Mise à mort [duo des anges de la mort]

Ameth' sortit de la bibliothèque en jetant un regard à son compagnon de mission, puis monta sur son nouveau sampal. Il fallait lui donner un nom... Elle trouverait ça sur la route. Se retournant à nouveau vers son allié, elle demanda:

- Alors... Tu as des choses à faire, ou on s'y met tout de suite? Je n'ai pas l'habitude de tuer, mais mon nouveau sabre semble avoir hâte de servir.

En disant ça, elle dégaina le sabre en question et admira sa lame brillante. Elle réfléchit ensuite à l'endroit où pouvait se cacher la cible. Elle est normalement en ville, mais quelle serait la meilleure cachette? Ayant elle-même choisit les fumerolles pour accueillir le repaire de sa guilde, elle ne pensa pas longtemps à la question.

- Si j'étais 'elle', j'irais me cacher dans les fumerolles. On ferait mieux de commencer par là.

Rengainant son arme, elle se tourna vers l'homme dans l'attente d'une réponse quelconque, caressant la fourrure de sa monture d'une main. Très douce, au passage...

L’ange haussa un sourcil face aux paroles et aux actes qu’il jugeait désagréablement enfantins de sa partenaire de mission. Il haussa cependant les épaules et regarda dans la rue en direction de l’est, se perdant dans ses pensées. Cette chasse qui commençait serait un bon moyen de faire fonctionner ses méninges. Ce serait comme un jeu de piste. Le problème, c’est qu’il faudrait sans doute fouiner dans les bas-quartiers de la ville et chercher à se plonger dans les rumeurs des bars et des ivrognes. Leur cible ne devait guère être dangereuse, sans quoi on aurait depuis longtemps entendu parler de morts à répétition. Plus probablement elle se nourrissait de ce qui lui passait sous la main : des chats errants, des moineaux, des rats…

Comment faisait-on pour discuter avec des rats et leur demander si leur communauté connaissait une vague de disparition inquiétante ?

Fumeroles ? William y passait pratiquement quotidiennement et n’avait jamais entendu de telles rumeurs. D’un autre côté, le blond ne s’attardait guère dans le coin une fois sa journée terminée. Il se contentait la plupart du temps de rentrer chez lui… Ses passages à la bibliothèque étaient même relativement rares.

« On peut commencer par là… » répondit finalement William sans jeter un regard à Ameth’ et son sabre, avec cette voix distante qu’il gardait souvent, y compris avec Elliot. « Ce serait encore l’endroit le plus sûr et pratique pour elle, je suppose… Je connais l’endroit, mais je n’ai rien remarqué d’inhabituel. »

Finalement, il se retourna vers sa partenaire mais jeta plus un regard à la monture qu’à Ameth. Ils ne pourraient pas faire le trajet ensemble, cela n’intéressait pas l’ange de monter là-dessus, et cela lui fournissait une bonne excuse pour déjà partir de son côté.

« Il y a une sorte de taverne, pas très loin du sanctuaire. Une enseigne jaune avec des lettres rouges vieillies. Va à Fumeroles, j’irai par mes propres moyens. Et on se retrouve là-bas. »

Sans guère attendre de réponse, l’ange commença à faire quelques pas, paraissant ignorer complètement Ameth’.

Ameth' fut légèrement agacée de ne recevoir aucun regard alors que son compagnon de mission lui parlait. ce dernier était d'ailleurs très las, comme s'il s'ennuyait.
Il avait tout de même la bonne idée d'accepter le conseil de la voleuse, ce qui lui suffit à ne pas le détester tout de suite. Voyant que l'homme regardait Azel, Ameth' le fit avancer, cachant un sourire sur la joue qu'il ne pouvait voir.

- OK, je t'y attendrai.

Sans plus attendre, elle alla s'engouffrer à Fumerolles. Regardant les recoins de chaque ruelle avec suspicion, elle vit rapidement la taverne dont parlait William. De la concurrence, se dit-elle. Elle entra et regarda d'un air hautain les ivrognes attablés au bar, buvant sauvagement leurs bières en criant de leurs voix rauques. Elle s'assit sur l'une des premières tables et, en attendant le blondinet, analysa la structure de la taverne, tendis que de sombres plans se dessinaient dans son esprit.

