Oh qu'il est beau le palais.

Meliel était, comme la plupart du temps, en train de se balader, sifflotant gaiement tout en sautillant parfois, allant arborer un sourire des plus radieux lorsqu'il voyait passer quelqu'un. Il suivait même quelques personnes pour leur proposer un cookie qu'il faisait apparaître dans sa main, se disant magicien, cependant le cookie n'avait pour lui que l'aspect et la texture d'un cookie, il n'était pas réel, mais personne ne pouvait vraiment le remarquer, aussi, Meliel prenait un malin plaisir à demander aux gens qui acceptaient ses cookies, de ne le manger qu'une fois chez eux afin qu'ils aient la surprise de ne plus pouvoir retrouver ce cookie qui n'avait en fait jamais existé.

A force d'aller et venir dans toutes les directions pour un oui et pour un non, Meliel se retrouva à la Res'Publica de K'ien, un endroit dont il avait bien évidemment entendu parler, mais qu'il n'avait pas encore réussi à trouver, soit parce-qu'il n'avait pas vraiment cherché, mais surtout parce-qu'il avait toujours quelque chose sur la route qui venait occuper toute son attention. Que ce soit un papillon, un chat, ou un passant habillé de couleurs bizarre, il en fallait peu à Meliel pour qu'il parte complètement ailleurs, suivant alors la route de ce qui avait bien pût le perturber. Cette fois, il était bel et bien en face du palais qu'il pouvait admirer de loin, et même si les gardes semblaient regarder Meliel assez bizarrement, il s'avança tout sourire afin de visiter ce palais qui as l'air vraiment intéressant.

"-Halte! Il vous faut une autorisation spéciale pour entrer dans le palais du maître de K'ien. Si vous n'en avez pas, vous devez partir sur le champ!"

"-Oh? On peut pas visiter? Ah mince! Et comment qu'on en a une d'autorisation? Faut demander à qui? Au maître de K'ien? C'est qui? Ca se trouve je le connais, ou alors lui le connais, faut demander, ça se trouve c'est un copain. Si je vous donne un cookie vous me laissez passer? Hm pas sûr ça..."

"-Monsieur, si vous ne partez pas sur le champ, nous serons obligé d'utiliser la force afin de vous faire partir."

"-Ah ouais, la force carrément, je vois, bah euh... Je vais y aller alors hein, et vous voulez pas répondre à ma question, non? Bon... Bah je vais aller attendre plus loin alors hein, c'est possible ça, non? Parce-que moi j'en sais rien. Ah si je sais! Je me met là-bas et j'arrête de parler d'accord?"

Tandis que Meliel débitait encore et toujours des phrases les unes après les autres, le garde avait son arme en direction du dieu, prêt à lui asséner un coup si il le fallait vraiment. Meliel comprenait qu'il ne réussirai pas à entrer dans ce palais par la ruse, il faudra donc qu'il trouve un moyen d'obtenir une de ces autorisations. En attendant, il alla se placer plus loin, assis par terre à jouer avec des cailloux tel un enfant qui jouerait aux billes.

-Si vous ne vous décidez pas à le retrouver, je m’en occuperai moi-même !

La voix claire de Dinu Mihai résonnait encore dans le hall du palais quand elle passa la porte sans un regard pour les miliciens de garde. La banquière n’était pas là pour s’amuser et son visage d’ordinaire avenant était entâché par une légère crispation.

-Madame de Welgaia, il faut du temps pour ces choses-là…

La tentative du fonctionnaire était vouée à l’échec avant même qu’il n’eut essayer. Dinu Mihai lui fit face sans détour.

-Du temps ? Et pendant ce temps mes biens circulent dans la nature. Avez-vous la moindre idée du danger que représentent ces titres s’ils tombaient entre de mauvaises mains ?

-Je me sais incapable de vous empêcher de faire ce que bon vous semble, Madame, mais permettez-moi d’insister pour que vous soyez épaulée par des membres du miroir. Pour votre sécurité, s’empressait-il d’ajouter.

