Le vol du hibou

Sniff sniff...


Comme souvent, la petite créature s'était laissé guider par des odeurs alléchantes qui avaient presque littéralement capturé son attention pour l'attirer jusqu'à un village animé. Le soleil se couchait en laissant passer une lumière orange au bas du ciel sombre, recouvert de points lumineux que l'animal avait déjà tout fait pour attraper.
Il s'était faufilé dans l'ample veste noire et rigide d'un homme, sans que celui-ci s'en rendit compte.
Il ressortit de sa cachette lorsque l'odeur lui semblait au plus proche, et se vit entouré d'humains joyeux parlant et dansant maladroitement sur un sol de planches rendues puantes par le liquide qu'ils aimaient tant renverser. Il se faufila rapidement sous une table pour ne pas être remarqué, sautant sur les pieds et genoux des hommes qui réagissaient en se renvoyant mutuellement des coups de pieds. Il finit par grimper derrière une armoire pour atteindre le plafond et s'y reposa en observant avec curiosité les ébats humains.

Celui qui lui avait précédemment servi de véhicule venait de susciter l'attention du public. Caché sous son chapeau et son haut col, l'homme mystérieux fuyait vers l'entrée de la taverne, tendis qu'un autre, plus âgé, lui criait après:

- Au voleur! Attrapez-le! Reviens ici, vil gredin!

L'animal orange suivait le voleur depuis les planches du plafond, jusqu'à ce qu'il sortit de la taverne. La petite bête n'osa pas descendre tout de suite, de peur d'être repéré au milieu de toute cette agitation. Il se contenta d'observer encore les réactions des autres humains. Le vieil homme continuait de crier faiblement, sans que l'animal ne comprenne grand chose.

- S'il vous plaît! C'est un objet auquel je tiens, un petit hibou vert... Rattrapez-le, je vous en prie!

Nous venions de nous arrêter dans un petit village, et j'étais assise à une table dans une taverne, observant comme à mon habitude, la foule sans m'y mêler. Qu'est-ce-que je faisais là. Et bien, mon père avait quelque chose à faire dans ce village, et je n'avais pas loupé l'occasion pour m'éloigner de mon train train quotidien. Arrivé au village, nous nous étions séparés, chacun partant vaquer à ses occupations, j'avais pour seule consigne d'être prudente... Comme d'habitude quoi. Je fus bientôt sortie de ma contemplation distraite par des cris :

- Au voleur! Attrapez-le! Reviens ici, vil gredin !

Un homme s'enfuyait, en direction de l'entrée, tandis que le vieux baragouinait des trucs, comme quoi il tenait à son objet, etc. Il semblait réellement en détresse, et moi, j'hésitais entre deux attitudes : rester à ma place et faire comme si je n'avais rien entendu, ou essayer de rattraper le mystérieux monsieur. Je finis par me décider et me levais assez lentement, traversant la foule d'un pas normal, esquivant les danseurs un peu trop alcoolisés. Une fois à l'extérieur, je regardais la direction dans laquelle l'homme était parti. Il n'était pas encore très loin, assez pour être à portée de ma voix

-Sérieusement, tu veux pas revenir ? Quelqu'un va finir par t’attraper !

Ça ne l'arrêta bien sûr pas dans sa course, bien entendu, alors je déployais mes ailes et me lançais à sa poursuite, dans l'objectif de lui couper la route. Il commençait à zigzaguer entre les maison, et je faisais de même, presque au ras du sol. La course poursuite m'amusais, il courrait vite celui là ! Ça me changeais des canaux de Northrives. Je passais à ras de certaines personnes, les faisant râler.

-Attention où vous allez !

-Espèce de folle ! Vous avez failli me faire tomber !

Je souris, me concentrant sur celui que je devais rattraper. Normalement, je devrais pouvoir lui passer devant et lui couper la route dans 3... 2...1... Maintenant ! Je me posais devant lui brusquement.

Alors ça... C'est une scène pas très commune. J'avais posé mon campement pas très loin de ce village, j'en profitais pour m'entraîner et pour faire mon travail de commissaire de temps en temps si besoin. Faut dire qu'il y en avait pas beaucoup en garnison dans ce petit village, alors quand il y en avait un de plus, ça faisait plaisir à ses habitants.

