Des excuses .... et plus si affinités

Prendre la poudre d’escampette de l’appartement de Kaname ne fut pas chose aisée… Les deux femmes n’étaient pas très coopératives et n’avaient aucune envie de me laisser aller seule voir le loup. Ce n’est pas que cela me déplait mais avec ces deux-là, je ne suis pas certaine qu’il m’écoute vraiment… J’ai pris le partit de filer à la caserne dans un premier temps pour vérifier si je n’avais pas affaire avec un criminel. S’excuser auprès d’un innocent, ça va. Auprès d’un criminel, il ne faut pas abuser non plus… La recherche ne donna que peu d’informations. Pas de casier mais il est venue faire une demande de recherche d’une personne disparue. Leiline Devalle, notre épicière. Vachement disparue la petite, je l’ai vue pas plus tard que ce soir… En tout cas, il n’y a pas de lien familiaux entre eux d’après le dossier, Il n’aura pas d’informations de sitôt. Un peu rassurée sur son cas, j’utilise mon badge pour rejoindre mon auberge, aussi vide que la caserne.

Je suis trop tendue pour dormir. Autant mettre à profit les quelques heures restantes pour réaliser mon entrainement quotidien. Je prends quelques instants pour nettoyer complétement mon maquillage enfilé une tenue de sport. Un couteau à la hanche et me voilà partie faire un jogging dans les rues de Northrives. Une heure de course plus tard, je m’enferme dans ma chambre pour réaliser une série d’étirement. Garder la souplesse de mes muscles et articulations est à la base de mes activités et de ma façon de combattre.

6 heures, l’heure de se préparer pour mon activité numéro une de la matinée. J’opte d’abord pour un bon bain pour me détendre et laver les traces de sueurs. Opération maquillage… Finalement, juste un rouge à lèvre rouge mat, comme hier soir. Oui, ça le fera ! Maintenant, la tenue… Pas simple du tout… J’ai tellement l’habitude de mes kimonos que m’habiller autrement est complexe… Je fais le tour de ma garde-robe… En fait, je n’ai pas vraiment le choix : soit un kimono soit ma tenue d’infiltration. Va pour un kimono bleu nuit. Ceinture bleu aussi. J’adapte un peu la tenue pour essayer de mettre un peu plus en valeurs mes formes, déjà que j’en ai pas beaucoup. Je me tourne et retourne devant le miroir pour vérifier ma tenue. Il manque un petit quelque chose… J’essaye de relever un peu mes cheveux. C’est un peu mieux… Reste à savoir comment me coiffer du coup… J’opte finalement pour un chignon coiffé-décoiffé laissant quelques mèches encadrées mon visage. Parfait ! Un couteau caché dans chaque manche, au cas où. Résultat : deux heures pour être prêtes à partir…

Le côté pratique d’être passé la caserne, c’est que j’ai toujours mon perçant. J’arrive directement au pied de l’immeuble de Gabu. Le numéro d’appartement n’était pas indiqué dans le dossier et il n’est pas indiquer non plus à l’entrée. Pas de chance… Je monte un à un les étages guettant le moindre détail pouvant indiquer son appartement. Dixième étage, bingo. Quelques poils blancs perdus devant la porte. Prête à toquer à la porte, je m’immobilise rouge comme une pivoine ! Et qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire ?! Voilà venir la panique accompagnée par une mauvaise habitude de faire les cents pas. En dix minutes, j’hésite à frapper quatre fois à la porte mais me ravise à chaque fois.

Bon, on va pas y passer la journée non-plu !


Je me jette à l’eau et toque à la porte. J’espère que je ne vais pas le réveiller.

Il ne faut pas longtemps avant que j’entende du mouvement derrière la porte. Bon point, il semble que je ne réveille pas le grand loup. Quelques instant plus tard, la porte s’ouvre en grand sur un Gabu tout sourire. A ma vue, son sourire s’agrandit et il se pose dans l’encadrement dans la porte. Il n’y a pas à dire, la première impression d’hier est la bonne. Même pris par surprise, impossible de ne pas le trouver beau. Je savais bien que j’aurais dû mettre mon kimono habituel, jaune et vert d’eau ! Ça aurait été raccord. Il me salue avec une petite lueur amusée dans les yeux après m’avoir patiemment détaillé.

Bonjour à vous Monsieur Van Derel ! Disons que j’ai employé le reste de la nuit à bon escient.

Son regard sur moi me déstabilise un peu, difficile de savoir ce qu’il voit et surtout en pense. Et surtout, ces oreilles mobiles m’hypnotisent… Je sens à nouveau la douceur du duvet sous mes doigts. Gabu me tire de mon pensée en me proposant d’entrer chez lui et de prendre un café.

Plutôt un verre d’eau, mais c’est avec plaisir.