Ce fonctionnaire était assez malin pour avoir réussi à escalader l’échelle sociale jusqu’aux hautes sphères de la hiérarchie de K’ien. Il savait à qui il avait à faire, Dinu Mihai sous son air de jolie jeune femme adorable cachait un requin déterminé et vorace. Il ne pouvait vexer une femme aussi puissante et rancunière en lui imposant son avis et ses méthodes à savoir : la banquière n’est pas habilité à retrouver une livraison perdue c’est aux sanctuaris et aux miliciens de s’en charger, de plus une femme ne devrait pas lui dire ce qu’il avait à faire.
Et pourtant :

-Je refuse de voir un seul de vos miliciens ou fonctionnaires venir observer mon travail. Je vous conseille de bien choisir à qui vous attribuerez la mission de me suivre.

Soyons clairs, Dinu Mihai retrouvera sa cargaison perdue elle-même, qu’il le veuille ou non, alors s’il voulait vraiment ne pas la laisser agir sans surveillance, tout le monde avait aussi compris que la banquière n’agirait pas en raison des procédures normales, il devrait choisir un témoin assez roublard pour ne pas se faire étriper dans une ruelle sombre par Dinu Mihai elle-même et assez simple pour comprendre la mission sans trop en demander.

-Ne me faites pas perdre mon temps, dit-elle en voyant l’homme hésiter.

C’est alors qu’un garde interrompis cette discussion sous le perron.

-Monsieur, nous avons un visiteur qui trainent là-bas, il n’a pas l’air dangereux cependant… Doit-on le mettre dehors ?

Agacé, le dieu leva une main et commençait à faire cette face spéciale qu’il réservait uniquement aux subordonnés auxquels il donnait des ordres inférieurs :

-Faites-ce que…

Il cessa en plein élan et se tourna de nouveau vers la banquière. Celle-ci, bras croisés sous la poitrine l’observait fixement.

-Cet homme pourrait vous accompagner. Il m’a l’air robuste et ne fait pas partie du miroir. Qu’en pensez-vous ?

-J’en pense que vous devriez lui demander son avis avant de le proposer.

Dinu Mihai s’éloignait à grands pas, exaspéré par ce fonctionnaire aux dents longues mais pas suffisamment fûté pour comprendre qu’il s’attaquait à un poisson trop gros pour lui.
Que ne donnerait-elle pas pour lui faire gober quelques boulets de plombs…

Meliel était toujours à jouer avec ses petits cailloux tranquillement, tandis que dans le palais on pouvait clairement entendre qu'il y avait de l'action, enfin, pas assez peut-être où sûrement trop peu intéressante pour que Meliel détourne son regards des cailloux qui s'entrechoquent sur le sol, allant dans n'importe quelle direction, jusqu'au moment où un caillou se coinça dans une petite crevasse. Meliel se lava alors d'un seul bon pour en suite se mettre à genoux en hurlant.

"-Non! Pourquoi?! Pourquoi petit cailloux?! Tu roulais si bien! Et puis... Et puis... Tu as disparu! Enfin pas disparu, mais j'peux plus te récupérer tu vois, non ouais parce-que si t'avais disparu j'pourrai plus te voir, alors que là j'te vois tu comprend? Ouais moi non plus... Enfin... J'vais aller demander aux gardes ils ont l'air gentil."

Meliel s'approcha lentement sur la pointe des pieds vers les gardes qui lui faisaient face, se croyant sûrement discret. Il les salua d'un léger geste de la main, arborant un large sourire quand il fut arrivé à leur niveau.

"-Bonjour, c'est encore moi, alors euh... Bon j'ai compris, j'peux pas rentrer ça c'est pas un problème hein, mais en fait j'ai coincé un cailloux et j'voudrai savoir si vous pouviez m'aider à le récupérer. Ou alors, trouver un autre cailloux pareil que lui, parce-que je l'aime bien le petit voyez-vous..."

Tandis que Meliel parlait toujours autant de son petit cailloux, les gardes le regardaient de plus en plus bizarrement, se demandant si il était fou ou si ses propos étaient vraiment sérieux, sans pour autant répondre au dieu qui continuait de parler encore et encore de son petit cailloux adoré.
Au bout d'un assez long moment de discussion ininterrompue de la part de Meliel, un autre garde arriva à leur niveau.

