Sécurité des frontières

S'il était commun de voir des voitures volantes autour de Cerclon, il était plus rare de voir un Zepplin faire du sur-place non loin de la Tour du Savoir.

Mon fier Vandavel trônait dans le ciel de l'Entre-Monde, voiles repliées et moteurs de vol stabilisés et Sarressinashira observait la fourmilière qui s'agitait sous sa queue, au travers de la verrière du poste de pilotage. Les bras croisés dans son dos, elle dardait la langue alors que je terminais de mettre en panne le vaisseau.

¤ Sarressinashira pas aimer sssça. Pouquoi Corben rissssquer sa vie pour clopinettes ?

– Je m'ennuie.

¤ Toi avoir passsser toute la semaine à enchanter protecssstions, alors pourquoi ne pas continuer...

– C'est de l'inquiétude que j'entends, Sash' ? Je m'attendais à ce que tu me jettes dehors, pour profiter du Vandavel.

¤ Vaissssseau être moins drôle si toi mourir. Et puis, Sarressinashira ne pas être sur tesssstament. Quand toi changer çsssa, d'ailleurs ?

– Ne m'attends pas pour manger, maman !


Sortant du poste de pilotage en riant, chassé par les feulements de ma timonière, je me dirigeais vers le hangar extérieur où était stocké ma Sun. Quelques moments plus tard, je me hâtais vers la Tour d'Éva. Je craignais presque de voir les canons du vaisseau se tourner vers moi, Sash' ayant un caractère de cochon sous ses jolies écailles vertes et argent.



Un fois garé et la voiture verrouillée, je me dirigeais vers le tableau des missions. J'en voulais une de combat de préférence, afin de tester en situation réelle Ahri' et 'Mazd, mes toutes nouvelles armes. Vu la situation actuelle, les quêtes étaient limitées, mais une retint mon attention.

Éva a écrit:Nom de la mission : Nouvelles Recrues

Nombre de personnes autorisées : 4

Description et contraintes : Nous pensons qu’il existe un passage « creux », c'est-à-dire un tunnel dans les montagnes. Récemment, un berger dans les montagnes sud de Grâce jure avoir aperçu un groupe d’hommes habillés bizarrement sur un flanc de montagnes. Personne d’autre ne les aurait aperçus et nous craignons qu’il s’agisse d’un groupe d’agents de Pyrapolis.
Il vous faut vous rendre dans les montagnes, au plus près de la frontière, trouvez le villageois et voyez ce que vous pouvez en tirer. Il est primordial de savoir si oui ou non notre frontière est un gruyère !

Objets fournis : 20 pims pour les frais de voyage

Gain total : 60 pims

Bon, il n'y aurait peut-être pas de combats, mais le Vandavel pouvait servir de point d'observation. Tant pis pour la bataille, mais au moins je pourrais me rendre utile.

Me dirigeant vers le bureau, je cherchais Éva du regard. La jeune bibliothécaire avait-elle fini par craquer et s'était octroyée quelques vacances bien méritées ?

Spoiler:

-Kip !

Deux bras chargés sur plus d'un mètre de haut d'ouvrages volumineux flottaient non loi du sol. Le générateur anti gravité du petit robot avait du mal à soutenir cet effort si bien que Kip flottait lui-même très près du sol.

-Kip arrive !

Le robot-assistant avait immédiatement repéré le nouveau venu au comptoir de de la bibliothécaire. Il s'y précipitait orné d'un visage heureux sur son écran-visage.

Avec une agilité irréaliste, le robot esquiva le coin du meuble et le contourna en un virage serré. Les livres délicatement posé sur la desserte pour rangement, le robot bondit brusquement à plus d'un mètre du sol quand son flotteur fonctionnant à régime forcé ne fut plus alourdi par le poids des pages.
Kip réduisit la puissance de son générateur avant de buter contre le plafond...

-Kip ? Que puis-je faire pour vous monsieur ?

Il embraya sans attendre :

-Kip ! Pour une mission, il faut un groupe monsieur. Monsieur veut-il que je passe une annonce ? Kip !

Parfois le processeur du petit robot fonctionnait trop vite même pour lui. La présence d'un nombre très restreint d'aventuriers dans la bibliothèque l'inquiétait plus qu'il ne souhaitait l'avouer. Ou bien, son module de reconnaissance des émotions n'était pas très bien reconnu par son système...
Quoiqu'il en soit, Kip avait une voix robotique qui porte, l'annonce n'était plus vraiment nécessaire tout le hall devait déjà l'avoir entendu.

-Ce n'est pas nécessaire, je l'accompagne !