Evitons un certain temps les autres boissons que l’eau. Et l’amertume du café ne me plaît pas vraiment. Je passe la porte et entre chez le loup. Si Kaname était là, elle dirait que je me jette dans la gueule du loup. Enfin, je n’aurai même pas eu l’occasion de m’excuser avec Moana et Kaname en guise de chaperon. Entrer comme ça chez un homme connu juste la veille me fait un effet un peu étrange. Etais-ce une bonne idée de le retrouver chez lui ? Lui qui m’a complétement transformée en une femme que je ne reconnais même pas au bal ?

Je quitte mes escarpins à l’entrée comme à mon habitude. Enfin quand j’arrive sur mes pieds… Je m’avance dans l’appartement au design clairement moderne. Je repère la cuisine ouvert sur un salon agréablement décoré. Je jette un regard un peu étonné à mon hôte, je m’attendais plutôt à une décoration d’un style plus naturel.

Vous avez un appartement fort agréable. J’ai été un peu surprise d’apprendre que vous habitiez Tern, je pensais vous trouver dans un quartier moins bétonné.

Il m’est difficile de concevoir l’idée de vivre à Tern. Les maisons sont empilées les unes sur les autres. Difficile de se sentir chez soi pour moi.

Finalement, Tern ne lui plait pas tant que ça. Ciel, l’île de ciel ? Voilà qui m’en bouche un coin, j’aurai parié plutôt sur Northrives ou Ordae. Je ne connais pas les loyers de Ciel mais si c’est comme Northrives, chaque maison est construite en or… Je n’ai même pas de maison à moi à Northrives avec mon travail de Sanctuari. Peut-être faudrait-il que je cherche vraiment aussi… Je le regarde préparer son café et mon verre d’eau. Je détourne rapidement les yeux lorsqu’il se retourne, il ne manquerait plus qu’il pense que je le reluque.

Il m’invite à m’installer confortablement sur le canapé et me tend un verre d’eau. Il s’installe à son tour et prend une gorgée de son café. Trop chaud au vu de sa grimace. Bien trop vite, il reprend son sourire habituel, presque un masque et braque son regard droit dans mes yeux. Mon cœur s’accélère et je sens le rouge monté à mes joues. Il ne faut pas qu’il me regarde comme ça ! Il me questionne sur la raison de ma venue chez lui et s’excuse de son départ précipité.

Ne vous excusez pas, c’est entièrement ma faute, bien que je vous aurez gardé toute la nuit avec plaisir, mais il est vrai que Kaname et Moana sont un peu protectrices.

J’ai dit ça moi ? Il faut vraiment qu’il arrête de me regarder comme ça. Je ne dis que des bêtises… Rouge pour de bon, je me lève d’un bon et fait une révérence à mon hôte :

Je venais pour m’excuser de mon comportement inapproprié hier au bal. Ce que j’ai fait n’était pas correct. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris et m’en excuse platement.

Je me redresse et essaye de ne pas croiser son regard. J’avais prévu tout un discours d’excuses mais j’ai perdu le fil de mes propos…

Gabu semble accepter mes excuses. Il se permet même un trait d’humour concernant ma pseudo-ivresse. Evitons de lui annoncer que j’étais pleinement consciente mais que ma conscience était partie en balade. Posant une main sur mon épaule, il me demande gentiment de ne pas m’inquiéter pour tout ça. Je lève les yeux vers lui m’apprêtant à le remercier mais mon regard croise le sien. Je reste coincé là les yeux dans les yeux tandis qu’il caresse doucement mon bras. J’entends clairement qu’il continue de parler mais mon cerveau est incapable de traiter l’information encore trop chamboulé par sa caresse.

Gabu rompt le contact visuel me permettant de retrouver un semblant de contrôle de mes réactions. Je me contente d’un simple sourire pour répondre, encore incapable d’aligner trois mots. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je n’ai jamais réagie comme ça avec d’autres hommes. Enfin, si une fois mais ce n’était pas un quasi inconnu… Il m’invite à m’assoir à côté de lui sur le canapé et essaye de changer de sujet. Je m’assoie sur le canapé de façon à me tourner vers lui, je n’aime pas ne pas me tenir face à mon interlocuteur, c’est trop impersonnel à mon goût.

Kaname et Moana ? Si seulement je savais d’où vient cette tension. Elles avaient l’air moins agressive l’une envers l’autre lorsque je suis rentrée chez moi vers trois heure. Je les retrouve toute à l’heure, elles se seront peut-être écharpée en mon absence.