"-Monsieur. Veuillez entrer je vous prie. Quelqu'un aimerai vous parler."

"-Ah bon? Moi on veux me parler? Je veux bien mais il paraît que je peux pas entrer sans invitation, et en plus j'ai perdu mon cailloux, vous vous rendez compte?! Enfin... Comment je fais vu que je peux pas entrer, hein?"

"-Il vous invite à entrer monsieur. Faites vite avant qu'il ne change d'avis."

Sans faire plus d'histoires, Meliel sautilla jusqu'au garde en souriant, lui faisant signe d'avancer afin qu'il le guide. Durant le trajet, Meliel observait beaucoup plus le palais que la route que prenait le garde devant lui, ce qui faisait parfois courir Meliel dans tous les sens afin de retrouver son guide jusqu'à ce qu'ils arrivent enfin devant le fonctionnaire.
Meliel salua tout le monde présent dans la salle en faisant de grands signes, arborant toujours un sourire radieux.

"-Hey salut! Alors il paraît qu'on veut me voir? J'ai fait quoi? Rien du tout! Vous avez aucune preuve! C'était pas moi, c'était le petit lapin, j'vous jure je l'ai vu!"

"-Vous n'êtes accusé de rien du tout Monsieur... Calmez-vous. J'aimerai seulement vous proposer quelque chose. Vous voyez cette dame là-bas? Et bien il s'avère qu'elle a perdu quelque chose de très précieux. Peut-être pourriez-vous l'aider?"

"-Ah bah oui moi je peux aider, y'a pas de soucis. C'est quoi qu'elle a perdu la dame? C'est secret? Si c'est secret j'peux comprendre hein. Faut juste me dire, "C'est secret Meliel." Et c'est bon j'ai compris. Ou alors elle veut pas en parler peut-être, c'est possible aussi ça. Enfin, c'es où que vous les avez perdu? faut souvent commencé par là puis faire le chemin arrière, ou avant je sais plus, et paf vous retrouvez votre truc! Enfin ça marche comme ça en général, des fois ça marche pas, c'est bête...""

Tout en parlant beaucoup trop comme a son habitude, Meliel s'approcha doucement de la dame en question, lui faisant un grand sourire en penchant légèrement la tête sur le côté, sautillant sur place tandis qu'il faisait son monologue.

Dinu Mihai se leva quand son équipier imposé s’approcha d’elle. Un réflexe lui fit porter la main à son collier. Elle ne craignait pas les vols, elle voulait s’assurer qu’il était toujours là car la présence de cette masse de métal à disposition lui garantissait un contrôle rapide et incisif. Elle refusait de se reprocher cette habitude quand en quelques secondes l’autre lui remplit les oreilles de plus de mots qu’elle ne voulait en entendre.

Elle accrocha le regard du fonctionnaire. L’homme quant à lui affichait un visage à l’expression partagé. Dans son esprit, elle devinait sans effort que la peur de se faire tuer immédiatement concurrençait le plaisir de voir un tel individu s’adresser directement à la « grande » Dinu Mihai.

Prenant la situation à contrepied, la banquière posa une main agile sur l’épaule de Meliel.

-Vous êtes donc la personne qu’il me faut, dit-elle en souriant. Hélas, ce n’est pas moi qui ai perdu le coffre.

Elle l’invita à s’assoir face à elle. Dans le bureau deux fauteuils tapissés entouraient une table d’appoint. Elle tourna son visage bienveillant vers le fonctionnaire et :

-Pourriez-vous nous apporter deux cafés, sans sucre pour moi ?

Le fonctionnaire cette fois fut rouge d’embarras et de colère contenue.
Elle n’accordait plus son attention qu’à Meliel.

-Je vais vous expliquer le problème, ce monsieur qui vous a invité a envoyé en son nom un soldat pour récupérer un coffre à la banque. Dans ce petit coffre se trouvait trois titres, vous savez ce que c’est ?

