Le premier compagnon!

Ordae, c'est du quartier ! Je déboulai dans les rues, entre les passants, les crieurs de rue, les chevaux et les charrettes les suivant. Un quartier animé, un quartier où je me sentais bien mieux qu'à Cerclon... J'en avais plus qu'assez des robots, des androïdes et du métal décorant la ville, bien que cela avait un charme mystérieux, je préférais la compréhension des choses qui m'entourent à la technologie. Ordae était simple, je m'y plaisais, et encore plus important que ça, je bouillonnai de joie et d'envie à l'idée de me rendre à la forge, d'avoir une nouvelle amie.

Après plusieurs égarements et le même nom d'indications données par des habitants des lieux, je me tenais devant la forge, pas de doute là-dessus cette fois-ci. De grandes cheminées dépassaient du toit, signe du labeur effectué sur le métal à l'intérieur de ces murs. Je sortis une petite surprise de ma poche, et rentrai aussitôt à l'intérieur en brandissant mon petit cadeau à Ayren : un parchemin déroulé où était indiqué "Je ne sais pas écrire, ni lire" (visiblement une blague faite par celui qui devait écrire le vrai message). Je me tins là toute fière, regardant à droite et à gauche de la pièce. Si je pouvais lui donner un point, c'était sur le rangement. Tout avait été bien aligné, on retrouvait ce qu'on voulait d'un simple coup d'œil. Enfin, je n'étais pas venue simplement pour faire quelques achats comme en témoignait (en théorie) ma pancarte de fortune. J'étais aussi là pour faire une petite inspection du travail, je voulais m'assurer que les lames présentes ici soient bien traitées, et surtout bien créées. Je donnai donc un coup sec sur la petite clochette du comptoir pour ferrer mon poisson qu'est le forgeron.

Ayren ! Coucou ! J'ai du travail pour toi ! Puis moins fort. Et quelques trucs à régler...

Finalement, pour bien soigner mon entrée, je brandis mon parchemin avec plus de hargne et de fermeté, un grand sourire aux lèvres, étant vraiment fière d'avoir autant préparé mon arrivée.

Je n'avais que peu de clients depuis que j'avais repris les rênes de la forge. Aujourd'hui commençait comme les autres jours, dans la solitude de mes travaux. Après avoir tenu la boutique quelques heures sans personne en vu j'avais décidé de retourner à l'atelier, je m'occupais de mes animaux en attendant que le temps passe.

Jusqu'à ce que la sonnette ne retentisse, je me précipitais alors dans la boutique pour y découvrir une frimousse que je connaissais bien :
- Hiryu ! Quel plaisir de te voir ! Comment vas-tu depuis le temps ?

Je jeune fille semblait en pleine forme, et elle n'était pas ici juste pour me passer le bonjour, du travail pour moi, j'avais presque oublié ce que ce mot signifiait. Je m'en réjouissais d'avance.

Elle me tendit un parchemin que je lus à voix haute :
- "Je ne sais pas écrire, ni lire". Je la regardais avant de partir en fou rire.
- Je suppose que tu as demandé à ce qu'on t'écrive un petit mot ? Je suis désolé, je crois qu'on s'est moqué de toi. D'ailleurs, as-tu commencé ton apprentissage avec Eva ?

Je lui redonnais le papier avant de passer de l'autre côté du comptoir rangeant par réflexe quelques armes déjà bien placées.
- Dis moi tout, que puis-je faire pour toi ?

Je vais bien, et toi et les affaires à la forge ?

Ayren lu le parchemin. Je compris alors que l'on s'était moqué de moi ! Mon entrée ! Mon message ! Raaaah ! Je regardai le parchemin, les yeux écarquillés un moment, essayant de comprendre. Puis, furieuse, je fis du papier une boule, appuyant bien dessus, et le lançai au sol. Je me tournai ensuite vers la porte, décidée à retrouver le farceur pour lui faire payer mon entrée ratée et cette mauvaise blague. Je ne pus faire qu'un seul pas vers la sortie, mon attention se dirigeant vers Ayren qui reprit la parole. La rage partit aussi vite qu'elle était venue... Il m'en faut vraiment peu pour changer de sujet et pour m'énerver...

Je n'ai pas encore commencé l'apprentissage... 'Faut dire que la dernière fois, je n'ai pas osé lui demander vu comme elle nous a chassé.

J'eus un petit rire, repensant alors à la mission effectuée avec le forgeron.

Et donc, oui, je suis là pour deux choses : la première, pour une arme, la seconde, pour que nous, lames, soient bien traitées ! J'ai remarqué certaines choses pendant la mission, et j'veux que tu évites de recommencer.