Il fallut, évidemment, qu'un type à la dégaine sale et puant, saoul à en vomir ses tripes, vienne lui tenir compagnie. C'était affreux comme son sabre démangeait la jeune voleuse. Tentant, hein... Mais pas sage. Elle se contenta d'ignorer ce déchet, tandis qu'il racontait sa vie au mur, avant de salir ce dernier d'un vomi à l'odeur prononcée d'alcool.

Il y avait toujours une mauvaise odeur aux alentours de cet établissement. Même en passant bien loin, les narines de l’ange étaient parfois chatouillées de ce charmant mélange d’effluves d’eaux croupies, de vomi, d’alcool, d’ail et d’urine. Sans parler du bruit. Et cette fois-ci, William ne pourrait pas y couper, il devrait entrer dans l’établissement.
La voleuse n’eut pas à attendre longtemps pour voir arriver son comparse. Le temps qu’il perdait à ne pas avoir de monture, l’infirmier le récupérait en connaissant relativement bien les lieux et en marchant donc d’un pas assuré en prenant quelques raccourcis.

Il ne resta pas sur le pas de la porte pour ne pas être sur le chemin de ceux, écœurants, qui fréquentaient les lieux. Toutefois, il campa dans l’entrée, observant quelques instants la Ameth’.

Son aura semblait intimider un certain nombre de clients, et William voulait bien lui reconnaître cela. Encore que cela n’immunisait pas la jeune fille des avances de ceux trop imbibés pour se rendre compte que leurs congénères prenaient soin de ne pas trop coller la voleuse.

« Et bien alors ma p’tite… ma p’tite dame ? On est toute seule ? »

Un hoquet et ce qui paraissait presque comme un rot échappa à l’impétrant qui tomba lourdement sur le tabouret à côté d’Ameth’. Toujours dans l’ombre, le blond observa la scène.

« Ah, mais heuzeurement que je suis… que je suis là, pas vrai ? » poursuivit l’inconnu.

Elle mima d'ignorer le sale type qui s'était installé à ses côtés. Vous croyez qu'il a de l'argent sur lui? Á voir. Il y a peut-être moyen de l'emmener quelque part. Elle daigna lui accorder un regard, destiné bien évidemment à estimer le poids de ses poches. Bien que, vu son état, le principal était probablement partit dans la boisson.
Elle remarqua du coin de l'oeil son allié de mission qui l'attendait à l'entrée. Rapide.

Elle se levait pour le rejoindre alors que, tout autour, d'autres hommes plus baraqués et plus lucides se levaient en la regardant. C'est là qu'on comprend pourquoi il n'y a pas d'autre femme dans la taverne, pas même au service. Elle eut droit à des remarques grasses du genre "Alors tu nous quitte déjà, gazelle?" ou encore "Allons, la soirée ne fait que commencer!". Puisqu'ils lui bloquaient l'accès à la sortie, Elle tenta une feinte des plus hypocrites, se tournant vers William en parlant de sorte à ce que tout le monde l'entende:

- Chéri, je crois qu'ils te jalousent... Montre-leur qui est l'homme ici.

Voyons de quoi il est capable. Va-t-il fuir? Ce serait compliqué, au vu du mec qui gardait à présent l'entrée.

Les bras croisés, le blond se contentait d’observer la scène en traînant son ennui dans les lieux. Il sursauta vaguement lorsqu’Ameth le désigna afin de dévier l’attention d’elle. L’ange se retrouva temporairement le centre de l’attention d’une demi-douzaine de personnes qui devait trouver la tournure que prenaient les choses intéressantes. De fait, William et la jeunesse apparaissaient soudainement comme un couple perdu dans les bas-fonds de la ville, cible de choix pour ceux qui étaient toujours en quête d’une proie facile.
Dans un premier temps, le blond ne réagit pas, n’attendant guère de réaction de la part des ivrognes de la taverne. Il pouvait bien escompter qu’ils n’eussent pas compris ou qu’ils n’éprouvassent pour William qu’un souverain dédain, préférant se concentrer sur Ameth. Mal lui en prit cependant car l’impétrant qui avait commencé à ennuyer la voleuse dut trouver là l’occasion de briller à peu de frais. Il interpella donc l’ange.