Elle enchaina aussitôt sur la suite finalement peu motivée à devoir expliquer la vie au premier venu.

-Ces titres sont des pièces uniques et surtout le pouvoir qu’ils contiennent est instable et dangereux.

Pourquoi les avoir envoyé à K’ien dans ce cas ? Parce que ces titres étant des commandes spéciales du miroir, il s’agissait de prototypes que les hauts fonctionnaires voulaient examiner avant de poursuivre le projet… Dinu Mihai se détendit dans son siège.

-Nous savons que le soldat est repartit de la banque avec le coffre. C’est en chemin vers la Res Publica qu’il a disparu… Je dois le retrouver au plus vite, cependant, K’ien ne souhaite pas me voir enquêter seule. Ils craignent que cela devienne dangereux. Si vous m’accompagniez il se pourrait qu’ils nous laissent travailler tous les deux. Plus vite nous pourrons commencer, plus nous aurons de chance de retrouver les titres.

Elle pencha légèrement les têtes tandis qu’elle ramenait ses mains sur ses jambes. Devant elle, le fonctionnaire déposait lui-même les deux cafés et le service accompagnant la prise de boisson chaude dans un bureau honoré par une femme de sa qualité.

"-Des titres qui ont des pouvoirs?! C'est nouveau ça, enfin pour moi, ou alors on me l'avais dis et j'ai oublié, c'est possible hein. Mais du coup, le garde il est parti avec et il est pas revenu, hm... C'est plus compliqué, parce-qu'on est pas dans la tête du garde et du coup on sais pas quel chemin il a pris. Ou alors! On sais a peu près le chemin et on peut aller chercher tranquillement."

Meliel observait en détail la femme en face de lui, ne tenant pas vraiment en place sur le fauteuil. Il semblait réfléchir à comment retrouver ce coffre, ou à complètement autre chose, lui-même n'en était pas vraiment sûr. Étrangement, il se sentait assez bien dans ce bâtiment, trouvant ce lieu calme et reposant, même pour lui, ce qui est en général assez rare. Son regard changeait entre la femme en face de lui, les détails du bâtiment et le fonctionnaire qui semblait fou de rage en servant les deux cafés, feignant un petit sourire. Meliel s'ajouta deux sucres dans son café, touillant tranquillement avant de boire quelques gorgées, puis posa le café, ouvrant de grands yeux.

"-Je sais! En fait, il faut aller refaire le chemin du garde! Je l'ai déjà dit non? Je sais plus... Mais je suis sûr qu'on trouvera quelque chose! Une trace ou je sais pas. Faut aller chercher. On y va?! Hein?! Allez dites moi qu'on y va!"

Meliel semblait pressé de bouger, comme d'habitude. Il sautillait sur le fauteuil, un grand sourire sur ses lèvres en attendant la réponse de la personne en face de lui, ne prenant même pas en compte la présence du fonctionnaire. Il se leva de son fauteuil, se dirigeant vers la porte de sortie en faisant de grands signe pour que la femme le suive, en tout cas, si elle ne venait pas, Meliel y serait allé tout seul, bien qu'il ne connaissait pas du tout le chemin emprunté par le garde.
Au bout d'un moment, il se remit à parler, haussant le ton de sa voix afin que Dinu puisse l'entemdre.

"-Au fait! C'est quoi les pouvoirs des titres?! Non parce-que c'est dangereux certes, mais ça fais quoi exactement? Vous me l'avez pas dit... Ou alors vous voulez pas me le dire, ça j'peux comprendre hein, mais autant être bien préparé au cas où il se passerai des trucs pas voulu, histoire de réagir en fonction vous voyez? Non parce-que j'ai pas prévu de mourir aujourd'hui alors si je peux éviter que ça arrive, ce serai bien."

Nouveau ? Mais d’où sortait-il celui-là ? Dinu Mihai retint de justesse une exclamation méprisante.

Dinu Mihai ne prit pas même la peine de regarder le café déposé devant elle.

