Petit matou, grosses interventions

Nabi avait fait le plus gros de sa liste des courses. Un passage éclair jusqu’à chez elle pour ranger le tout puis elle se dirigea vers le dernier commerce de sa journée. Le meilleur pour la fin selon elle, l’Épicerie. Elle trépigna d’impatience d’aller à la rencontre de ce qui allait devenir son nouveau familier.

Namusu étant une ville en dehors des remparts, Nabi jugea intéressant de profiter de ce trajet retour jusqu’à l'intérieur de la capitale pour sympathiser avec lui. Elle dû demander à des passants pour trouver son chemin, les habitants et fermiers du coin furent très conciliants, bien heureusement.

Une fois à la porte du grand bâtiment en bois, elle entra dans le commerce en souriant, le son du carillon l’accueillant. Attirée par la présence de ce bel oiseau à la couleur nacrée, fièrement perché sur cette branche, elle s’approcha de lui à tâtons pour lui caresser la tête.

Aujourd’hui, journée calme et paisible à l’Épicerie. Les clients ne viennent pas trop en cette période de l’année. Le défaut c’est que notre hybride s’ennuie, vite. Ça a au moins l’avantage de lui laisser plus de temps libre pour s’occuper des enclos de ses petits - ou plus gros - locataires.

Le soleil comment à se cacher entre les collines lorsque Leiline finit la deuxième grande cage des Kasaïrs. C’est à ce moment qu’une cliente entre dans l’établissement. Au vu de sa carrure et de ses grandes ailes dans le dos, difficile de ne pas se faire remarquer par Zéphyris, toujours aux aguets.

Alors que cette dernière se rapproche, le prenant pour un animal domestique quelconque, le Mangoustan lui répond dans toute sa délicatesse et politesse habituelle.

- Bonjour à vous ! Et bienvenue à l’Épicerie. Je me présente, Zéphyris, pour vous servir.

Son aile toujours sur le torse, il lui fait part des indications qui lui ont été donné par la maîtresse des lieux.

- Je suppose que vous devez être Dame Nabi, c’est cela ? Dame Leiline m’a prévenu de votre éventuelle visite. Je la préviens de ce pas.

Comme à son habitude, il tire avec frénésie la cordelette reliant toutes les clochettes entre elles pour sonner même de l’extérieur.

Du côté de l’hybride, elle détourne l’oreille et se dirige avec entrain vers l’accueil dès lors qu’elle ai fini avec la cage des phénix. Elle entre à l’intérieur et reconnait rapidement sa cliente à qui elle adresse un très grand sourire.

- Nabi ! Comment vas tu ? Tu viens après ta journée de shopping, c’est ça ?

Dès ses premiers mots, Floyd se déplace sur le comptoir pour la rejoindre rapidement, déjà prêt à s'accrocher à son bras.

- Alors dis moi tout. Où est-ce que tu en es dans tes achats ?

La pauvre nymphe lâcha un cri fugace et recula lorsqu’elle entendit l’oiseau se mettre à parler. Elle savait que le catalogue de la femme-chat qui lui fait office de voisine était composé de spécimens rares, exotiques et étonnants, mais pas à ce point.

Elle garda ses mains sur la bouche tandis que le volatile continua sa tirade habituelle et ce n’est qu’après qu’il eut sonné les clochettes que la nymphe s’exprima à lui, faisant une courbette et rouge de honte.

- J-je … veuillez m’excusez, monsieur Zéphyris. Je n’imaginais … enfin, je ne pensais pas que vous sachiez parler. - Elle releva la tête. - Je ne voulais pas être offensante, loin de moi l’idée de …

Mais elle ne finit pas sa phrase que la gérante des lieux se présenta à elle, toujours avec cette bonne humeur qu’elle dégage naturellement. Nabi lui sourit, sa venue la sortant sans le savoir d’une situation qu’elle qualifia de très gênante.

- L-Leiline ! Oui, ça va. Merci. Ton papier m’a été très utile en tout cas. D’ailleurs, j’ai gardé les baladeurs sur moi, je pourrais ajouter ton numéro comme ça.

