A la recherche d'une écurie ...

[ Fait suite à : Mon royaume pour un cheval ! ]

Un dieu inoffensif et pacifique, parfait, protégé par des Galets … Voilà un détail bien moins réjouissant. Ayant déjà eu l’occasion de voir les ravages de leurs pinces, rien que d’entendre leur nom lui laissait entrevoir de mauvais présages. Cixi ne semblait pas s’en soucier. Elle lui proposait d’ailleurs une heure de préparation qu’il comptait bien prendre. Pour autant, la renarde ne lui laissa guère le temps de lui répondre. Il ne prit d’ailleurs pas la peine de lui répondre, il serait au rendez-vous à l’heure dite.

Il prit donc le temps de faire un tour par le Sanctuaire, où il fit le plein de quelques instruments et produits, on est jamais assez prudent. Et si des Galets risquent de se joindre à la partie, il n’aurait pas trop d’une batterie d’antalgiques, de désinfectants et surtout - surtout - de morphine. Il était persuadé que ses petits emprunts ne passaient pas inaperçu mais après tout, tant qu’il s’en servait pour soigner du monde comment pourrait-on le lui reprocher.
L’une de ses connaissances, de passage au Sanctuaire, l’ayant pris en plein méfait s’empressa de lui faire mettre en évidence son blason de Commissaire autour du cou, attaché à son collier de cuir. Oui, comme si cela suffisait à faire fuir les bestioles de la Zone du Dehors. En contre partie de son silence, Khalaän lui fit un rapide rapport de son ordre de mission et tout cela finit par le mettre en retard. C’est donc au pas de course qu’il rejoint sa partenaire aux portes Sud de la cité. Quelque peu essoufflé, il reprit son souffle, cambré sur ses genoux avant que Cixi ne s’empresse d’utiliser son titre de Perçant, ou devrait-on dire de Perçante ? Il aurait très bien pu se transporter là-bas par ses propres moyens, mais tant qu’à faire autant économiser un titre, pendant les prochaines vingt-quatre heures, il pourrait bien lui être utile.

« Décidément, je ne mis fait toujours pas … »

Les transports par Perçant lui faisait toujours cet effet un peu bizarre l’espace de quelques secondes.
Ils se trouvaient à quelques kilomètres de Trinity. Ils ne devraient probablement pas marcher longtemps pour trouver les ruines et probablement quelques archéologues de passages.
L’ange prit le chemin du nord, de toute façon rebrousser chemin vers Trinity ne les avanceraient probablement à rien. Il prit tout de même le temps de faire une mise au point avec la renarde prénommé Cixi.

« Je crois que nous ne nous sommes même pas présenté, même si visiblement nous nous connaissons déjà ... Khalaän Sires, Commissaire et régulièrement de passage au Sanctuaire. J’y ai d’ailleurs emprunté quelques effets si le besoin s’en fait sentir. J’ai cru comprendre que je fais équipe avec la commerçante attitrée de l’Entre-monde, est-ce vrai ? »

Au bas mot, ils en auraient pour une heure de marche. Quitte à meubler la conversation autant faire connaissance.

Spoiler:

Charmant, à défaut d’être vigoureux, ils avaient tous les deux du mal avec les voyages par téléportation. La conversation s’inséra rapidement, d’elle-même, sans vraiment avoir besoin de la pousser. Tout du moins jusqu’à ce que Cixi ne fasse illusion aux termes « Maire » et « Atlantis ». Il grimaça. Il avait fait en sorte d’oublier ce passage de son retour, comme son amie la créature des régions froides c’était chargée de lui effacer de la mémoire. Les mains dans les poches l’air mi-morose, mi-gêné, il ne releva pas pour l’instant, il aurait bien le temps de lui expliquer après qu’elle eut répondue à ses questions.

En effet, connaître un commerçant de ce monde ne pouvait que lui être favorable, qui sait le genre d’articles qu’elle pouvait bien vendre. Lorsque l’on passe la quasi-totalité de son existence en-dehors des remparts de la ville, on en oublie rapidement sa composition et même les activités que l’on peut y trouver.