Elle se leva, gracile, et alla jusqu’à se saisir du bras de son équipier. Avant de quitter le bureau elle se détourna vers le fonctionnaire. Ce dernier comprenait enfin qu’il n’avait pas choisi le meilleur des poissons.
Le fait que l’homme soit facilement distrait allait servir à Dinu Mihai, tous les deux le savaient.

-Je vous ferai parvenir les titres quand nous les aurons retrouvés et, si je peux me permettre, la prochaine fois, ce seront mes hommes qui vous les livreront.

Elle s’empressa d’avancer dans le couloir.

-Les pouvoirs des titres sont confidentiels. De toute manière, ils sont, théoriquement, verrouillés. Je dis bien, théoriquement. Si le voleur arrive à en extraire le condensé qui les fait fonctionner, il pourrait transmettre un pouvoir libre à n’importe quel autre objet. Mais, cela ne devrait pas arriver. Il lui faudra des jours pour réussir à crocheter les verrous magiques. Nous le retrouverons avant.

Ceci étant dit, elle reprit les choses au commencement :

-Je me présente, Dinu Mihai de Welgaia, vous vous appelez Meliel, c’est ça ?

La banquière n’était pas habituée à ne pas être reconnue dans la seconde par ses interlocuteurs.

-Je vous remercie de m’accompagner si généreusement pour tenter de retrouver ces titres. Les sanctuaris étant ce qu’ils sont, j’avais réellement peur de devoir m’en remettre à eux. Mais le temps qu’ils se décident si le dossier les intéresse ou pas, le coffre aurait déjà sauté et la moitié de l’Entre-Monde avec eux…

De sa main valide elle tapota le bras de Meliel quand ils quittèrent le palais.

-Prenons mon véhicule, nous irons plus vite ainsi.

En réalité, Dinu Mihai ne voulait pas s’approcher de ces gros oiseaux et de leurs nacelles, transport favoris entre les îles de Ciel, la dernière fois qu’elle avait croisé le chemin des Hi-boux c’était lors de leur invasion de la cité. Elle avait pris un certain plaisir à utiliser la carapace métallique de Cerclon pour tuer les oiseaux.
Les zeppelins quant à eux étaient si inconfortables qu’ils la mettaient de mauvaise humeur à chaque fois…

-Que diriez-vous de discuter de tout ça à l’intérieur, je pense que pour retrouver notre disparu nous devrions commencer par enquêter sur lui. Et pour cela nous allons aller directement chez lui. Nous aurons un peu de chemin.

Comme il était difficile de le suivre depuis la banque, il fallait deviner vers qui il aurait pu se tourner pour revendre les titres ou inversement qui aurait pu le surveiller pour le faire disparaitre et le détrousser…

"-Dinu Mihai... Ca me dis un truc... Vous êtes connue par ici non? Attendez ça va bien me revenir hein... Dinu, Dinu... Ah oui! La boulangère! Non, non... Hm, si, la bûcheron, non plus... La banquière! Oui voilà! C'est vous! Je me disais aussi, vous avez pas du tout l'aspect d'une boulangère. Et moi oui c'est Meliel, Meliel Hellrum. Et vous venez d'où? Moi je viens d'ici. Enfin pas ici juste là, plus ici ici, comme ici, de l'île quoi, enfin de K'ien, vous comprenez? Oui moi non plus. Ah on prend votre véhicule à vous, oui c'est sûr ça ira plus vite que marcher."

Meliel souriait comme toujours, évidemment il avait déjà entendu parler de la banquière, qui ne la connaissait pas. Mais il voulait sympathiser et surtout faire la conversation, bien que Meliel parlait beaucoup plus que Dinu. Il ne voulait surtout pas la contrarier et suivra tout ce qu'elle dira de faire gentiment, désirant simplement se faire peut-être une nouvelle amie, ou au moins éviter qu'elle ne devienne une ennemie.
Bien que la banquière ne voulait pas dévoiler exactement les pouvoirs des titres, Meliel, bien qu'un peu fou sur les bords, savait qu'il devrai rester sur ses gardes une fois arrivé sur le lieu de l'enquête, il lui faudra donc essayer de regagner un peu de sérieux, ce qui n'est pas si simple.

