L'Ancien ~ Aliénor

Acte 1 :

Debout devant la fenêtre à regarder les étoiles, un homme du moins en apparence ce demande ce qu’il fait ici. Pour qui, pour quoi ? Là est toute la question.
La sensation d’être oublié, la sensation d’avoir oublié quelque chose, où bien quelqu’un. Mais qui pourrait encore ce souvenir de lui ?
Il n’a plus de mémoire, pour lui, c’est le trou noir pourtant, là ce soir, comme tous les soirs il se tient là et attend… mais quoi ? Mais qui ? Allez savoir…

Il fut un temps où cet homme était grand, jeune et fort, il avait tout pour lui mais aujourd’hui, à l’aube de sa vie, il ne sait plus qui il est. Il attend… Qu’on vienne le sortir d’ici où bien qu’on vienne lui dire qu’il est libre de nouveau.

Quand la porte de la pièce où il est s’ouvre il ne bouge pas, à quoi bon ? Il a l’habitude, tout es réglé, minuté. Et là ce soir, les yeux rivé sur ce plafond étoilé, il n’attend qu’une chose, qu’elle vienne, qu’elle lui pose cette main sur son épaule et qu’une fois encore, elle l’emmène dans ce monde d’avant…

Venant d’entrer, une femme regarde cette silhouette qui comme tout les jours n’a pas bougé. Parfois elle en vient à avoir pitié de lui, cet ancien combattant abandonné de tous, cette personne qui avait tout donné pour finir ici, se souvenant à peine de son propre nom…


Une silhouette se dessine dans l’embrassure de la porte, elle est blonde et fine, et son regard azur semble avoir déjà vu tant. Comme toujours elle vient le voir, car de son ancienne vie, elle est le dernier rempart.


Les deux femmes se regardent, l’une est brune et l’autre blonde, elles sont différentes mais semblable dans l’attachement qu’elles ont pour ce vieil homme. D’une même vois elles prononcent ces mots.


La jeune femme blonde s’approche de la silhouette près de la fenêtre et doucement pose une main sur l’épaule de cet homme. Il lui ressemble de dos, c’est flagrant.
Une petite fille et son grand-père, un amour qu’il ne peut plus ressentir, prisonnier de sa mémoire et de ces souvenirs et elle impuissante essaie au mieux, de lui faire retrouver cette petite lueur au fond de ces yeux.

Je les entends, je les sens prêt de moi, elles pensent que j’ai tout oublié mais non. Elles ont peur que je sois seul mais je ne le suis pas.
Ils sont toujours avec moi, partout et en tout lieu, ne les voient-elles pas ?


Je vous vois encore, mais il est plus simple pour moi d’oublier, parce que quelque part, ils m’ont tous oublié. Moi qui aie tant fait pour eux, moi qui me suis si souvent battu pour eux ils m’ont vite mis de côté. Pourquoi ? Parce que j’ai eu le malheur de chuter.
C’était il y a quinze ans, mais c’est comme si s’était hier. J’étais parti combattre mais cette fois cela ne s’est pas passé comme d’habitude. J’ai été blessé et celui que j’étais s’en est retrouvé changé. Malgré les efforts, je ne suis pas parvenu à me relevé, alors… Alors, j’ai préféré sombrer.


Moi le soldat, moi le combattant, je me suis retrouvé sans rien du jour au lendemain. Même ma propre famille a préféré m’oublier. Sauf elle…
Elle est différente, je sens qu’elle essaie, et sa présence est comme un phare dans ma vie. Mais elle croit elle aussi que j’ai tout oublié et chaque jour qui passe elle me rappelle par ces histoires dans lesquelles elle me voit, comme celui que j’étais.


Le temps a passé et je me suis fané, je ne sais plus très bien m’encrer dans le quotidien, mais ce que je sais c’est que tout les jours elle vient. Je l’attends, elle me permet d’exister et peut être que ce soir, je lui dirai la vérité.


Un fauteuil, mon fauteuil, cette main à la peau blanche, ce regard si profond. Je pourrai m’y perdre. C’est le même que le siens, les même traits de celle qui fut ma fille..

A genoux près d’un lit, où repose une silhouette enfin endormie, la petite fille regarde le corps enfin détendu de son grand-père.
Elle se rend compte que finalement, elle n’a pas essayé de le comprendre, que pendant toutes ces années, elle s’est voilée la face. Et aujourd’hui, il est trop tard.
Elle prend sa main et la sert avant de porter à ces lèvres.


On pensait qu’il avait perdu la mémoire, mais non, il s’est simplement enfermé sur lui-même, quand il a vu qu’il était abandonné de tous. Et elle n’avait rien vu, se fiant à ce qu’on lui disait jour après jour et aujourd’hui…


Un choix qu’il avait fait, des mots qu’il lui avait dit.


Peut être est-ce mieux ainsi, il repose enfin en paix et n’a plus besoin de faire semblant.

Se redressant elle se penche sur lui et effleure de ces lèvres le front pâle de cet homme qu’elle pensait connaitre et après un dernier mot, elle quitte la pièce, le laissant là à son repos éternel…