Le petit robot annonçait, trop, fort la recherche d'un groupe. Son timbre porteur déclenchait une réponse en réflexe.

Je devais être bénie par l'Infini ! En arrivant tout à l'heure, je n'avais eu que le temps de voir le bibliothécaire disparaitre avec un autre personnage. Le hall était alors désespérément vide.
L'absence d'homme en armure dans le hall, je déprimais depuis plusieurs minutes déjà devant le panneau des missions.
Celles autorisées aux solitaires étaient mal payées et celles qui m'intéressaient ne pouvaient se faire qu'en groupe.

Je parlais fort et répétais une fois encore que j'accompagnerai cet inconnu. Je devais faire quelque chose de neuf aujourd'hui, je devais me rendre utile dans l'Entre-Monde ou bien je ne serais jamais capable de m'intégrer et d'y refaire ma vie...

J'avais parlé fort dans le hall et en plusieurs grandes enjambées je me trouvais au comptoir de la bibliothèque.

-Je viens avec vous !

A hauteur, je tendis une main amicale accompagnée d'un sourire à l'homme que je rencontrais pour...

-Vous êtes Monsieur Krayt, l'homme aux protèges-bras !

Mon sourire s'affaissa pour laisser place à une mine surprise... Mon bras restât un instant en suspens dans l'air.

Vous avez demandé une surdité passagère, ne quittez pas.

Clignant des yeux à répétition et me torturant l’oreille pour tenter de faire partir le sifflement aigu qui résonnait désormais à ma droite. Kip voulait bien faire, je ne pouvais lui reprocher ça… Mais s’il pouvait le faire genre, 300 mètres plus loin…

Toutefois, ou plutôt, «en toute logique », une personne arriva rapidement en répondant avec le même entrain que le petit robot. Mais qu’est-ce qu’ils avaient tous à crier aujourd’hui ?! C’est avec un léger agacement que je me tournais vers –

– Encore vous ?! Mais je vais finir par croire que vous me suivez !

La clonée de la Forge, du Laboratoire, et avec de la chance, du café-du-coin-aussi. Non mais là c’était officiel : Elles étaient plusieurs. On ne croise pas 3 fois la même personne en 1 semaine dans une ville comme entre-Monde par pure coïncidence, quand même ? Sinon, j’avais eu un bol monstrueux pendant ma période à Magna –celle des dettes et des créanciers envahissants.

Raclant ma gorge, je portais mon chapeau à ma poitrine en m’inclinant un peu.

– Désolé, c’était déplacé et impoli. C’est juste que nous nous croisons souvent ces temps-ci, c’en est presque comique. Et en effet, je suis Corben Krayt. Ravi de vous revoir mademoiselle… ? Hum… Je ne crois pas connaitre votre nom, d’ailleurs.

Lui tendant le résumé de mission afin qu’elle prenne connaissance de ce dans quoi elle s’engageait, j’attendais qu’elle le parcourt pour lui poser une question d’importance.

– Je dois vous prévenir : Je compte me rendre à la frontière sur mon Zeppelin afin de gagner du temps et peut-être retrouver ce mystérieux groupe plus rapidement. Avez-vous le mal de l’air ?

Spoiler:

Kip n'avait cure de savoir si la demoiselle suivait secrètement Corben, si elle était amoureuse ou une espionne qui voulait les secrets du technomage. Ou bien, elle pourrait être une fan secrète des chapeaux ou du violet… Kip se contenta de remplir à vitesse accélérée la fiche d’inscription :

-Kip ! Nom de la mission : Nouvelles recrues, se dictait-il à lui-même sous l’icône de son écran-visage dévoilant son expression très concentrée.

Il griffonna les formalités de l’inscription avec une précision chirurgicale pour chacune des lettres. Kip devait avoir été une imprimante dans une vie antérieure, ce qui expliquerait certainement son amour des machines-à-café qu’il bricole sans cesse.

Il tendit la fiche à Corben et à …

Son faciès afficha un icône surpris.

-Kip ! Une nouvelle !

L’icône devint moins amical et Kip mima la posture d’Eva en posant ses bras sur les côtés de son cube : on aurait dit un frigo essayant de trouver ses hanches…

-Kip ! Si vous êtes nouvelle, vous devez faire attention et bien vous équiper avant de partir en mission. Ne vous exposez pas inutilement au danger et prenez le temps de bien vous reposer.

Enfin un enregistrement de la voix d’Eva se lança dans son système de synthèse vocale :

-Le fait d’être en mission ne vous autorise pas à vous affranchir des lois.

Fin de la retranscription.

-Kip ! Signez-la s’il vous plait. Kip !