Et en profiter pour lui poser des questions sur leur fonctionnement au passage.

- Mais bon, vu que tu as toi même écrit cette fiche de note, tu sais pourquoi je suis ici.

Floyd s’accroche tranquille sur le bras de Leiline, déjà prêt à travailler avant qu’elle ne puisse répondre à sa cliente papillonesque, lui laissant tout de même le temps de lui adresser un geste de la tête du haut en bas.

- Je sais très bien pourquoi tu viens.

De sa main libre, la féline attrape une trousse multifonction et une pochette à titre qu’elle avait déjà soigneusement préparé et posé derrière son comptoir. Lors de leur petite discussion “salon de thé”, elle avait prit le réflexe de lui faire une liste des articles qui pourraient potentiellement intéresser la nymphe.

La trousse et la pochette était une priorité donc. Venait la question de la monture. Si Nabi devait transporter des gens pendant ses interventions, une monture à plusieurs places seraient parfaitement adaptée et dans un premier temps terrestre. Pour la monture volante, ce sera quand la femme-papillon aura plus d’argent, favorisant les titres aux montures.

La fiche de vente étant déjà préparée sur son Camitou, Leiline ouvre la petite porte du comptoir pour inviter la nymphe à la suivre dans l’arrière-boutique, le tout dans sa taquinerie habituelle.

- Si mademoiselle veut bien me suivre.

Un large sourire aux lèvres, elle engouffre sa cliente dans cet univers étrange - peuplé de diverses créatures aux multiples couleurs et cris. - qu’est son Épicerie. Elle a de visu deux montures à lui présenter. Elles arrivent d’ailleurs devant les lourdes cages de la première.

- Alors, les deux montures que tu voulais voir, le Lorfang. Magnifique félin qui s’apparente à une panthère mais qui s’avère être colossale face à son cousin. Il est tout terrain et n’est pas difficile à nourrire. Quant au deuxième.

Elle la fait venir près d’un autre imposant enclos dans laquelle d’autres gros félins paresseux se reposent tranquillement. Seul l’un d’entre eux se dirige vers la grille juste devant elles, visiblement en recherche d’affection en se frottant aux grilles.

- Et eux, ce sont les Cyliong. Ils sont comme les panthères à quelques détails près. Ils peuvent porter trois personnes au lieu de quatre ce qui est normal puisqu’ils sont plus petits, et ils sont aveugles. Mais comme tu peux le voir, ils savent très bien s’adapter grâce à leur autres sens. Ils sont virevolter plus affectueux aussi.

Trépignant intérieurement d'impatience, la nymphe accepta sans hésiter l'invitation de la Commerçante à la suivre voir tous les animaux de son magasin.

Lorsque les premières cages apparaissèrent, Nabi afficha un grand sourire, sa tête fit la girouette entre tous les enclos et les espèces qu'elle croisa. Elle s'arrêta même un petit instant sur les Renards Stellaires dont la fourrure refléta dans ses yeux pleins d'étoiles.

La petite Épicière s'éloigna mais Nabi n'eut peu de peine à la rattraper avec ses grandes jambes. Une gigantesque court s'offra à elle. Là où était fièrement exposé les montures et autres créatures aussi mystiques que mastoc.

Elle ne pipa mot pendant toutes les explications de l'hybride, s'imaginant déjà gambader dans les vertes prairies de l'Entre-Monde à dos d'une de ces merveilles félines. Mais le vrai dilemme : lequel choisir.

Après tous, les deux lui allèrent. Ils étaient adapté à son futur travail et avaient les même contraintes. Et pourtant, un seul d'entre eux porta toute son attention. Celui près des grilles.

Il était là, juste devant elle. Grognant sereinement et se frottant les babines contre les barres de fer. Elle voulu tendre sa main, même s'approcher mais les mesures de sécurité lui en empêchèrent. Elle ne fit que plonger son regard dans celui de la bête.

- Celui-là. Il est gentil ?

C'était peut-être stupide comme question. À première vue, il sembla adorable. Mais les apparences sont souvent trompeuses : Nabi en sait quelque chose.