"-Et dites moi, j'y pense mais, il n'y a pas un moyen plus sécurisé de transporter ces titres? Non parce-que les laisser dans les mains de quelqu'un qui reste seul sur la route, c'est pas une très bonne idée. Après je critique pas mais vous pourriez trouver un autre moyen comme... Dresser des oiseaux pour les transporter par le ciel, c'est déjà plus difficile d'attraper quelque chose dans le ciel. Ou alors! Créer une sorte de tunnel souterrain qui aspirerait le titre afin de l'envoyer à l'endroit demandé, du coup là, personne pourra le prendre sous terre."

Même si parfois, voir très souvent, Meliel disait des choses incompréhensibles, il se surprit cette fois à parler de quelque chose qui avait du sens. Il était étrange, même pour lui, de confier un objet si dangereux à une simple personne, qu'elle soit de la garde ou non, il fallait trouver un autre moyen de transporter ces choses sans prendre encore le risque de les perdre dans la nature.

Boulangère, bûcheronne… Il mit tellement de temps à trouver son poste que Dinu Mihai manqua de l’accueillir avec une flèche de titane plantée entre les deux yeux.
Elle lissa rapidement un rictus nerveux sur son visage pour le faire disparaitre. Elle tentait en ce moment même d’être la plus avenante possible et les manières de Meliel laissant à désirer ne l’aidaient pas beaucoup.

La sun les attendait à quai, elle se glissa côté conducteur bien qu’il ne lui soit d’aucune utilité d’utiliser toutes ces commandes. La voiture étant entièrement faite de métal, il lui aurait été très facile de la soulever sans même l’allumer.

-Mettez votre ceinture je vous prie, la circulation est parfois difficile quand on croise les Hi-boux en vol.

Ces oiseaux stupides tanguaient généreusement quand les vents d’altitude perturbaient leur vol. Ils ne trouvaient jamais rien de mieux à faire que d’aller embrasser les véhicules partageant les autoroutes célestes.

Reprenant la conversation là où elle en était restée, elle fit un effort certain pour éviter de s’agacer ouvertement à toutes ces questions.

-Le poids du coffre empêcherait de petits oiseaux discrets de le transporter par les airs… Et Je n’ai pas confiance en nos gros oiseaux.

Elle avait vraiment une dent contre les hi-boux.

-Les négociations avec K’ien sont houleuses, ces titres n’auraient jamais dû quitter mes laboratoires. Mais le miroir voulait absolument en avoir des prototypes pour les faire étudier par des laboratoires magiques concurrents. Le cahier des charges pour le transport des titres était stricte, mais K’ien a oublié de sélectionner un coursier de confiance…

Dinu Mihai s’assura que Meliel avait attaché sa ceinture, si bien que s’il ne le faisait pas lui-même elle pourrait s’en charger d’une simple pensée. La boucle était en métal après tout.

-Je me demande par où commencer. Peut-être pourrions-nous commencer par vérifier les vidéos de surveillance de la banque, nous aurons son visage et le chemin qu’il a emprunter.

Dinu Mihai réfléchissait à toute allure.

-A partir de là nous déciderons si nous enquêtons sur sa vie pour voir s’il a des liens avec des concurrents ou groupes hostiles possibles ou bien s’il n’aurait pas été surveillé…

L’hypothèse de dettes ou même d’un infiltré de l’une des guildes de Magna n’était pas à ignorer. Dinu Mihai bien que sans histoire en apparence avait toujours été très proche des groupes illégaux à Magna. Ceux-là auraient peut-être tout intérêt à voir la déesse se rater avec ces titres ou bien à les lui voler.

Devoir faire le ménage dans la mafia de Magna ne la tentait pas. Elle s’était patiemment retirée de ce milieu ces deux dernières années. Ce n’était pas maintenant qu’elle avait une chance d’étendre son empire financier à la zone inconnue qu’elle avait envie d’y replonger.

