Il était une fois...

Je remontais tant bien que mal la charrette, essayant de tenir debout à l'arrière. Un Pygmée ce jeta sur moi, par réflexe je l'envoyai valdinguer derrière moi, c'est-à-dire dehors. Il s'agrippa à ma manche mais avec l'élan ses ongles pointus glissèrent laissant de longues griffures le long de mon bras. Je le vis rouler au sol avec un autre de ses confrères, parmi les cageots qui, mal fixés, tombaient avec fracas sur la route.

Le marchand n'allait pas être ravi ...

Je regardais Thäni qui semblait désolée. Je m'approchait d'elle à la recherche du dernier cannibale, il avait disparu. Peut-être était-il tombé aussi dans la cohue générée par la course effrénée des chevaux.

Quelle erreur de penser cela ... Le carnassier se jeta sur le marchand et mordit sa jugulaire. Le sang fusa, le Pygmée continuait son repas. Horrifié je me jetais sur lui, il me regarda avec des yeux rougis, des yeux de fauves. Je lui envoya une boule de feu en plein visage le faisant chuter, mas il s'agrippa aux jambes du pauvre homme qui se tortillait les mains sur son cou.
Je voulu asséner un nouveau coup sur la tête de la créature mais un soubresaut me fit tomber en arrière au milieu des fruits et légumes éparpillés dans la carriole, et je vis passer derrière moi le Pygmée tombait du véhicule, toujours accroché au marchand ... Lui aussi tombé pour un destin funeste.

Mon cœur se serra et une boule se forma dans mon ventre. Je détournais le regard, osant à peine regarder l'ange.

Il nous fallait maintenant calmer les bêtes si nous voulions espérer finir entier de cette mésaventure.

Je regardais avec des yeux horrifiés l'action qui se déroulait, le marchand était mort emporté par le Pygmée, nous étions maintenant seuls dans le charriot mais le sang présent me dégouttait profondément et je sentais que je n'allais pas tenir. Me penchant légèrement par dessus le bord du charriot, je vida mon estomac et une fois remise à niveau, j'observais la situation.

M'approchant des chevaux, il était nécessaire de les calmer, je caressais leur croupe pour voir s'il y avait un quelconque effet, mais non, ils étaient toujours aussi agités. Ils continuaient de galoper vers un destin incertain, sûrement vers une mort ... terrible.

Je pris donc la décision, sans consulter Ayr', de le prendre dans mes bras et de voler pour nous éloigner du charriot

"Ne te débat pas, s'il te plaît, sinon c'est encore plus dangereux"

Et je m'envola

Je ne savais plus que faire, les chevaux étaient hors de contrôle, Thäni tenta de les calmer, en vain.

Elle m'attrapa et je compris trop tard qu'elle nous éloigna de ce désastre
- Non attends, soufflai-je.

Mais il n'y avait rien d'autre à faire si nous espérions rester en vie, alors je me laissai porter. Le vol de l'Ange était incertain, mon poids n'aidant pas. Elle nous déposa une dizaine de mètres plus loin tandis que le chariot s'éloignait à grande vitesse.
J'espérais sincèrement qu'il ne rencontrerait aucun obstacle et que les chevaux finiraient pas ce calmer ...

- Viens Thäni, éloignons nous de cet endroit.
Je n'avais pas très envie de voir débarquer les Pygmées, bien qu'ils dussent être occupés par leur festin ... Je fermais les yeux à cette image, le silence ce fit lourd.

Moi qui devais raconter une de mes mésaventures, nous venions d'en vivre une. Mon histoire se finissait mieux, et j'espérais que celle-ci ne se finirait pas plus mal.
- Continuons à pied ...

Nous marchâmes encore deux longues heures avant d'arriver enfin dans les ruelles d'Ordae. La nuit était tombée et la lumière tamisée d'une auberge guida nos pas. Il y avait encore quelques individus dans les ruelles, rendant la ville nocturne vivante.
Nous rentrâmes dans le gîte et je fis signe à Thäni de s'installer sur l'une des table encore vide tandis que je me dirigeais vers le comptoir pour m'adresser au tavernier :
- Bonsoir, auriez-vous deux chambres de libres s'il-vous-plaît et deux repas accompagnés de deux chopes de Mouskâ ?
Je ne savais pas si l'Ange boirait cet alcool revivifiant, mais il me semblait nécessaire pour cette fin de journée. Au pire, je ne me ferais pas prier pour la finir.
L'aubergiste acquiesça et me fit signe de m'installait après m'avoir donné les clés des chambres.

Je revins près de ma compagne de route :
- Tiens nous dormirons ici pour la nuit, dis-je en lui tendant la clé de sa chambre.

Les repas ne tardèrent pas à arriver, j'en profitais pour demander à la charmante serveuse où était la forge. Pas loin d'où nous étions, c'était parfait.
En tant normal je ne me serais pas gêné pour faire du gringue à la demoiselle en fasse de moi, mais le cœur n'y était pas ce soir là.

Nous entendîmes une conversation animé de quelques hommes éméchés non loin de là, parlant de chevaux épuisés tirant une charrette vide arrivaient en ville plus tôt, qu'ils avaient eu du mal à les calmer et nul ne savait d'où il venait ni ce qu'ils transportaient.
Je regardais Thäni, rassuré que les bêtes aillent bien.

Je levais mon verre de Mouskâ pour trinquer, mais aucun mot de vint pour dédramatiser la situation.

Il était un petit peu plus lourd que prévu et je ne pus nous porter bien loin, une dizaine de mètres tout au plus. Nous dûmes marcher longtemps avant d'arriver à Ordae, je ne sais pas exactement combien de temps, mais à la fin, mes pieds étaient rougis et boursouflés, je n'étais pas habituée à marcher si longtemps.

Il me guidait jusqu'à une petite auberge encore allumée, me fit asseoir à une table et commanda quelque chose. Je ne compris pas ce qu'il avait commandé précisément mais on verra bien sur le moment, ce sera une surprise !

Je le remerciais pour la clé qu'il me donnait, et pris d'une main tremblante le verre de Mouskâ, pour trinquer avec mon compagnon de voyage. Je ne savais pas trop si c'était de l'alcool mais je pensais puisque je sentis rapidement mon esprit s'embrumer et mes souvenirs s'évanouirent, je fus prise d'une forte envie de dormir et après quelques bouchées du repas qui avait été servi, je ne pus plus rien avalé. Je m'en voulais de l'avoir fait payé pour moi la chambre et le repas, je lui étais donc redevable.

"Je crois que je vais aller me coucher, encore merci pour tout ! On se retrouve demain matin ?"

Je montais alors les escaliers, me dirigea vers ma chambre, ouvrit la porte, m'installa dans le lit et m'endormit très profondément.