Malgré tout, l’état dans lequel je vais retrouver mes deux amies me préoccupe un peu… Essayer de m’empêcher de venir voir Gabu seule les a réunies mais rien ne dit qu’elles ne se seront pas étripées après mon départ… Je prends une gorgée d’eau pendant qu’il souffle sur son café. Immédiatement, mon inconscient se met à m’imposer des images que j’essaye de refouler mais je frissonne malgré tout. J’essaye de faire comme si mon corps et mon cerveau n’étaient pas contre moi aujourd’hui et le questionne à mon tour le loup

Et vous, votre fin de soirée a-t-elle été plus agréable après tout ça ?

Des banalités affligeantes, je n’ai trouvé que ça avec mon cerveau en compote pour faire la conversation à cet homme qui brise toute mes défenses sans même s’en rendre compte. J’essaye de focalisé mon regard sur une mèche de cheveux de Gabu afin d’éviter de croiser son regard, il ne faut pas que je le laisse me perturber comme ça.

Je suis curieuse, parlez-moi un peu de vous ? D’où venez-vous, ce que vous cherchez comme travail ?

Il paraitrait que la curiosité est un vilain défaut, c’est bien dommage.

Le loup se montre très perspicace concernant Kaname et Moana. J’aimerai bien savoir aussi ce qui ne va pas entre elles… Je m’occuperai de ça toute à l’heure, elles s’expliqueront sur leur comportement commun au bal. Pour l’instant, j’ai un autre cas à traiter. Ma réaction vis-à-vis de cet homme. Pas de suite de soirée pour lui non-plus. Ces mondanités sont fatigantes pour moi aussi, je préfère le calme aux gros événements comme celui-ci.
Après avoir posé son mug, il commence à me raconter son histoire. Un monde en guerre, la fuite… Pour continuer avec un long voyage du continent. Le voyage reste une bonne façon de comprendre notre monde avant de se poser plus longuement.

Vous avez dû voir de sacrés paysages lors de vos voyages. Peut-être même avez-vous fait un passage dans mon village à l’époque.

Questionné sur sa volonté de trouver un travail, il m’énonce une vérité qui pose de nombreux problèmes. Les guérisseurs sont en sous-nombres, ils ne peuvent plus traiter la demande. Moana m’en avait parlé, un manque cruel de personnel formé…

Si jamais vous préfériez devenir Sanctuaris, ce sera avec plaisir que je vous accueillerai parmi nous. Mais, c’est vrai que les guérisseurs ont terriblement besoin d’aide.

Je regarde le loup finir son mug tandis que je reprends une petite gorgée d’eau. La question fatidique tombe. Où ais-je obtenu son adresse… Kaname s’est montré peu loquace et clairement contre l’idée que je vienne ici. L’appel à une collègue de la caserne m’a facilité l’opération de recherche.

Non, Kaname n’y est pour rien. Bien au contraire, elle voulait m’accompagner. Moana aussi d’ailleurs. Il y a peu, vous êtes venue à la caserne et avez compléter un petit dossier. Du coup, me voilà en possession de votre adresse.

Ne précisons pas que l’aide de la nouvelle m’a été nécessaire pour dompter l’ordinateur… Reste à en finir avec cette impression qu’il a de ma relation avec Kaname.

Et Kaname n’est pas ma compagne. Je pense qu’elle s’est un peu moquée de vous, Gabu. Nous sommes juste bonnes amies.

Je me souviens très bien de la situation… Kaname a clairement agi pour éloigner Gabu de moi. Encore un point à éclaircir avec elle. Cela commence à faire beaucoup de choses. Gabu continue avec ces questions en me demandant si je me suis fait belle pour Kaname. Un peu surprise par sa question, je plante mon regard dans le sien. Est-il sérieux avec cette question ? Mon instinct me dit que oui… Je suis certain que ça l’amuse de me mettre mal à l’aise comme ça… Que répondre à ça sans passé pour une folle furieuse. Finalement, mon cerveau décide sans moi comment répondre à cette pique.

Je pose délicatement mon verre sur la table-basse et me tend vers le loup. A quatre pattes sur le canapé pour avoir un bon équilibre, une main plaqué sur son torse, mon regard braqué sur le sien et nos lèvres à quelques centimètres les unes des autres, je susurre :

Que diriez-vous si je vous annonçais que c’est uniquement pour vous ? Vous voulez un secret ? Ce kimono est moucheté pour reproduire une carte céleste. Curieux ?

Je relève la tête et souffle un coup sur son oreille avant de reprendre ma place sur le canapé. Autant dire que mon inconscient n’est pas très net de me pousser à le provoquer ainsi. Avec un petit sourire à mon hôte, je prends le temps de détacher les deux fourreaux cachés dans mes manches et les poses sur la table. Rien d’étonnant que je porte des armes, je suis sanctuari quand même. Vu que j’ai aucune volonté en la présence de cet homme, autant suivre mon instinct à partir de maintenant.