« Hoo. J’ai donc à faire à une notable, ça doit bien rapporter de fournir l’Entre-Monde. Dans tous les cas, c’est bon à savoir, j’essayerai de m’en souvenir et de passer un de ces jours, dépenser quelques pims … » Il prit le temps de se rappeler le montant de ses économies mystères. « Tu pourras me faire une petite ristourne. »

Tout cela restait sur le ton de l’humour bien évidement. Il ne savait rien de la gestion d’un commerce et encore moins de la gestion d’un commerce dans l’Entre-Monde. De ce côté-là, il n’avait certainement pas loupé sa vocation. A la question suivante, il prit un long moment pour rassembler tout ce qu’il avait à dire. Il ne comprenait pas bien lui-même, alors aller l’expliquer à quelqu’un d’autre, c’est loin d’être évident. Il se prit donc à imaginer ce qu’Amy aurait dit à sa place. Vu qu’elle avait cette fâcheuse tendance à parler à sa place.

« Alors, oui, on me parle souvent de cette histoire de Maire. Même le second du miroir m’en a parlé en m’accusant d’avoir déserté dans un premier temps. Au final, j’en croirais presque que j’ai bien occupé ce poste, même si dans mon souvenir, je n’ai passé que peu de temps dans de grandes villes et encore moins dans une cité sous-marine. Selon leurs explications, je serais frappé d’amnésie permanente. Donc oui, nous nous sommes probablement déjà rencontrés, bien que pour moi se soit notre première collaboration. Je ne démentirais donc pas avoir été Maire d’Atlantis, ni ce que l’on me prétend capable d’avoir fait là-bas, je ne fais qu’occulter des choses que je ne comprends pas. C’est bien plus facile à vivre comme ça. »

A nouveau, un long silence, presque pesant. Absolument pas convaincu par ses explications qui lui semblaient tout sauf claires. Il devait en être de même pour son interlocutrice, qui à défaut de le contredire ne devait probablement pas en penser moins.
Ils arrivèrent finalement à la limite des falaises longeant Trinity. A l’horizon, une vaste étendue d’eau, en parcourant ses rives vers le Nord ils finiraient probablement par tomber sur une personne capable de leur donner un peu plus d’informations que la bibliothécaire. Les archéologues ont cette fâcheuse tendance à ne divulguer les informations capitales qu’en face à face, à la suite d’un long dialogue.

« Oui, je préfèrerais même Khal’ tout court, en de telle circonstance la particule est de trop je pense. Un commissaire c’est … » Court moment de réflexion. « Un émissaire envoyé par K’ouen pour régler des problèmes dans la Zone du Dehors : Crabe Tueur, Recherches, Accompagner un scientifique, le remplacer … ou même parfois régler des conflits d’intérêts dans les villes reculées, chasser du monstre ou des malfrats. Disons que ça s’apparente à ce que l’on fait là, mais que ça provient directement du miroir et que c’est lui qui paye les frais … Rien de bien exceptionnel finalement si ce n’est quelques passe-droits. »

Il avait tout de même des doutes, avait-elle bien tout compris, ou bien se montrait-elle compatissante afin d’éviter de nouveau de sombres explications. Comportement tout à fait légitime. Pour ce qu’il en est de la particule, il fut tenté de lui dire que dans ce cas là, ça ne devait pas lui poser de problème puisque d’après les critères de ce monde, il n’est pas humain. Cependant il comprit rapidement qu’en l’état – ailes absentes – pour Cixi, son apparence n’était autre que celle d’un humain. Après tout la différence est plutôt mince.

Ils arrivèrent finalement à proximité des ruines d’une ancienne cité. Ils se séparèrent de plusieurs mètres pour inspecter la surface immergée. Cixi n’aurait aucun mal à flairer des traces de civilisation. Pour sa part, Khalaän se mit en quête d’accès. Si tout du moins, on pouvait espérer trouver un accès, le peu de bâtisses ayant survécues au temps ne constituaient que quelques murs. La présence d’équivalent aux tuiles modernes à moins d’un mètre du sol lui indiquait un enfouissement d’une partie de la cité par le sable. Érosion, marrée, les causes restaient multiples, mais la thèse d’une remontée des eaux restait la plus vraisemblable. Quel peuple, suffisamment civilisé, pourrait avoir l’idée de construire face à une mer dont les marrées constitueraient un facteur de destruction.
Si pour lui, l’enfouissement par marée semblait l’hypothèse la plus certaine, il fut surpris de ne croiser aucun des fameux archéologues dont Eva leur avait parlé. Rien que les murs constituaient un véritable trésor pour un archéologue. Gravure, restant de parure, composition minérale, parfois même des objets – des résidus disons. Tout cela aurait dû leur parler. Son questionnement trouverait bientôt une réponse.