Meliel suivait tranquillement sa nouvelle camarade, gardant un sourire aux lèvres tout en allant se placer dans le véhicule. Il attacha sa ceinture comme demandé et l'écoutait attentivement, remarquant que c'était un peu le bazar dans l'administration de K'ien, allant jusqu'à penser qu'il n'y avais pas vraiment quelqu'un à la tête de cette île.

- Et dites moi. Qui est-ce qui gère tout ça? Vous dites que c'est le miroir d'accord, mais le miroir a un représentant? Quelqu'un à sa tête?

Le dieu semblait intrigué qu'on puisse délibérément désigner un coursier au hasard pour transporter de telles choses si importantes que les titres.

- Ah et oui il faudrait vérifier les vidéos oui, je pense que c'est le mieux, comme ça on pourrai remonter son parcours assez rapidement et voir à quel moment il a dévié.

Meliel semblait étrangement reprendre du sérieux dans son discours, toutes ces histoires de perte et l'agacement plus que visible de la banquière ne lui permettaient pas vraiment de continuer à dire des idioties et il compris rapidement qu'il ferai mieux de se concentrer sur l'enquête afin de retrouver ces titres. Il reprit alors assez rapidement ses esprits autant qu'il le pouvait pour ne se focaliser que sur cette enquête.

Oh et hm... Vous savez où il habite ce messager? Parce-que si on veut fouiller chez lui, faut déjà savoir l'adresse. Ou alors vous êtes une sorte de devin et vous savez des trucs que personne d'autre peut savoir, ça aussi ça peut marcher... Enfin! Emmenez-moi où vous voudrez, je ferai mon possible pour retrouver ces titres.

-Il n'y a pas personne de compétent, insistait-elle sur ce dernier mot, à la tête de K'ien depuis des lustres. Une fonctionnaire au mauvais caractère assure l'intérim' en l'absence de Maître, autant dire qu'elle ne fait rien.

Dinu Mihai n'avait pu retenir ce commentaire malveillant à l'encontre des fonctionnaires. Un sourire moqueur gagna ses lèvres. Si son voisin répétait un mot de ce qu'elle avait dit ici, elle s'amuserait beaucoup à voir le visage de leur précédent hôte vexé.

-Nous pouvons vérifier les vidéos de la banque et avec de la chance celles des succursales si le livreur a eu l'intelligence ou la bêtise de passer devant. Les caméras des rues de Tern nous seront inaccessibles sauf si nous voulons remettre l'enquête aux mains des sanctuaris. Mais quelques commerçant accepteront peut-être de nous ouvrir leur porte.

Dinu Mihai observa un petit instant le manège d'autres véhicules volant s'insérant souplement dans le trafic de Tern. La ville moderne ne dérogeait pas à la règle tacite : on use des technologies de son quartier. Tern ne possédant pas la technologie d'une voiture volante, la banquière ramena son engin au rez du bitume. Elle garait l'animal sans faire grand cas des deux places qu'elle occupait et invita Meliel, qui parlait encore et toujours, à la suivre dehors.

-Vous ne le savez pas encore, mais je suis devin... Ou plus exactement, je sais assez de chose pour le paraitre.

Avec un sourire énigmatique, elle laissa les clef à un commis apparu à l'extérieur d'une petite banque de quartier. Tandis que l'employé récupérait la voiture pour l'emporter dans son garage, Dinu Mihai déverrouilla les portes de son autre véhicule.
La Cael prit vie.

-Nous voyagerons à bord de celle-ci dans le quartier, elle est plus passe-partout.

C'est assez ironique quand on sait que la Cael est d'un bleu soutenu...

Tout en allant s'installer dans l'autre voiture, Dinu Mihai répondit enfin à la question en suspens :

-Je n'aurais pas confié mes titres à un parfait inconnu, j'ai assez d'informations sur lui pour commencer à chercher. Cependant, cela ne veut pas dire que la solution nous sautera aux yeux tout de suite... Maintenant, direction la banque, je vous ferai part du dossier sur notre candidat pendant que mon assistante ira nous chercher les bandes vidéos.

Aussitôt dit, la déesse décrocha son téléphone, laisse un message bref à Ilinca et démarra le véhicule.

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