J'étais donc venu me réapprovisionner dans la ville, lorsque je voyais cette fameuse scène. Une fille qui vole en rase-mottes au-dessus des gens, elle était sur les talons d'un type en long manteau sombre. Derrière, je pouvais entendre une voix s'élever hurlant au voleur. Bon, c'était l'un des deux devant moi et puis tout le monde sait que les méchants s'habillent en noir.

La fille se posa soudainement devant lui, donc c'était bien la gentille, hein ? Le voleur vira aussi brusquement dans une autre direction, dérapant sur le sol juste devant la femme ailée. Il partait maintenant s'engouffrer entre les maisons du village. Au moins, il était intelligent.

Eh bien, manque plus qu'une commissaire pour rejoindre la danse ! D'un mouvement, j'utilisais Sarkina et faisais apparaître mon loup cybernétique, Amarok. Puis, je me mis à courir sur sa trace en faisant un signe à la fille de me suivre.

J'te prête ça, suis moi ! Puis me tournant vers Amarok. Suis la.

Je passai à côté d'elle tout en matérialisant ma carte holographique depuis mon sac sans fond, puis lui lançai. J'avais toujours sur moi la balise de traçage GPS, elle pourrait donc me suivre sans soucis depuis les cieux ! Elle avait même Amarok avec elle si elle tentait de fuir avec ma carte. J'suis un génie, hein ?

Je m'engouffrais à mon tour entre les maisons du village, sur les talons du voleur. Hiryu, l'ange gardienne des vieux est de retour on dirait. Pas de chasse au monstre, juste des p'tits services...
Je devais vraiment m'ennuyer en fait.

Le petit animal avait compté plusieurs personnes sortant à la suite de l'humain en noir. Depuis la charpente qui lui servait de perchoir, il sauta sur la tête d'un humain, qui tomba sur le coup. La bête continua en sautant au sol, et regarda ce qu'il ce passait; seule une petite humaine aux cheveux très clairs avait suivi celui en noir, les autres semblaient avoir déjà abandonné.
Alerté par les grognements de celui qui venait de faire office d'amortisseur, l'animal orange grimpa rapidement à une gouttière, et suivit la course depuis les toits.
Un troisième humain avait rejoint la rallie. Le petit être, amusé, sautait d'un toit à l'autre. L'un des humain semblait avoir des ailes. Ils sont bizarres, ces humains. Mais elle n'y gagnait pas à le suivre dans les rues; maintenant que l'humain en noir se faufilait dans les petites ruelles, celle qui vole ferait mieux de s'élever comme l'avait fait la petite créature. Cette dernière voulu d'ailleurs rejoindre la course.

Là où l'humain en noir ne pouvait que zigzaguer, l'animal fonçait et sautait un ligne droite. Il prit même la première place. Dans l'idée d'utiliser son atout pour gagner encore plus de distance, il sauta sur un mur et se laissa glisser jusqu'au sol. Quand il aperçut l'ombre de son principal concurrent, il usa de son don;
La seconde d'après, la terreur prenait possession de tout le corps du fuyard. Ayant par malchance posé son regard sur ce qui semblait à présent être une énorme bête féroce et affamée, il rebroussa chemin, préférant de loin être attrapé par la main de l'ange que par les griffes du diable.

Au détour d'une rue anguleuse, il retomba nez-à-nez avec ses poursuivants, et les alerta d'une voix tremblante:

- Fuyez! Il y a un énorme monstre! Sauvez-vous!

En effet, du coin de la rue dépassait lentement une ombre bestiale grandissante aux griffes acérées, accompagnée de grognements sauvages. Mais ce ne fut, finalement, qu'un petit animal à la fourrure orange qui se dévoila, lâchant un cri aigu semblable à un rire. De quoi décrédibiliser le pauvre voleur.

Forcément, comme on pouvait s'y attendre, il ne s'arrêta pas hein. En même temps, je faisais pas bien peur du haut de mon 1m60. Il préféra bifurquer dans les rues les plus étroites ! Bah oui forcément ! Avec un soupir, j'allais m'y remettre quand une fille me passa devant en me lançant une carte et en me demandant de la suivre. Tout en me collant un loup robotique aux basques ! Okay, le loup on aurait pu s'en passer franchement. Je m'élevais un peu plus haut, juste au dessus des toits mais compris vite que ce n'était sûrement pas le plus pratique. Avec la nuit tombante, on n'y distinguait plus grand chose, et c'était difficile de les suivre. Je compris alors l'utilité de la carte, avec le petit point qui se déplaçait, ce qui faisait que je pouvais sans problème poursuivre ma route.

