Les plaisirs simples

En ville pour négocier les commandes d'approvisionnement du temple, Karan sentit la journée défilée plus vite qu'il ne l'espérait. Il avait perdu l'habitude de la foule ces derniers temps. L'Entre-Monde était un concentré de foule, massés les uns contre les autres pour se tenir chaud, pour se rassurer, pour espérer que l'avenir soit moins dur en regardant le toit des gratte-ciel en permanence.
Il se refusait à dormir à Tern. Les hôtels y étaient hors de prix et bien trop cossu. Ils refusaient tous la présence de son chien d'aveugle, Sinmora, dont la taille et la robotique n'était pas à son avantage.
Il prit tardivement la route de Magna. Se fit déposer par une voiture à deux chevaux juste au devant la porte de l'Auberge Providence.
Il y entra.

L'auberge fréquentée ne se taisait plus, depuis longtemps, à l'arrivée d'un nouveau client. Il y entra en silence et sans se faire remarquer. Sa canne butta contre une ou deux chaussures et la vue de ses yeux éteints calma les ardeurs de ses victimes. Comme ça il se traça un chemin jusqu'au comptoir.
L'aubergiste l'accueillit de mots vagues et lui céda une chambre.

- Elle ne sera pas prête avant deux bonnes heures tout mon personnel est en salle à cet'heure-ci.

- De toute manière je dîne ici, si vous avez une place de libre.

L'aubergiste appela une serveur qui devait lui indiquer une place disponible à une table presque bondée. Karan s'y dirigea du bout de sa canne d'aveugle, guidé par un garçon de salle pressé.
La seule place encore libre de toute la salle était face à lui. Puisqu'il n'y avait personne de ce côté. Karan fit se coucher Sin à ses pieds.

J'avais passée l'après-midi a suivre un braconnier a cause d'une créature, semblable a un Alvatora, qu'il transportait dans une petite cage. il était entré dans l'Auberge Providence depuis près d'une heure et n'en était toujours pas ressorti, peut être était-ce la qu'il devait retrouver son ou ses clients? j'entrais quelques minutes plus tard et mon désarroi ne fit que grandir, la salle était bondée, tout ce beau-monde formant un exemple farpait du melting pot qu'est l'entre-monde.

Le pauvre serveur qui vient a ma rencontre a l'air excédé, il me demanda si je veut manger ou avoir une chambre et c'est a sa question que je réalise être affamée. Il me conduit désigne une place a une table bondée, ajoutant qu'il arriverait dans la minute pour prendre la commande. je me dirige vers la table, la seule place qu'il reste est en face d'un homme aux yeux éteints.

Excusez-moi! cette place est elle prise?

Attendant sa réponse, je scrute la salle a la recherche du braconnier ou d'un rassemblement suspect, autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Mes yeux reviennent sur l'homme assis face a moi.

Vous savez ce qu'il y a au menu?

Les yeux de Karan n'expriment rien et pourtant il lève son regard vers elle. Une rétine blanche, fumeuse, accompagnée d'un léger sourire.

-C'est bien la seule place de libre dans l'auberge alors, je vous en prie.

Il appela son loup et l'animal se redressa. Curieux de savoir à qui il cédait sa place, alors il pressa sa truffe contre les jambes de la jeune femme et vint s'asseoir près de son maitre. Karan était obilgé d'insister car la curiosité de l'animal le rendait téméraire.
Elle lui parle du menu. Il la laisse prendre place.

-Je ne sais pas s'ils ont un menu... En voyez-vous sur la table ?

Il tâtonna et ne trouva rien de solide posé sur la table. Une salière et une poivrière se renversaient sur le côté et laissaient échapper un peu de leur contenant.

-Je sais où est le sel maintenant.

Quelque chose de froid et humide s'appuya contre mes jambes, me renifla, jetant un œil en biais, je fus rassurée de voir qu'il ne s'agissait, du compagnon de mon hôte, une belle bête, un loup et obéissant par dessus tout. n'était ce pas censé être un animal sauvage... ils devaient avoir vécus nombres d'aventures pour qu'il aient un tel lien.

L'homme tâtonnant la table a la recherche d'un hypothétique menu, faillit plonger les doigts dans un bol de soupe brulant, mais propriétaire de la soupe attrapa son bol a la volée et engloutit le liquide d'une traite, sans même nous regarder continuant de discuter avec ses alliés. il y avait encore du mouvement en face de moi, en y reportant mon attention, je parvint a attraper salière et poivrière, tout comme la main de l'homme aux yeux éteins.

Laissez moi vous aider pour ce soir? je suis un peu maladroite mais j'y vois clair et puis ça ne me dérange en aucun cas

le serveur passa et posa devant nous un pichet d'eau un panier de pain et deux soupe pour nous faire patienter, le temps qu'il nous ramène de quoi nous sustenter.

-Vos yeux ne sont pas de refus, je ne suis pas encore habitué à cet endroit.

Il pourrait y voir, presque aussi clair que la jeune femme, mais comme toujours, il se laissait aller à un moment de volonté. Il mettait son don en sourdine. Le prêtre avait eu une journée chargée, ses yeux pour autant qu'ils étaient censés être éteints le brûlaient quand même. Un comble pour un aveugle... C'est pour ça qu'il ne leur en demandait pas trop. Sin était là pour effectuer les tâches trop complexes pour son maitre. et maintenant il avait aussi la jeune femme face à lui.

-Je me nomme Karan. Puis-je vous demander votre nom ?

Même dans Magna, il n'était pas mécontent de rencontrer quelqu'un d'agréable. Dîner seul n'était jamais d'un bien grand mal, mais dîner avec de la compagnie ça le changeait. Une compagnie qui parle aussi... Au temple, sa petite assistante timorée ne prononçait quasiment pas un mot, encore moins lorsqu'ils mangeaient. Leurs échanges étaient amicales et juste pratique.
Il se sentait un peu rouillé, serrer la main, se présenter, sourire et faire bonne figure. Depuis le temps ... Le vieux soldat, l'ancien dieu, ces deux hommes là revenaient facilement à la charge. Par chance, il y avait une petite voix dans son coeur qui trouvait cette femme agréable à l'oreille. Une autre qui s'en méfiait et bien d'autres encore qui avaient toute un avis différent sur la question. Sept vies se posant des questions au milieu du quartier du crime.
Karan pensa qu'un livre serait amusant à écrire, il n'y avait pas de quoi s'ennuyer dans l'Entre-Monde.