Je le regardai d'une mine sérieuse, faisant volte-face vers les râteliers, inspectant les armes tranquillement d'un air inquisiteur. Les gens qui donnent des cours doivent avoir l'air de savoir ce qu'ils font, non ? Donc, je faisais attention à chaque détail, marchant d'un pas assuré, me donnant ainsi l'allure d'un sergent instructeur qui inspecterait les dortoirs des soldats. En même temps, je notai les possibles armes qui m'intéresseraient, n'ayant pas vraiment d'idée particulière sur celle que je prendrai, une main ? Deux mains ? Je voulais du sérieux, ça, c'était sûr, une arme qui me changerait des couteaux que l'on me prêtait.

Il est vrai que nous n'avions pas fait long feu dans la bibliothèque à notre retour de mission. Je souris en y repensant avant d'écouter Hiryu. Une arme très bien, j'avais un large panoplie de choix. Et là voilà qui protestait pour la bon traitement des lames.

- Saches que je chouchoute mes créations, je prends soin de ne pas leur faire mal ne t'inquiète pas. Plaisantais-je. Plus sérieusement qu'est-ce qui a bien pu te chagriner ?

Je fis le tour des armes tout en l'écoutant, je réfléchissais à une arme qui pouvait lui convenir. La jeune fille était plutôt téméraire, du style à foncer dans le tas. J'avais une petite idée sur ce qui pouvait bien lui correspondre.
- Tiens regarde, que penses tu d'un Tomahawk ? Ou si tu as plus de budget un marteau à manche courte. Je pense que ça pourrait te plaire. Je sortis d'abord la petite hachette pour la lui faire tester.

- Sinon dans un autre style il y a le bras et lames courbes latérale, plus subtil, mais il te permet de te protéger l'avant bras en plus d'attaquer avec. Et si tu peux je te conseille de te protéger les parties vitales, fonçeuse comme tu sembles l'être ce ne serait pas un luxe.

Je lui montrait quelque plastron en cuir ou en métal.
- L'acier est bien plus efficace pour te protéger mais tes mouvements seront moins fluide. Si ta rapidité est un outil d'attaque je te conseille plutôt le cuir. Les dégâts sseront plus important mais pas mortel. Enfin moins que si tu ne portais rien ... Mais revenons en aux armes ... J'ouvris la vitrine contenant des armes spécifiques. Il y a bien l'épée à double lames qui pourrait te plaire, ou plus exotique l'épée fouet. Elles sont plus onéreuses, ne connaissant pas ton budget je te montre différents types d'arme et différents tarifs. Je te laisse réfléchir, si tu veux essayer la prise en main n'hésite pas. Et si tu veux quelque chose de spécial que je n'ai pas sache que je peux te le faire livrer après fabrication.

Je m'adossais au comptoir laissant la jeune aventurière réfléchir.

Je me tournai vers Ayren, levant le doigt bien haut et l'agitant comme un professeur ferait en grondant un élève.

Des noms ! Tes créations n'ont pas de noms ! Pourtant, quand on achète un animal, on lui donne un nom, non ? Alors les armes aussi ! On leur donne un nom !

Le forgeron me donnait en main un Tomahawk et commençai la présentation d'armes en tout genre pour mon achat. Je m'amusai un instant en jonglant avec la hachette, des armes de qualité en tout cas. Il était bon. Néanmoins, une hachette, c'est trop petit, ça n'impose pas et c'est un peu ridicule. Je reposai l'arme en lui faisant un "non" énergique de la tête. Je regardai ensuite les armures armées qu'il me présenta, ça, c'était une bonne idée ! Mais je ne me voyais pas manier ça, ou du moins pas comme première arme. Je repasserai sûrement pour compléter mon équipement par cet accessoire. À moi le pétage de dent en chargeant bras en avant.

Pas mal, ça ! J'y repenserai plus tard !

Ensuite, vint le tour des plastrons. Me protéger ? Quelle idée... Géniale ! J'avais totalement oublié que des armures existaient.

Et la cotte de mailles ? C'est lourd ? Une chemise en maille devrait être pas mal si c'est assez léger... Enfin, les armures, je verrai plus tard, si j'ai encore de l'argent après mon arme.

Il enchaînait encore vers d'autres armes, je faisais le tour de la boutique en à peine deux minutes. Mes yeux brillaient déjà en voyant "l'épée à double lame". Je n'attendis pas qu'il me donne la permission de l'essayer que je l'avais déjà en main à regarder sous tous les angles ce joli joujou. En un mouvement et un cliquetis sonore, une seconde lame apparut sur l'autre côté de l'arme.