Ah, bah tiens, pourquoi il faisait demi-tour ? Je me posais juste à côté de la jeune femme, écoutant le fuyard nous annoncer qu'il y avait un monstre, qu'on ferait mieux de partir, etc... Il avait l'air d'avoir vraiment peur, mais je trouvais cela curieux qu'il soit le seul à l'avoir vu. On était au beau milieu du village, s'il y avait vraiment un "énorme monstre", d'autres gens l'auraient vu passer.

Une ombre grandissait, et je me demandais ce qui se cachait derrière. Je me tenais prête à me servir de mon pouvoir pour placer le voleur en bouclier devant moi. Quoi ? On avait parlé de le rattraper pour récupérer l'objet, pas de le ramener en un seul morceau ! Finalement, ce fut une petite boule de fourrure orange, pas bien effrayante qui apparut, et je me mis à rire :

-C'est ça votre monstre ?

Je m'accroupis et tendis ma main gauche vers l'animal, dans le cas où il essaierait une nouvelle fois de s'enfuir, je me tenais prête à utiliser mon pouvoir. J'avais vraiment pas envie de le courser une nouvelle fois surtout qu'il faisait de plus en plus noir. Je regardais tout le monde d'un air curieux, attendant de voir ce qui allait se passer

La course dans les rues du village s'écourta quand le voleur tourna brusquement dans une autre ruelle. Il en ressortit rapidement, revenant vers moi en hurlant au monstre. Monstre ? Enfin ! Du travail ! D'une pensée, Fuyu et Seitoshi me rejoignirent dans mes mains. Prête à faire face au voleur et à ce fameux monstre, je zieutai derrière moi pour voir Amarok me rejoindre et la fille ailée se poser avec nous.

Amarok, occupe toi de lui.

Je m'apprêtai à foncer vers la ruelle en voyant l'ombre utilisant mon cri de guerre "BAST-... On?"... La chose qui sortit de la rue était tout sauf monstrueuse, c'était la boule de poil de la fête de Northrives ! Tout en me demandant ce que ce trouble-fête faisait ici, j'éclatais de rire.

C'est un beau monstre, oui !

Sans lui laisser le temps de comprendre, j'ordonnai à Amarok de lui bloquer la retraite vers le machin orange, et je m'approchai du voleur.

Bon, tu rends le truc que t'as volé ? Sinon j'te plante.

L'homme en noir semblait un peu perdu, tout d'abord par la situation, mais aussi, car il ne retrouvait visiblement pas quelque chose. Il se mettait à chercher dans sa veste un peu partout, sans rien trouver. J'espérais au fond de moi que la chose qu'il cherchait était une arme et qu'il la trouverait... On s'amuserait enfin un peu !

La petite bête court à quatre pattes vers le groupe d'humains, ayant gagné la course par forfait. À la vue du chien mécanique, il saisit son pseudo-boomerang avec un grand sourire et le jette tout droit. Pas de réaction. L'animal saute pour rattraper son jouet en vol, puis approche du canidé avec un regard interrogatif. Il s'arrête devant puis, en un cri amusé, saute sur le dos du robot comme s'il était une monture. La gueule grande ouverte, le regard brillant il regarde les humains autour de lui.

Après s'être remis de sa confusion, l'humain en noir fouille ses vêtements en vain. Il pose ses mains sur ses cuisses et relève sa tête, révélant enfin ses lèvres. Après un court rire gras et sadique, il dit:

- Quel dommage... Je l'ai perdu!

Il rit encore une fois, puis continue:

- Et bien, puisque je ne peux plus rien pour vous, je vous dit au revoir!

Il recommence ensuite à marcher rapidement, voulant passer entre ses deux poursuivants comme si de rien n'était.

J'observais avec un amusement non dissimulé le petit animal qui jouait ne semblant pas vraiment saisir ce qui se passait autour de lui. Il finit par se percher sur le loup-robot tout en nous observant. Il était vraiment mignon, je ne comprenais pas comment il avait pu effrayer à ce point notre voleur. En parlant de lui, il semblerait qu'il avait perdu quelque chose. La jeune femme à côté de moi commença à le menacer, pour récupérer l'objet, je la laissais faire, elle était plus imposante que moi, surtout avec ses deux lames.

