Roulotte de l'herboriste

Cette année, j'avais dû me mettre à penser à mes cadeaux de Noël relativement tôt, étant donné que je souhaitais en fabriquer une majeure partie moi-même. Quitte à apprendre à faire des bijoux, autant mettre ses compétences en pratique pour créer quelque chose d'entièrement personnalisé. Mais cet empressement n'avait peut-être pas été une si bonne idée. Alors que je m'affairais dans l'atelier, occupée à sertir de petites pierres de lune de façon régulière sur un bracelet d'or d'environ un demi centimètre que je destinais à une jeune femme blonde, Elliot était entré et m'avait annoncé le décès de ladite jeune femme. Je m'étais immobilisée, refusant de croire à ce qu'il venait de dire. Dans ma tête, les questions se bousculaient : Pourquoi ? Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? J'étais trop sonnée pour avoir une quelconque réaction, et l'air attristé de l'ondin me retint d'exploser. Lui-même semblait si choqué...

J'avais abandonné le bracelet, m'occupant d'autres commandes et d'autres cadeaux, mais il m'obsédais. Mes pensées revenaient toujours dessus et sur la kitsune qui aurait dû l'arborer. Alors, je le ramenais chez moi. Un soir, ne trouvant pas le sommeil, je me levais et passais la nuit dessus, finissant le sertissage des pierres de lune sur la bande dorée. C'était une création relativement simple, mais fastidieuse. L'objet fini, je l'avais de nouveau abandonné sur mon bureau, soigneusement rangé dans un écrin. Le finir m'avait semblé être la bonne chose à faire, mais maintenant, j'étais de nouveau perdu. Que devais-je en faire maintenant que sa propriétaire n'était plus ? Il me semblait proprement impensable de le proposer à la vente comme n'importe quel autre objet, mais je n'en avais pas l'utilité ici. L'offrir à Morgan ? Pour lui montrer que moi aussi, je pensais à elle ? Mais ne risquais-je pas de raviver sa peine ? Je n'osais parler de mes interrogations avec Elliot, préférant enfouir ma peine et mes questions au plus profond de moi. Quand j'en avais touché deux mots à mon père, celui-ci m'avais répondu qu'il ne pouvait pas m'aider car il estimait que cela devait être une démarche personnelle... Merci pour le coup de main ! Alors, depuis, le bracelet ne quittait pas ma poche, protégé par son écrin en attendant que je décide de son avenir. J'espérais que voir Morgan me donnerait une idée sur la démarche à suivre.

C'est dans cet état d'esprit que je me rendis jusqu'à la roulotte de l'aveugle. La plupart de mes présents ne me quittaient pas, au cas où je croiserais leur destinataire dans les rues ou à la boutique. J'avais appris l'année dernière que cela arrivait plus souvent que prévu et qu'il était plus simple d'offrir ses présents à ce moment là que de courir après les gens après.

C'est avec un peu de déception que je découvris que ce n'était pas l'aveugle qui tenait son stand. Déception que je m'empressais d'effacer de mon visage en souriant légèrement à la jeune femme ayant prit sa place que je reconnaissais vaguement :

-Bonjour ! Désolée, je m'attendais à trouver Morgan ici... Peut importe, je vais vous prendre un sachet de thé "Après la Pluie"...

Après quelques instants de silence, j'osais ajouter d'une petite voix :

-Je sais qu'il n'a pas vraiment la tête à ça en ce moment, mais vous pensez que je pourrais le croiser ? Est-ce-qu'il y a une chance qu'il passe ici ? Ou à la bijouterie ?

Je n'avais pas forcément envie de lui donner mon présent par personne interposées, aussi sympathique la jeune femme puisse être...

-Il m'a en effet dit qu'il devait passer à Rivetiel faire ses courses de Noël mais je ne sais pas quand ni à quel moment... Je suis désolé....

Je hochais la tête, tendant mon badge Pims pour régler mon achat

-En tout cas... Nous on pense à lui et on espère qu'il va se remettre. Je sais bien que je ne suis peut-être pas la plus proche de lui, mais s'il a besoin de quelque chose... Qu'il n'hésite pas... Sur ce, je dois retourner à la bijouterie moi, bonne journée à vous !

J'avais mit un peu d'entrain dans ma dernière phrase, la pauvre, je ne devais pas être la seule à réagir ainsi, et je savais bien pour l'avoir vécut que même si la réaction des clients était compréhensible, voir la déception dans leur yeux quand ils ne découvraient pas leur commerçant habituel finissait par être blessant. A bien y réfléchir, je me rappelais finalement où j'avais déjà aperçu la jeune femme : à la bijouterie durant le marché de Noël de l'année précédente, accompagnant l'aveugle pour sa commande.