Le hoquet « Kip » s’accompagna d’un stylo expulsé par maladresse sur le comptoir… Heureusement personne ne le reçu dans l’œil !

Son visage numérique alternait les coup-d'oeil entre les deux aventuriers.

Un rire gêné m’échappa. Une réunion de gens sourds prenait possession du hall et nous n’arrivions pas à parler sans crier.

-Syel Wolt, je comprends, il est vrai que c’est très étrange comme rencontre. Je suis aussi surprise que vous !

Une première rougeur me monta au visage. Je penchais mon visage sur la note de mission.

-Le mal de l’air ?

Je me sens bête et Kip n’a pas fini de m’embarrasser.

Une nouvelle, le mot sonna dans le hall vide et se répercuta en écho dans mes terminaisons nerveuses.
Je m’efforçais de sourire. Le robot était comme un enfant, ou plutôt comme un adulte avec l’esprit d’un enfant. Ces secondes de mises en garde paraissent longues comme des heures. Je suis rouge tomate, je crois que toute la bibliothèque l’a entendu.

-Je ferai attention…

Sermonnée par un cube, j’étais raide quand je dus me pencher pour signer la fiche d’inscription. C'était après que je dus me détendre pour récupérer le stylos perdu à terre. La maladresse du robot n'avait aucun équivalent.

Sur le document, un grand nombre de termes compliqués y étaient pré-imprimés… Je ne les comprenais pas tous, ma signature semblait être une tache en bas de page, signant ma ruine.

Je n’ai pas répondu à la question de Corben, je saurais bientôt ce qu’est le mal de l’air… S’il veut bien se dépêcher de quitter la bibliothèque.

Je deviens robophobe…

J’avais mal aux zygomatiques, à force de retenir les rires qui ne demandaient qu’à dépasser ma main plaqué contre ma bouche. Kip, dans une mauvaise imitation d’Éva m’avait forcé à me retourner un moment pour me calmer un peu, mais c’est encore avec un grand sourire que je refaisais face au robot et à la demoiselle.

– Ne t’inquiète pas, Kip : Nous serons prudents. Permettez ?

A mon tour de signer la fiche. Récupérant le stylo, je griffonnais le papier et reposais le tout sur le comptoir. Me tournant complètement vers la désormais nommée Syel, je l’invitais à me suivre d’un mouvement de bras replié devant moi, paume vers le ciel.

– Nous allons devoir rejoindre mon vaisseau avec ma voiture. Je pense que le voyage durera un petit moment, je vous propose donc de nous retrouver devant la bibliothèque en fin de journée, pour que vous ayez le temps de rassembler vos affaires. Je vous fournirais une chambre d’hôte, bien entendu.

Le fier véhicule flottant brillait au soleil. J’adorais cet effet : La Sun était une voiture commune, mais ses lignes avaient suffisamment d’attrait pour y laisser couler un regard, même en biais.
Comme disait Sash’ : La voiture parfaite pour flatter mon égo.




Le garage se ferma derrière la Sun avec un sifflement de vapeur et de pistons mécaniques. Les gobelins qui avaient installé le garage semblaient ne jurer qu’avec cette technologie archaïque et qui était, à mon plus grand étonnement, très efficace.
Le pont des machines fut traversé d’un pas rapide. Je voulais éloigner mon associée de mission le plus vite possible du métal, de la vapeur et des cris de l’équipage. Les quartiers résidentiels, avec leur insonorisation et leur coté plus chaleureux devraient normalement la rassurer un peu plus.
J’espérais.
Je lui présentais d’un air ravi les lieux en pointant du doigt quelques portes.

– Bienvenue dans le Vandavel, ma maison, mon lieu de travail et de transport en Entre-Monde. Le salon est la 2ème porte à gauche, et les sanitaires sont juste ici. Je vais programmer le plan de vol avec ma timonière et je reviens. Ne touchez juste pas à la bibliothèque du salon, elle dort. C’est suffisamment rare pour le préciser.

Je descendais l’escalier vers le poste de pilotage et donnais quelques indications à Sash’ pour nous emmener aux montagnes Sud de Grâce.
Je remontais quelques minutes afin de donner des informations à Syel, alors que le navire frissonnait légèrement quand les voiles et les moteurs se mettaient en branle, commençant leur long voyage vers le sud.

– Ma timonière vient de m’indiquer que le voyage durera 2 jours. Je vais vous montrer votre chambre. Si jamais vous nécessitez quoi que ce soit, n’hésitez pas à demander.

Toujours prendre soin des demoiselles. Et surtout, faire en sorte que le navire ne l’effraye pas trop. Sinon on aura un souci pour rentrer….

Spoiler: