Du sang dans la poche

Bédivère avait laissé une dizaine de journées mettre de la distance entre lui et les événements du Love Hotel.
Les ténèbres de Magna avaient leurs avantages, elles sont loyales envers ceux qui s'y cachent. En revanche, elles sont particulièrement dangereuses et s'y attarder n'est jamais bon signe.
Il quitta le couvert du quartier lorsqu'il constatait qu'aucun sanctuari ne tentait de le retrouver, ni par son faux nom, ni par le vrai.

Il retrouva l'odeur familière de la bibliothèque avec un brin d'inquiétude. Tout compte fait, pas assez de temps le séparait du boulot et de cet instant.
Mais puisqu'il était déjà présent, il gravit quatre à quatre les marches menant au quatrième étage. Evitant de se faire remarquer et trainant son allure d'adulescent jusqu'à une chaise où il s'affala avec le premier livre venu en mains.

Ne restait qu'à attendre que le rat se pointe.

Imyo approche du jeune homme. Il a l'odeur du meurtre sur lui. Un bout de nuit, un éclat de lune, il a accomplit sa tâche. Alors, Imyo pose une main sur l'épaule du garçon.

-La lecture vous a plu ?

Il s'éloigne sans attendre la réponse. Ouvrant un livre qu'il connait déjà et ajoutant dans ce dernier un marque-page fait d'une plume en or.

William gravit sans joie les marches de la bibliothèque. Plusieurs jours s’étaient passés et « rien » ne s’était produit pour lui, hormis des explications houleuses avec son ondin de compagnon. Autant mettre toute cette histoire derrière lui une bonne fois pour toute en clôturant cette mission. Il avait tué, mais qu’en avait-il retiré ? L’excitation de l’action et de la mort donnée sans conséquence – preuve d’un monde sans dieu – était déjà loin et il perdait Elliot.

Peut-être devrait-il arrêter ? Ou pas ?

Et s’il était devenu drogué aux meurtres ?

Sans s’en rendre compte, son regard s’était posé sur Bédivère en train de lire. Le blond regarda autour de lui, comme désorienté. Il ne se rappelait pas avoir monté les marches. Ses pensées devaient l’obséder plus que de raison.

Sans encore dire un mot, il plissa des yeux et chercha à deviner le sujet du livre que son partenaire d’une mission lisait…

Bedivère fit de son mieux pour ne pas paraitre pressé d’aller chercher l’ouvrage. La plume, à elle seule, valait juste assez pour payer la prime de mission. Il repéra bien vite William et son air éteint, lui montrant la plume entre ses mains.

Le livre ne le tentait pas plus que ça, alors il le lui donna. Si l’animal avait des idées derrière la tête, il pouvait bien se les garder, Bédivère se fichait du titre de l’œuvre qu’il avait eu entre les mains, maintenant qu’il avait le symbole de leur paiement. Le jeune homme n’était pas convaincu que les questions sur le rat amateur de lecture et messager des ombres méritassent des réponses.

-On dirait que tu t’ennuies…

Il hocha du menton vers le livre.

-Intéressé par une mission ?

William sembla être tiré de sa rêverie par la remarque de Bédivère. S’ennuyer ?

« Oui, il y a un peu de ça, je suppose… »

Il jeta un coup d’œil aux différentes missions proposées, regardant d’emblée celles qui s’écartaient du droit chemin de la légalité. Pour résumer, du vol, du vol, et encore du vol. Ou du travail de fourrière. Et l’argent comme unique motivation.

« L’argent ne m’intéresse pas. » dit-il finalement après avoir lu l’ensemble des missions.

Aucune proposition ne lui semblait apte à lui donner cette excitation propre aux meurtres. Il haussa les épaules et fit demi-tour, sans un regard ou un mot de plus pour Bédivère.

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