Continuité des prières

Le temple du dieu Dragon n’était pas silencieux. Même si les gens chuchotaient afin de respecter le lieu, un vague bruissement constant envahissait la salle en résonnant contre les murs de pierre et la population ne laissait que peu de place pour atteindre l’autel. De nombreux blessés légers attendaient encore des soins dans l’enceinte, mais Manaë s’était promise de prier le Dieu Na’keisärin pour le remercier d’avoir accepté presque sans conditions des réfugiés, pendant quelques instants.

Elle passait son temps depuis le début de la guerre, comme la plupart de ses collègues, a être envoyé sur tous les camps reliés par Titres de la région et elle n’avait toujours pas pu prendre connaissance de la situation de ses Sœurs, ce qui pesait encore plus sur son esprit déjà tourmenté par la guerre, sa fille et la Nuit. Son esprit malade réussissait parfois à résister mais l’urgentiste passait son temps à serrer Heegie contre elle. La fraicheur du pendentif qui s’apposait sur sa dépendance lui permettait de résister au manque plus longtemps que d’habitude, mais elle savait qu’un jour ou l’autre, elle craquerait.

Elle s’agenouilla devant l’autel en joignant ses mains et resta là, sans rien dire, sans rien faire, pendant une minute, sans bouger, ni faire attention aux alentours. Elle pria pour elle, pour Solana, pour les Latroda, pour les soldats, pour l’entre-Monde.
Et quand ses phalanges demandèrent grâce et que ses genoux lui firent mal, elle se releva, et ne prononca qu’un seul mot.

> Merci.

Pour l’abri. Pour la lumière et la chaleur. Pour la possibilité d’être soigné. Pour la paix.
Elle s’en alla, retourna au dispensaire pour reprendre ses activités. Le Dieu Dragon avait probablement sauvé des centaines de vies en acceptant des réfugiés, et Manaë ne pouvait qu’approuver. Même si au fond d’elle, elle en voulait aux Huits d’être les responsables des nombreux cauchemars de Solana, mais aussi des siens.

La Nuit mettait tout le monde à bout.