Le vent du changement.

Enoha était restée bien tard dans la bibliothèque ce soir là. Elle avait passé la journée à déchiffrer des manuels scolaires ou des livres d'histoires pour s'instruire du mieux qu'elle le pouvait. Mais le temps venu de partir, la jeune enfant d'a peine douze ans bailla et se leva en rangeant les ouvrages empruntés le temps d'une journée. Elle reviendrai les consulter le lendemain, après une bonne nuit de sommeil.

C'est sur ces pensées qu'elle sortit de l'antre du savoir et qu'elle prit le chemin du retour. Elle devait se dépêcher de rentrer à l'orphelinat. Ce n'était pas très loin de la bibliothèque, car Enoha mettait tout au plus une petite demi heure de "marche" pour s'y rendre chaque matin. Mais elle devait passer par de nombreuses petites ruelles qui étaient devenue sombra assez rapidement en ce soir d'automne. Elle n'avait vraiment pas vu le temps passer.

Tout en constatant la noirceur du ciel au dessus de sa tête, Enoha se pressa pour éviter de tomber sur quelqu'un de peu commode. Elle espérait fort éviter une telle rencontre pour avoir étudié trop longtemps.

Arrivée dans la ruelle, la fillette s'arrêta un instant pour reprendre son souffle. User de ses pouvoirs pour avancer la fatiguait un peu.
Elle se laissa même reposer au sol le temps de reprendre l'entièreté de sa respiration.

Mais Enoha avait entendu le bruit de quelque chose qui tombait au sol, un bruit sourd, unique. Et ce froissement de vêtement, ce frottement qu'elle pouvait distinguer très légèrement. Elle n'était pas seule,
mais elle ne savait pas si ce avec quoi elle était était humain ou animal. Non, elle ne pouvait pas le savoir mais la ruelle sombre lui donna des frissons partant du bas de son dos jusqu'à sa nuque pâle et dégagée. Elle serra ses bras fins contre elle et se remit à flotter pour avancer, cette fois très lentement.

Le souffle court, apeurée par les bruits et la nuit, tous ses sens aux aguets; l'enfant du vent ne se sentait plus en sécurité sur une route qu'elle avait tant de fois empruntée. Elle se risque tout de même à parler, de sa voix douce et tremblante.

"Il... y a quelqu'un ?"

Une voix des plus fluette et tendre qui aurait pu attendrir n'importe qui, ou presque.

Elle haletait. Allongée au sol, sa queue de cheval complètement défaite rendant son visage effrayé complètement brouillon et ensevelis de fils d'or, la jeune enfant ravala sa salive. Comment était-ce arrivé ?

Il avait soudainement bondit d'un coin sombre, elle avait pu sentir un poids lui faire perdre tout équilibre et lui prendre violemment les poignets. Ne voyant que des diverses formes noires tourner dans sa vision, elle avait fermé les yeux. Elle ne les rouvrit qu'une fois qu'elle sentait que plus rien ne bougeait. Elle sentait son sang bloquer à l'entrée de ses poignets, il la serrait fort. Un peu de bave avait coulé sur son visage. D'autant plus lorsqu'il avait parlé. Et sa tête ayant prit un violent coup lors de la chute, elle avait un peu mal et l'odeur ferreuse de son sang remontait à ses narines.

Et elle perdit tout souffle, se rendant compte de sa situation. Retour au point de départ, elle lui devait une réponse. Mais, même en ayant la bouche ouverte, la boule formée au creux de sa gorge empêchait tout son de sortir.

Les yeux écarquillés, d'innocentes larmes de cristal coulant sur ses tempes et s'écrasant dans ses cheveux, Enoha avait les mains et les lèvres tremblantes. Elle le sentait passer ses mains sur elle, et sa peur redoublait en intensité. Son cœur frappait sa poitrine si fort, son sang jaillissant dans ses tempes, sa bave coulant de ses fines lèvres rosées; elle devait répondre.

Elle avait fermé les yeux très fortement, se débarrassant des larmes, et avait fermé ses poings pour reprendre contenance en transperçant presque la fine peau de ses paumes de ses ongles. Après s'être mordue la lèvre inférieure elle fixa son interlocuteur dans les yeux et prit la parole, sa voix tremblait et elle avait du mal à parler ou avaler sa salive.

"Je n'ai rien, je n'ai rien du tout... Je-..."

Sa voix se coupa net, que dire de plus ? Elle n'avait rien.

Ayant fermé les yeux de nouveau, la fillette retint un cri au fond de sa gorge lorsqu'elle vit la main du garçon se diriger droit vers son visage. Elle s'était crispée et elle attendait le coup qu'il allait lui porter en laissant ses larmes couler.

Rien.