Espièglerie ? Oui. Ça ne serait pas Leiline sinon. Elle fait appel à son plus grand jeu d'acteur dramatique et répond à Nabi.

- Lui ? Oh non. C'est une bête féroce et redoutable ! - Elle tend les bras vers l'animal, imitant des griffes avec ses doigts. - Regarde comment il est agressif. Agrougrou !

Contre toute attente, l'animal reste très calme, serein et continue de frotter affectueusement la tête contre la grille, effectuant des ronronnements plus audibles pour avoir toute l'attention des deux jeunes femmes.

- Ouais, non, je plaisante en fait. C'est certainement le plus sage et le plus câlin d'entre tous. Même quand il est ronchon, il préfère rester loin des autres pour éviter les conflits.

Elle jette un oeil sur la nymphe. Il semble que de toute évidence, elle a déjà craqué.

- Je sais ce que ça veut dire ce regard. Bien ! Je vais chercher le matériel. Il va se présenter à toi, directement. Viens avec moi, je t'expliquerai le fonctionnement des rennes et de la selle.

Ne connaissant pas le niveau de Nabi en tant que cavalière, Leiline préfère la juger au niveau zéro et lui apprendre toutes les bases. Mais une autre question lui brûle les lèvres. Elle ne se retient pas de lui poser une fois dans le sellier.

- Dis moi, tu as évoqué avoir amené tes deux baladeurs, mais tu as une idée de ce que tu vas faire du deuxième ?

Son regard bascula entre Leiline et la monture. L’ailée ne décela pas tout de suite l’ironie de la Commerçante. Mais elle vu juste : une monture d’une douceur incomparable et qui ne fera pas de mal à personne, c’était pile ce qu’il lui fallait. L’Artisan chargée d’elle l’eut bien comprit.

La nymphe réagit aussitôt lorsque cette dernière évoqua l’idée de lui faire rencontrer “au plus près” la bête pour qui elle éprouva tant d’affection. Elle suivit la femme-chat qui quitta déjà la court pour se rendre dans une sorte de sellier.

- Euh attends ! Leiline ! Tu crois vraiment que … C’est une bonne idée ? C’est la première fois que je …

Elle fut coupée aussitôt par la question un brin plus intime de l’Épicière. Les lèvres entrouvertes, Nabi haussa les sourcils et se mit à se serrer les mains nerveusement.

- Et bien … - Son regard se baissa et elle sourit timidement, se frottant le bras avec la main opposée. - J’ai pensé l’offrir au Maître de K’ien … Je l’ai rencontré récemment et … Je ne sais pas s’il en possède, alors …

Ses joues prirent une jolie nuance de rouge. Nabi ne voulait pas admettre qu’il lui avait tapé dans l’oeil et que c’était surtout pour garder contact avec lui et trouver d’autres occasions de le revoir. Elle avait tout de même peur de se faire des plans sur la comète.

- Je compte aller le voir après cette après-midi. Après avoir récupéré ma monture. Je lui offrirais à ce moment là.

La lépidoptère n’était pas du genre à parler de ça facilement. Mais c’était un bagage bien lourd dont elle n’arrivait pas à se débarrasser depuis quelque jours.

Leiline avait déjà préparé les rennes et la selle pour le Cyliong. Elle n'était cependant pas préparée elle-même à la réponse de sa cliente.

Les yeux écarquillés et tournés vers la nymphe, elle reste muette pendant ces aveux. Vu les mimiques de madame papillon, il est évident qu'elle a un faible. Elle le cache juste. Dès qu'elle a finit de viser son sac, l'hybride lui donne enfin une réponse.

- K'ien. Tu veux dire Meliel ? Le gérant de Northrives ?

Elle lâche finalement un léger rire d'étonnement. Loin d'être moqueur mais Nabi et Meliel ayant tout deux un baladeurs, elle imagine déjà la situation.

- Tu vas donner un objet qui permettra de garder contact avec Meliel, l'homme le plus bavard que je connaisse de tout l'Entre-Monde ? - La féline continue de rire doucement, donnant une tape amicale sur le bras de Nabi. - Tu n'as peur de rien toi !