« C’est fou mais surtout la ville semble s’étendre assez loin. » Un murmure suivit son constat :
« Et c’est bien le cas. »

Tout d’abord surpris, il se prit au jeu du chat et de la souris, cherchant la source de ce chuchotement. Il ne mit que peu de temps, au détour d’une voilure délabrée mais étonnamment conservée pour l’époque il croisa le regard effaré d’un des archéologues, recroquevillé derrière un muret, son chapeau sur les genoux. Il devait être blessé, sa chemise était déchirée en un endroit. L’ange fit la grimace, ces idiots de scientifiques ne faisaient donc pas plus attention à la faune qu’à leur chemise. Non, non, eux tout ce qui les intéressaient c’était les gros cailloux, pour le reste ils pouvaient bien repasser.
Il le souleva, puis il prit appui sur les épaules de l’ange. En nage, Khalaän comprit que le bonhomme avait courut jusqu’ici. S’apprêtant à rejoindre Cixi, à découvert, il s’arrêta brusquement lorsque l’archéologue pointa une cible mouvante, au loin, le doigt tremblotant. A nouveau l’ange fit la grimace, il ne s’attendait pas à devoir mettre une ruse au point à peine quelques heures après leur arrivée sur le terrain. Laissant tomber l’homme contre un nouveau mur, à proximité, il prit de la hauteur et lui fit face pour un petit interrogatoire.

« Vous êtes seul ?
– Et vous, vous êtes qui ?
– Deux aventuriers – le mot est-il correct, pour le coup penchons plutôt pour « suicidaires » – mandatés par la Tour du Savoir de Cerclon. Nous sommes à la recherche du Temple d’Ho’una.
– Vous frappez à la bonne porte.
– Nous verrons cela plus tard, Répondez à la question.
– Oui, balbutiât-il, je suis parti à la recherche de secours, mais comme vous le constatez j’en ai moi-même besoin.
– Pourquoi des secours ?
– Mon coéquipier est à l’entrée d’un sous-terrain. Visiblement, il a du se fouler la cheville en échappant aux Galets. » Information intéressante, qu’il conserva dans un coin, en espérant que Cixi, toujours en quête d’odeur familière, l’ait entendu elle aussi.
« Bien, nous verrons ce que nous pourrons faire pour lui une fois là-bas, je sortirais ma casquette de médecin.
– Une fois là-bas, hurla-t-il.
– Nous sommes à la recherche d’un temple, nous ne partirons pas avant de l’avoir trouvé et pour l’instant cet accès, c’est notre meilleure piste, à moins que ma coéquipière ne trouve mieux. Puis, vos Galets, ils foncent droit sur nous, l’entrée est donc le lieu le plus sûr. Combien sont-ils ?
– Tr … Trois, il me semble. » Etrange, habituellement, les Galets se déplacent en bande bien plus dense.
« Etonnant. Etonnant et à notre avantage. Cixi. » Il lui fit signe de la main en s’approchant d’elle. « Nous avons des invités surprises. J’espère que tu coures vite, et par hasard est-ce que tu serais en mesure de transporter un poids mort d’une cinquantaine de kilos tout mouillé ? »

L’archéologue s’indigna, comment « poids mort » ‽ Son plan dépendrait totalement de la réponse de sa douce coéquipière renarde. Sa robustesse laissait présager une affirmation. Mais rien n’est jamais certain. Après tout l’assimilation renard à vitesse est assez réductrice si elle est généralisée.

