je percevais le moindre défaut inadmissible. Mais, force était de constater que je n’y connaissais rien en bijoux fantaisistes. Je donnais à contrecoeur mon badge bancaire au jeune homme pour le paiement.

-Mouais. Si elle n’aime pas…

Pas besoin d’en dire plus. Il saura bien assez tôt ce que je réserve à ceux qui me déçoivent. Un grand sourire et un « au-revoir madame ! » plus tard, j’étais déjà en pleine course dans la neige pour trouver une gondole apte à m’amener à la tour d’Elantra.