Rien ne vint, pas de coup, pas de douleur, elle ne se sentit que plus légère. Le poids qu'il avait sur elle s'était enlevé et c'est à cet unique instant qu'Enoha daigna ouvrir les yeux.

Elle tourna légèrement le visage, et malgré l'obscurité elle pu distinguer la forme du corps masculin l'ayant agressée. Il semblait mal en point, et son épaule avait l'air en piteux état. Mais sans qu'elle ait plus de temps pour le regarder, la peur au ventre, il s'était relevé. En premier lieu, elle cru à une nouvelle attaque du jeune enfant. Mais il n'en fit rien et s'en alla.

Perturbée par les événements, et inquiète pour le garçon qui semblait avoir faim et sous besoin important de soins, Enoha prit la naïve décision de le suivre. Bien qu'elle peinait à suivre car elle voyait trouble, qu'il faisait sombre et qu'elle avait terriblement mal à divers endroit du corps, elle le rattrapa finalement.

Elle se pinça les lèvres, et elle avait terriblement peur, mais elle prit tout le courage qu'elle avait en elle pour parler. Elle s'exécuta en lui prenant très doucement la main.

"Si...", elle déballa son sac dans un torrent de paroles, ne laissant pas au jeune de réagir. "Si tu promet de ne pas me faire de mal, je te donnerai un repas, et je banderai ta plaie."


Enoha retenait son souffle. Elle regardait le sol et priait pour sa vie. Elle avait peur, mais ne pouvait pas laisser quelqu'un dans un état pareil. Trop gentille, et terriblement idiote de se jeter ainsi dans la gueule du loup. Mais elle ne pouvait pas rester les bras ballants à le regarder depuis son petit confort.

Elle releva son regard azur et le planta dans les yeux de son interlocuteur. Elle avait l'air aussi mal en point que lui de façade. Ses cheveux dénoués et emmêlés, les traces de larmes creusant ses joues, et son sang ainsi que la poussière sur ses vêtements si blancs auparavant montraient à quel point il avait pu la blesser.

Mais elle était déterminée, et c'était là la seule différence notable.

Sous ses yeux apeurés par la menace qu'il lui fit, Enoha vit le garçon tomber de toute sa masse sur le sol froid et dur. Elle avait même sursauté. Elle resta idiotement surprise quelques instants, abasourdie par cette âme si torturée.

Cependant, il ne lui fallut pas plus de temps pour se précipiter auprès du jeune garçon, genoux aux sol. Elle s'aida du vent pour le porter et l'installer plus confortablement contre un mur, à l'abri de toute intempérie et des regards. Ni une, ni deux, elle flotta le plus vite qu'elle pouvait pour retourner à son orphelinat qui n'était maintenant plus qu'à quelques minutes de route de là. En douce, elle prit plusieurs choses dont quelques paquets de gâteaux et une couverture, sans oublier du désinfectant et des bandages. Beaucoup de bandages.

Et elle reprit sa course effrénée. "Ne te réveille pas tout de suite, ne te réveille pas tout de suite !" Son cœur battait la chamade, le sang dans ses tempes la rendait malade. Elle souffrait d'un manque d'air conséquent à force de se presser chargée comme une mule, un comble pour une sylphe. Elle devait faire au plus vite.

Une fois de retour auprès de son agresseur, chose que jamais elle aurai songé possible, elle se mit au travail. Elle déchira un peu plus les habits de l'enfant et désinfecta tout ce qu'elle put. Heureusement, il semblait dormir à poings fermés, elle put donc le soigner sans qu'il décide subitement de prendre sa gorge de sa main et de l'égorger de l'autre. Cette idée lui fit froid dans le dos, mais Enoha changea son haut et le couvrit de la couverture. C'était la sienne, avant. Elle portait son odeur, et elle espérait fort qu'il ne lui en voudrait pas car elle n'avait rien trouvé d'autre dans sa course contre le temps.

Elle se recula et soupira. Enfin. Elle avait terminé ce qu'elle avait prévu de faire. Ce n'était pas grand chose mais ça suffirai pour le moment. Elle reviendrai le voir le lendemain, s'il était encore là. Elle déchira un pan de sa robe blanche et trouva un bout de charbon jonchant le sol pour écrire dans le tissu parfumé.

"Désolée, je n'ai pas obéi. Enoha."

Elle fit un bracelet pas trop serré avec le bout de tissu et l'enroula autour du bras du blessé. Elle se releva et lui fit parvenir un vent chaleureux avant de s'en aller. Elle rentra à l'orphelinat et se coucha sans manger et sans couverture. Son petit sacrifice ne l'embêtait pas, elle aurai son repas le lendemain et elle ira acheter une autre couverture de ses maigres économies plus tard.