Je me désintéressais d'eux deux pour me concentrer sur la petite boule de fourrure, me demandant comment elle était arrivé là. Jusqu'à ce que j'entende l'homme parler pour nous annoncer tout en riant qu'il avait perdu l'objet. Je relevais la tête vers lui, avec un regard blasé. Il se fichait de nous là ! Et puis tranquillement, il se dirige vers nous en nous disant au revoir... Il est sérieux ? Il a vraiment cru qu'il allait partir comme ça ?

-Mais non, reste avec nous voyons !

Tout en disant ça, je fixais l'homme d'un air très sérieux et concentré, bien en face, je ne lâchais pas son regard, tout en activant mon pouvoir. Si je capte son attention, normalement, il ne devrait pas voir les fils sortir de ma main.

-A moins que ce soit pour aller t'excuser auprès de ce pauvre monsieur...

Non, je n'étais pas idiote, je savais qu'il n'avait clairement pas l'intention de faire ça, et j'en rajoutais un peu beaucoup. Mon but était qu'il garde son regard fixé sur mon visage et qu'il ne baisse surtout pas les yeux pendant 5 secondes. Si ça marchait, normalement, il devrait se fixer net, puisque j'aurais pris le contrôle de ses mouvements.

Le machin orange devait bel et bien existait pour faire n'importe quoi, ou pour se faire remarquer... Se mettre sur mon loup... Et le pire dans tout ça, c'est qu'Amarok n'avait pas l'air de réagir à ça, il se laissait faire. Un "méchant loup", hein ? On dirait une vraie peluche.

Et puis c'est pas tout, on a l'autre type qui pense s'en aller comme ça, "Oh, quel dommage, je l'ai perdu"... Nan, mais il se fout de moi le voleur low-cost ? Il pense sérieusement pouvoir passer à côté de quelqu'un qui le menace avec une arme. A ce que je saches c'est pas des jouets, et je sais pas trop mal m'en servir... J'avais tellement du mal à croire à la scène que je le regardais bêtement venir vers moi.

Nan... Mais tu te fous de moi ?..

La fille avait l'air du même avis, le retenir. Je n'avais encore rien vu de ce qu'elle faisait derrière moi, mais je faisais déjà assez de bruit pour retenir l'attention du type. Mes lames, faisant barrage et Amarok derrière qui, faisait pression en grognant, je continuais.

Cherche encore. Bizarrement, j'te crois pas.

Je soufflais, repensant à tout ce que je pourrais faire si j'étais partie prendre une mission à la bibliothèque, ou si j'étais partie dans la cambrousse pour chercher un gros monstre pour m'amuser... Ah... Qu'est-ce que je fais ici...

J'ai pas tout mon temps... Fais vite...

Pour lui montrer que je m'impatientai, j'envoyai une projection en estoc pour lui arracher un bout de vêtement à l'épaule, et par la même occasion, lui laisser une petite blessure. Cadeau de ma mauvaise humeur.

L'animal commençait déjà à s'ennuyer, sur le cabot qu'il espérait un peu plus... mobile. Après un petit rebond, comme à son habitude, sur la tête du chien mécanique, la petite créature se dirigea vers l'humain volant, qu'il se mit à escalader jusqu'à arriver à ses épaules. Peut-être cette monture se montrerait-elle plus énergique que la précédente. En voyant les longs cheveux tombants, il eut très envie de jouer à la balançoire... Mais, sachant que cela mettrait fin au rodéo, il préféra attendre de voir si l'humaine était amusante.

Le voleur, s'arrêtant dès que la lame l'avait effleuré, leva les mains en l'air.

- Oh... Si vous ne me croyez pas, vérifiez par vous-mêmes.

L'homme mystérieux se savait déjà gagnant. Sa mission était accomplie, et l'objet convoité, dans les mains du missionnaire. Il n'avait plus que le loisir d'ennuyer un peu les justiciers en herbe pour leur faire perdre du temps.
Jusqu'à ce qu'il se sente perdre le contrôle de son propre corps. Il éprouvait soudainement une certaine difficulté à se mouvoir, comme s'il avait été paralysé.

- Que... Que faites-vous?