Wow...

Je fis de petits mouvements, tous différents, finissant par faire tourner le manche d'une main comme un bâton de majorette pour finalement ranger la seconde lame. On peut jouer en deux lames, et en une lame?! C'est la meilleure invention de tous les temps !

Je crois que j'ai fait mon choix ! Elle m'a l'air drôle, elle ! Je marquai une pause pour réfléchir à un joli nom, deux lames, hein?... Vie et mort, ça allait bien. J'annonçai : Seitoshi ! Ma première copine ! Wouhou ! Ah... Euh... C'est combien ?

Je laissais la jeune fille tester la lame, vu son regard je compris que la double lame avait conquis son coeur.
- Elle coûte 50 Pims. Et pour en revenir aux noms des armes, donner un nom est propre à chaque personne. Je respecte les choix de mes clients. Créer un lien avec son arme permet peut-être de mieux la maîtriser, pour d'autres mes armes ne sont que des bouts d'acier mortel. Leur donner un nom doit venir du coeur et de l'utilisation que l'on veut en faire,
je ne peux donc choisir pour les propriétaires. Je ne donnerais donc pas de noms à mes créations car elles ne sont pas mienne.

Je rangeais les autres armes que j'avais sorti et fermé la vitrine des armes spécifiques.

- Si je peux te demander, que signifie Seitoshi ? Et si ça te dit, je te grave le nom de ton arme sur l'une des lames, gratuitement. Cela prenait du temps de retravailler du fer forgé, il fallait de la minutie pour y graver quoi que ce soit sans enlever la qualité au produit. En temps normal cela coûtait 15 Pims, mais je voyais bien que les conditions des lames tenaient à coeur à Hiryu, et leur donner un nom permettait de leur donner une existence, peut-être un espoir de leur donner une seconde vie, comme elle. Mais mes armes n'avaient rien de magique, rien de littéralement vivant. En y réfléchissant le but en était plutôt la mort. Je préférais le voir comme une protection, donc de sauver une vie. Mais ne nous voilons pas la face ...

- Si tu veux plus de temps pour réfléchir n'hésite pas, j'ai aussi un vieil écu si tu veux taper dedans pour tester.

Son histoire de nom était loin d'être sorti de ma tête. J'avais perdu mes deux dagues lors de notre mission, deux bout de métal ... Je me promis de me fabriquer une arme spécifique et je lui donnerai un nom.

Son point de vue était clair, même s'il me déplaisait sur le fait qu'il "cautionne" dans un sens l'utilisation d'armes comme simples outils de travail, je n'arrivais pas à trouver un argument pour contrer son discours. Je haussai donc les épaules, lâchant un timide "Mouais" pendant qu'Ayren s'afférait au rangement de sa boutique.

Seitoshi signifie "Vie et Mort" de là où je viens. Ce nom lui va bien ! Deux lames, deux utilisations : sauver et tuer. Et ouais ! C'est super sympa de le graver gratuitement, merci !

Je lui souris à pleine dent, un vrai sourire, un vrai de vrai. Je trépignai d'impatience à l'idée de me remettre au travail avec cette nouvelle amie. M'ayant présenté un écu, je dégainai les deux lames du fourreau puis enchaînai les coups un par un, des coups rapides faisant mouche. Je ricanai bêtement durant mes attaques répétées, puis soupirai d'aise en rangeant les lames, observant la cible toute rayée et entaillée par mes coups rapides mais peu puissants.

Pas besoin de plus de temps, Seitoshi est parfaite ! Tiens !

Je lui tendis l'arme rengainée pour qu'il s'occupe de la gravure en sautillant, le collant et le suppliant du regard de se dépêcher de la terminer. L'envie de tuer revint à la charge, il fallait que je teste cette arme. Prochaine étape : bibliothèque. Je penserai à y apprendre à lire et à écrire aussi.

Vite, vite, vite, vite ! Tu auras fini dans combien de temps ? Dans cinq minutes ? Cinq secondes ? Viiiiteuh!

"Vie et mort", c'était bien un nom juste pour une arme, surtout entre les mains de la jeune fille.

Toujours surexcitée Hiryu me pressa pour que je fasse la gravure :
- Oula, il va me falloir un peu plus de cinq minutes pour graver ce nom.
Elle allait être insupportable ...

- Tiens peux-tu me rendre service en attendant ? Je réfléchissais rapidement pour envoyer la jeune fille s'occuper pendant que je travaillerais. Peux-tu retrouver la menuisière ? Son atelier est à l'Est de la ville. Et lui donner ceci ?