Affirmatif, son intuition était donc la bonne. D’un geste de main, il balaya les doutes de la renarde, ce n’est pas qu’il soit vraiment certain de la réussite de son action mais à quoi bon transmettre son hésitation. Avant qu’elle ne file il prit un peu de hauteur pour observer sa trajectoire. Il n’imaginait pas qu’elle « file » si rapidement. Il sourcilla un instant, se grattant le menton avec une légère frustration. Son œil finit par se tourner – assez rapidement – vers la source de ses problèmes. En présence d’un Galet, il aurait peut être envisagé la technique dite du « foncer dans le lard ». Contre trois d’entre eux, à la vue de leur taille éléphantesque, il envisagea une technique peut-être moins radicale, mais sensiblement moins dangereuse pour sa personne.

Après une rapide évaluation des distances de son environnement, dans quelques mouvements il moula trois messagers, en forme d’oisillons lumineux. Il les envoya à la guerre pour qu’il se positionne sur trois piliers. Pourquoi ? Disons qu’établir un contact entre trois piliers de la taille de trois hommes ça demande du temps. Cette façon de faire est donc bien plus rapide.
A l’arrivée des trois Galets dans le triangle, dont les sommets sont matérialisés par les piliers de pierre, ceux-ci s’illuminèrent avec force. Comme conséquence, on pouvait noter l’assombrissement des environs. Les quelques mètres entourant les piliers s’assombrirent considérablement, alors qu’un ensemble de filins se tissèrent naturellement entre les piliers, formant une cage parfaite. Cependant, maintenir plusieurs tonnes furieuses à l’aide de filets lumineux ce n’est pas une mince affaire, c’est assez éprouvant pour le physique. Il prit tout de même sur lui pour fuir dans la même direction que Cixi en courant en zigzag pour créer des remparts à mi-chemin en utilisant son don et les ruines comme support.
Ils ne furent pas de trop. A mesure que l’ange courait, il se fatiguait, à mesure qu’il se fatiguait les Galets brisaient ses câblages lumineux. Les remparts n’étaient que d’autres sources d’arrêts pour ses assaillants qui n’avaient, à vrai dire, pas l’intelligence suffisante pour contourner les obstacles – et bien heureusement pour lui. Sur le chemin, il se prit tout de même quelques projectiles issus de l’explosion des piliers par les Galets. Notamment un sur le crâne, c’est fou la force de ces bestioles et la résistance à la douleur face au danger.

A trois mètres de Cixi, il sentit le dernier de ses câbles lâcher. Comme un coup de massue dans un premier, un soulagement dans un second. Progressivement les zones sombres reprirent consistance. Passant comme une flèche devant la renarde, il lui fit signe de le suivre. L’ange la sentait un poil inquiet, pour sa personne ou à cause du danger ? Il n’aurait su le déterminer. Il ne prit pas même le risque de regarder derrière lui de crainte de se retrouver face à une pince prêt à le couper en deux.
A peine les marches délabrées descendues et d’un ton grossièrement autoritaire :

« On bouge, au moins quelques mètres.
– Mais …
– A moins que vous préféreriez voir l’entrée s’écrouler sur vous lorsque les Galets débarqueront ? »

Vraisemblablement, l’argument fait mouche immédiatement. Même l’éclopé semblait avoir trouvé une seconde jeunesse. A l’abri du danger – enfin, jusqu’à preuve du contraire – l’ange fit apparaître quelques bulles flottantes et à la luminosité diffuse, imposant une semi-pénombre bien plus agréable et suffisamment forte pour leur permettre de se voir. Malgré son endurance, il semblait fatigué par son altercation avec les Galets, tout comme sa coéquipière devait être fatiguée après sa course pesée par un blessé. Ce qui explique son impossibilité – momentanée – à créer plus de lumière. Ils auraient probablement besoin d’un petit laps de repos. Khalaän en vint finalement à considérer l’éclopé.

« Qu’est-ce qu’il vous arrive ?
– Et vous, vous avez vu votre front et votre nez.
– Une petite égratignure et un peu de surmenage, rien de grave. Faites voir votre jambe.
– Z’avez un diplôme au moins ? »

Il suffit d’un regard glacial pour que l’individu ne concède à soulever sa jambe, en gémissant à la moindre pression. Rien de bien grave. Se débrouillant avec ce qui lui tombait sous la main, il lui banda la cheville, avant de lui injecter un petit cocktail de calment qui n’agirait que localement, pour ne pas endormir son cerveau, qui pourrait bien être utile à nos deux comparses.

Spoiler:

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