« Qu… Quoi ? T’es avec ce mi… ce minab’ ? C’pas ça qui te faut… ! »

La remarque glissa sur William comme un pet sur une toile cirée. On pouvait peut-être en rester là ?

L’indifférence passa pour une insulte aux yeux de l’ivrogne qui choisit de se lever d’un mouvement mal assuré pour commencer à faire quelques dans la direction de l’ange. D’autres, de la classe des courageux-en-groupe, devaient commencer à sentir l’odeur du sang et se rapprochèrent du pilier de bistrot, prêts à en découdre également avec William.

« Hey, regarde c’que j’en f... » commença l’éponge sans qu’on sût exactement s’il pavoisait devant Ameth ou s’il s’adressait à William. Il l’avait pris pour cible et leva un poing au-dessus de sa tête dans ce qui devait être l’amorce d’un coup. Dans le même temps, les trois ou quatre de ses coéquipiers étaient préparés à se lancer dans la bataille. Le reste des clients commençait à se tourner vers la scène, bien heureux que le premier combat de la soirée commença.
Il y eut un déclic. William avait sorti son arme, retiré la sécurité, et le pointait désormais à bout portant sur le front de l’ivrogne. Il n’y avait aucun mérite : vues la décoordination et la lenteur des gestes de son adversaire, l’ange avait eu tout le temps nécessaire pour sortir le pistolet. Son vis-à-vis parut désaoûler surprenamment rapidement. Et le silence tomba.

William plongea la main gauche dans sa poche et en retira une pièce sans quitter des yeux l’ivrogne. Il la lança et la rattrapa et la posa en équilibre sur son poignet droit, gardant en joue l’homme. Ses yeux se posèrent brièvement sur la pièce pour observer le résultat avant de replonger dans ceux du pochard.

Il soupira, le regard toujours aussi morne…

Le pic qu'elle lança eut l'effet escompté. Ameth' attendit que la bagarre éclate. Elle regarda attentivement l'homme qui approchait de William, qui d'abord semblait n'en avoir pas grand chose à faire. Mais quand l'ivrogne leva son poing, en un instant il se retrouva menacé par le canon d'un fusil. Mais au lieu de soutenir l'excitation qui montait dans le corps d'Ameth', l'ange qui avait une soudaine envie de jouer à pile ou face. Tant pis;

- Bon, c'est à mon tour!

La seconde d'après, une majeure partie de la taverne fut soudainement plongée dans le noir complet. Masqué par les affolements, on entendit à peine le grincement du sabre qui sortait de son fourreau, accompagné d'un petit rire sadique. La voleuse, portant fièrement ce titre, vint directement enfoncer sa lame à grande vitesse dans le dos de la cible de William. Profitant de cet avantage de vitesse, Elle enchaîna deux autres mecs à moitié saouls, se découvrant un délicieux plaisir pour le meurtre. À côté, plusieurs homme avaient eu la bon réflexe de sortir les armes, que ce soient flingues, couteaux ou tessons. Ils ne semblaient pas ennuyés à l'idée d'une bagarre générale, dans le noir et plus.
Éliminer la concurrence: bientôt terminé.

Elle n'oublia pas de jeter un coup d'oeil à son "partenaire", s'assurant qu'il prenne part au jeu.

Tout se passa assez vite. Le hasard avait parlé mais William n’avait pas eu le temps d’appuyer sur la gâchette. Il se retrouva dans le noir complet et dans le passé, à l’époque où envahi par la honte de ce qu’il avait fait et ne supportant guère la vue du monde des mortels, il s’aveuglait. C’était le moment où il préférait se limiter à ses autres sens. Il s’était adapté à une nouvelle manière de vivre, basée sur la mémoire de l’emplacement de tout ce qui l’entourait, qu’il complétait par une ouïe constamment sur le qui-vive.
Ainsi plongé dans les ténèbres, il se contenta de fermer ses yeux devenus inutiles et d’abaisser son arme. Instinctivement, et parce qu’il s’attendait que certains commençassent à tenter une fuite, il fit quelques pas en arrière et sur le côté pour être le chemin de la sortie. Sa respiration restait tranquille, et il inclinait légèrement la tête sur le côté à chaque son qu’il percevait. Il y en avait deux sur sa droite, sans doute à environ trois mètres. Ameth venait d’en tuer un en plus, il reconnaîtrait le son d’une lame plantée dans un corps n’importe où. Des pas précipités dans sa direction. On y arrivait : les premiers fuyards. Le noir fut rompu deux fois, chaque fois pendant une fraction de seconde. C’était comme des instantanés qui se frayaient un chemin aux milieux de la nuit, révélant des scènes cauchemardesques. William avait tiré et deux corps s’étaient effondrés.