Je gribouillais quelques mots sur une feuille de papier, expliquant à l'artisan que ça commande était prête, elle pourrait venir le chercher quand elle le souhaitait.
- J'en ai pour une petite heure Hiryu, alors prend ton temps. Sur quelle lame veux-tu le nom ? Main droite ou gauche ?

Je retournais dans l'arrière boutique Seitoshi en main, j'attrapais mon burin et je chauffais la pointe. Ce n'était pas forcément nécessaire mais je trouvais que le travail rendu était plus propre ainsi. Grâce à la chauffe il y avait moins d'accroche, les courbes étaient plus arrondies, les traits plus droit. Je m'installais confortablement sur mon tabouret, la lame posée sur l'enclume. J'étais dans ma bulle de concentration, et lorsque j'eus finit je vérifiais de près chaque lettre. Seitoshi. J'étais ravi du résultat, je trempais la lame dans l'eau froide pour figer le résultat. Je finis en polissant le tout légèrement, comme si ce nom avait toujours était là.

Je retournais dans la boutique trois quart d'heure plus tard, Hiryu était déjà là.
- Tu es déjà de retour, dis-je sans étonnement. Tu n'as pas eu de mal à trouver la menuisière ?

Je lui tendis l'arme pour qu'elle observe et valide le travail.
- Voilà demoiselle, j'espère que ça te plaît. Ça te fera 50 Pims.

Mission : menuisier... Acceptée ! Je pris la feuille et la rangeai dans une de mes poches, bien pliée.

Ouais, ouais, je m'en occupe.

Maintenant que la mission est acceptée, plus qu'à me dépêcher d'y aller pour retrouver Seitoshi. Enfin... C'est ce que j'aurai fais si Ayren ne m'avait pas indiqué le temps qu'il allait prendre. Je le regardai avec de grands yeux en me frappant le front.

Une heure ! T'es lent ! Et pour la lame, celle que tu veux, ça changera rien vu que les lames tourneront comme ça.

Je fis plusieurs tours sur moi-même, mimant la lame qui virevoltait dans les airs et tournait encore et encore à chaque coup. Puis tout en ricanant, je partis à l'extérieur et, prenant un caillou au passage, commençait à le lancer et à le rattraper tout en marchant. Menuisier... Menuiser... Du bois ! Des chaises et des armoires ! Je pouvais déjà recréer l'enseigne de celui-ci dans ma tête. Elle était déjà toute dessinée dans ma tête, de plus, la bâtisse devait sûrement être fait du même matériaux que celui utilisé pour travailler, c'est plus vendeur. Je me baladai donc dans les rues du quartier, prenant mon temps et finissant après bien du temps par trouver le menuisier. J'entrai, déposai le message sur le comptoir et repartis aussi vite que j'étais venu, sans dire un mot.

Plus tard, je me retrouvai dans la boutique du forgeron, où je jouais avec des couteaux, à les faire passer entre mes doigts, etc... Ayren ne prit que peu de temps avant de pointer le bout de son nez par la porte de l'atelier.

Un peu de temps de pris, mais ça va. Et Seitoshi, elle va bien ?

Il me montrait la lame et l'inscription, elle était parfaite.

Génial, merciiiii Ayren !

Je lui adressai un large sourire puis sortis mon badge pour effectuer la transaction... Et... Au revoir les 50 pims ! Je commençai déjà à partir en courant, Seitoshi sous le bras, adressant un dernier signe de la main au forgeron en passant la porte.

La joie de la jeune fille me fit chaud au cœur. Je la regardais partir en courant, quelle énergie cette Hiryu, elle semblait inépuisable.

En attendant d'autres clients je pris une feuille et un crayon, je m'installais au comptoir où je commençais à griffonner ma future arme. Mes premières dagues étant perdues en mer, peut-être trouveront-elles nouvel acquéreur parmi sirènes et autres peuples marins.

Après quelques instants de réflexion, je dessinais un cimeterre, un peu plus travaillé que ceux que j'avais confectionnais jusqu'alors. Les paroles d'Hiryu trottant encore dans mon esprit, cette arme serait la mienne, je la forgerais en lui donnant une âme et un nom. Je ne savais pas encore lequel, mais elle en aurait un.

Le temps fila sans que je ne m'en aperçoive, j'avais pris et repris le schéma de mon arme jusqu'à ce que j'en sois entièrement satisfait. Une lame bien courbe permettant de glisser sur les armures des adversaires se terminait par une pointe fine fatale lors d'un coup d'estoc. Une poignet sans garde maintenait dans sa continuité la lame, de façon harmonieuse. Il ne me resterait plus qu'à lui donner forme sous mes coups de marteau ...