Intérieurement, notre femme-chat se dit qu’heureusement, il n'y a pas de système de forfait sur les temps de communication par baladeur. K'ien aurait certainement grillé le sien en l'espace d'une seule conversation.

- Plus sérieusement, je trouve ça très mignon. Surtout qu’au vu de ta réaction, il est évident qu'il te plaît.

Une fois chargée, l’Épicière lui adresse un clin d'oeil avant de repartir jusqu'à la cage des gros lions, sans même attendre sa cliente.

Une fois dans la cour, elle dépose le matériel juste à côté de la grille et ajoute à voix haute à l'attention de la femme-papillon.

- Et c'est quand que tu compte sauter le pas avec lui ?

Nabi haussa les sourcils et son visage reprit des couleurs vives. Même si dans un premier temps, elle ne comprit pas la réaction de sa congénère à offrir un baladeur à Meliel - alors que justement, il est bavard, ça devrait donc lui plaire - elle trouva que Leiline allait vite en besognes.

- M-mais c’est quoi cette question ? Je ne le connais que depuis peu ! Bon c’est vrai qu’il est adorable, doux et gentil mais … Et puis …

Elle se retint d’en dire plus. Après tout, la féline n’était pas là pour lui faire une séance de psychanalyse. La nymphe redirigea son attention sur le Cyliong qui allait devenir

- E-enfin bref. Revenons-en à ma monture.

Elle essaya tant bien que mal de changer de conversation et de passer à autre chose tandis que la Commerçante lui expliqua les différents noeuds et attaches à connaître sur la selle. Mais les pensées de Nabi dérivièrent continuellement sur le Maître de Northrives. Les yeux au sol, elle lâcha donc complètement hors contexte.

- C’est un Maître de Miroir.

Nabi s’arracha le coeur à le dire à voix haute, mais c’était principalement sa crainte première vis à vis du bel homme aux cheveux d’argent. Elle tourna son regard inquiet vers Leiline.

- Je ne crois pas qu’il s'intéresserait à une simple fille, comme moi. Il doit préférer les femmes un peu plus influentes dans la sphère d’Entre-Monde.

Sa réaction était évidente. Bien sûr qu'il faut du temps. Mais Nabi refuse d'admettre la réalité. C'est pourquoi elle change aussitôt de conversation.

Leiline prend alors le temps de lui expliquer correctement la marche à suivre avec les outils de cavalier. Mais à peine a t-elle entamé ses explications que la nymphe lui balance un pavé dans la mare.

Les yeux grand ouverts, l'hybride observe sa cliente. Ne comprenant pas tout de suite où veut en venir la femme-papillon, elle la laisse finir son explication qui - d'après Leiline elle-même - est bien creuse de sens.

Un sourire exagéré sur la figure, la femme-chat pose une main amicale sur l'épaule de Nabi, l'invitant à se baisser à son niveau pour lui dire un secret.

- Viens là, je vais t'avouer un truc.

Elle force un peu la demoiselle à se baisser. Ce après quoi, Leiline effectue une légère tape derrière la tête de Nabi et prend une voix exagérément moralisatrice.

- Sotte ! Comment oses-tu penser de la sorte !

Devant l'incompréhension de sa camarade, la féline s'explique.

- Tu sais, ce n'est pas parce Meliel est Maître de Miroir que tu ne peux pas tenter ta chance ! Tu crois réellement que ma relation avec Corben s'est basée sur notre statut d’Artisan ?

La seule vraie expérience dont Leiline peut parler est bien évidemment celle avec son Technomage. En même temps elle n'en a pas eu d'autres …

- Moi je croyais que Corben ne serait pas intéressé à cause de mes oreilles de chat. Et bien j'ai eu totalement tort !

Sa première nuit d'amour avec lui en soit témoin.

- Ce que je veux dire par là, c'est que tu ne peux pas savoir tant que tu ne t'es pas jetée à l'eau. Tu y vas cette après-midi, non ?

Elle pose ses mains bienveillantes sur celles de son interlocutrice.

- Je n'ai qu'un conseil à te donner : reste comme tu es.

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