Quand le silence retomba et que la lumière fut revenue, le blond parut fortement ennuyé.

« C’était stupide. Comment allons-nous… »

Il s’interrompit, tournant la tête vers une table renversée à moitié couverte d’une nappe déchirée et sale. Il marcha dans sa direction, retira la nappe, pour découvrir un dernier client recroquevillé sur lui-même, tremblant de tout ses membres. Le blond s’accroupit pour se retrouver à sa hauteur. Il gardait en main son arme, tenue nonchalamment pendant un instant, avant de pointer le canon vers l’inconnu. William fixa brièvement l’alliance qu’il portait, puis commença à lui parler calmement.

« Bonsoir monsieur. Je suis désolé pour le dérangement. Calmez-vous, s’il vous plaît. Nous n’allons pas vous tuer. Voilà. Avez-vous remarqué des morts suspectes dans le quartier ces derniers temps ? »

L’homme fut si interloqué par la question qu’il en oublia temporairement de trembler.

Le massacre continua encore quelques secondes, trop rapides au gout d'Ameth, durant lesquelles elle arracha le souffle à quelques hommes en prenant soin de ne pas être touchée par leurs coups à l'aveuglette.

Lorsque la lumière reprit ses droits, la voleuse et son conjoint purent découvrir une scène sanglante. Bien qu'après coup, elle trouvait cela triste, un sourire prononcé d'amusement survivait sur son visage. Elle passa son doigt des deux côtés de la lame pour enlever une partie du sang puis la rangea dans son fourreau. Elle jeta un regard à l'extérieur et aperçu Azel, confus, qui aurait probablement aimé participer. Sacrée bête.

Elle resta silencieuse tandis que son allié commençait à questionner le survivant. Elle se demandait si l'ange comptait réellement lui laisser la vie sauve, après avoir montré qu'il tuait sans hésitation.
Alors que l'homme en question se remettait de son choc, il eut le courage de répondre:

- Et bien, regardez autour de vous...

« C’est regrettable » annonça William en jetant un bref regard autour de lui.

De fait, il trouvait vraiment la tournure qu’avaient prise les choses regrettables et son visage continuait de trahir un ennui certain. Ils étaient là pour chasser une mort-vivante qui se terrait et ce n’était certes pas en se livrant à un petit massacre en règle qu’ils allaient trouver des informations susceptibles de les guider. Tout cela les retardait. Pourquoi avait-il fallu qu’Ameth se lançât dans un tel nettoyage ? D’accord, il y en avait un qui était sur leur chemin et qui méritait bien d’être éliminé tout de suite, mais les autres auraient pu attendre. Et si l’un de ceux qui étaient déjà tombés avait eu connaissance d’une information valable ?

« Mais si je peux me permettre…, reprit-il de sa voix morne et ennuyée, je ne parlais pas de cela. Les choses sont allées plus loin que ma collègue le voulait et elle vous présente ses excuses. »

Pour le blond, toute cette affaire ne paraissait avoir pris la tournure que d’un fâcheux contretemps qui méritait néanmoins à peine d’être mentionné. Il parlait au nom d'Ameth sans lui lancer un regard et ne s’était toujours pas départi de son calme et ne semblait pas non plus prêt à le faire. Mais ce mortel avait sans doute besoin d’un peu plus d’éclaircissements.

« Je pensais plutôt à des disparitions… Ou des morts d’animaux en surnombre… »

Pour le moment, William restait accroupi, son arme pendant encore entre ses jambes, canon pointé vers le sol, l’index près de la gâchette mais pas non plus en position de tirer.

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