Enchantements et Golémancie 2

Après les quelques heures - le Vandavel était heureusement très proche de la capitale - de voyage nécessaires pour regarder la Ville, puis prendre les transports pour arriver à Northrive - Fichue limitation technologique, nous arrivions enfin chez l'Alchimiste, avec qui j'avais échangé quelques brins de causette.

Richye remplaçait donc l'ancien Alchimiste. Je ne me rappelais même plus que ce job existait. J'envoyais Sash' généralement et la demoiselle n'était pas en état de quoi que ce soit qui s'apparente à un dialogue constructif.

Il fallait vraiment que je me trouve le numéro de ce Sanctuari avec qui elle avait décidé de s'enticher.
J'avais eu une sacrée frousse la première fois qu'il s'était présenté. Alors, de savoir qu'il était devenu sans vraiment choisir le mâle de Sash', ça m'avait glacé le sang.

Il y avait des types assez fous pour draguer ma timonière...


Mais trêves de blabla. Richye m'indiquait la porte et j'entrais, le remerciant d'un hochement de tête.
Mon sac sans fond sous le bras, je gardais une pose marchande pour commencer la vraie raison de ma présence ici.

- Bien. Vous aviez commencé à m'expliquer ce que vous désiriez dans la voiture. Et vous aviez parlé d'un livre comportant une notion de ma profession... En quoi puis-je finalement vous être utile, mon cher confrère Artisan ?

Le trajet du Vandavel à Elantra était agréable. C'était la première fois que je prenais place dans une voiture volante. La sensation était plutôt grisante.

Une fois redescendu en ville, et après les heures de transports dans Northrive, nous arrivions enfin à la tour (Je devrais penser à demander l'installation d'une plate-forme Perçant dans la salle d'attente, dans l'entrée).

Pressentant que la discussion allait être longue, j'invitais le technomage à s'installer dans un des fauteuils du salon.

- À vrai dire, j'ai plusieurs raisons pour venir requérir votre aide : j'aimerais faire enchanter mon armure pour renforcer la solidité du cuir, j'aurais aussi besoin d'un de vos coffres à pattes. J'ai bien un casier dans mon Sarkina que je peux déployer à loisir, mais en situation de crise, je pense que ce n'est pas assez pratique. Et enfin, j'aimerais vous partager ceci...

Je tendis l'ouvrage à Corben.

- Parmi les traités de recherche que contiennent les étagères de la bibliothèque à l'étage, j'ai trouvé celui-ci. Un des alchimistes ayant fait office ici se serait penché sur la golémancie, et sur une méthode alternative pour réussir à en créer un. Seulement, la moitié de l'ouvrage m'est incompréhensible, et le seul indice était le mot "technomage" inscrit en bas de dernière page. Vous avez une idée sur le sujet ?

J'appréciais le style du lieu de travail de l'alchimiste. Il faudrait que je réfléchisse à l'idée d’incorporer des plantes au Vandavel. L'impact carbone des moteurs était le grand point à améliorer ces derniers temps.

Je posais la petite mallette que j'avais sorti du coffre et l'ouvrais devant moi en y plongeant littéralement une main dedans. J'en ressortais un calepin, un lecteur de carte PIMs, un service complet de porcelaine, une lame enchanté, une bouée qui à peine sortie commençait à se gonfler, une grappe de raisin et un petit sac avant de trouver ce que je désirais : un carnet de bons de commandes. Je rangeais tout prestement, gardant le calepin et les bons avant de refermer ma mallette.

- Concernant votre coffre à patte, je vais vous noter l'achat sur la commande de votre enchantement. Vous n'aurez qu'à venir le choisir quand ma timonière sera plus à même de recevoir des clients.

Je prenais le livre doucement, et feuilletais les quelques pages avant de tomber sur l'indication manuscrite.
Fronçant les sourcils, je relisais l'entièreté du chapitre.

- C'est... étrange. Mes capacités de Technomages ont été dictées par les Huits. Je ne peux pas créer la vie. Ni enchanter dessus. L'ancien alchimiste aurait-il eu une idée pour contourner cette interdiction ? Si c'est ça, c'est révolutionnaire- attendez.

Je reconnaissais l'écriture griffée des annotations de l'ouvrage que je tenais. Celle de celui que je remplaçais. Rainer, encore lui, avait lui aussi travaillé avec le précédent alchimiste ? Comme quoi, nos boulots étaient étroitement liées depuis un bon paquet de temps.

- Je reconnais l'écriture. C'est celle de Rainer, l'ancien Technomage. Un génie de la technomagie, mais un brin dérangé. Il utilisait son sang pour enchanter les objets. Vous avez d'autres livres traitant de ce sujet ? Il faudrait réussir à retracer le cheminement de pensée de nos prédécesseurs respectifs, parce que personnellement je n'ai même jamais pensé à la... Golémancie.

Je vis Corben sortir de sa mallette tout un arsenal d'objets hétéroclites sans pouvoir déterminer comment autant d'objets pouvaient tenir dans un si petit espace. La technomagie avait vraiment quelque chose de mystique.
Moi qui vient d'un monde où la magie était si ténue que l'on en disait d'elle qu'elle n'existait pas, déjà l'Entre-Monde recelait toujours plus de fascination, et ce genre de prouesses encore plus. Sans parler du fait que l'alchimie ici est d'un tout autre niveau que ce que j'ai pu apprendre dans mon monde natal.

Le technomage prit ma commande, et lu avec attention l'ouvrage que je lui avait présenté plus tôt. Il me parla alors des limitations de son pouvoir par les déités régnant ici.

- De même, l'alchimie ne permet pas de cristalliser la vie. D'autant qu'elle est régie par une loi d'équilibre : je ne peux pas créer à partir de rien.

Il interrompit sa réflexion. Il me donna ensuite un nom : Rainer, l'ancien technomage.

- Je ne suis pas certain d'avoir d'autres de ces ouvrages, mais ça ne coûte rien de regarder.
Suivez-moi.

Je guidais mon invité à travers le salon, et le menais à l'étage, où se trouve la bibliothèque. Je montrais le rayonnage d'où provenait le livre.

- Bon, il va falloir trier et bouquiner un peu...

Le temps défilait, à trier et parcourir des ouvrages, traités alchimiques, et autres livres...

Au détour d'une énième bibliothèque vidée, je me pinçais l'arrête du nez, soupirant de frustration. Richye et moi feuilletions des ouvrages depuis maintenant plus de 3 heures. La liste d'ouvrage concernant la golémancie s'avérait encore moins longue que prévue, mais les informations qui s'en rapportait étaient de l'ordre du risible.

Trois annotations griffonnées, un vague paragraphe et des schémas recueillis sur une demi-douzaine de livres.
Voila en quoi se résumait les connaissances dans le domaine.

J'ai l'impression de devoir déchiffrer tout un pan d'une civilisation disparue avec une simple brochure touristique... Les Huits ont bien fait leur boulot.

D'après un recoupage rapide, nous étions à peu près sûrs que la golémancie nécessitait l'action conjointe de l'alchimie et de la technomagie, mais comment ? Je hélais mon confrère.

- De la chance de votre coté, mon cher ? Ici, à part un schéma de ce que je comprends être une représentation d'un golem de fer...

Rien sur la façon de détourner les regles, ni sur les formules utilisées... Je soupirais en m'écroulant dans un des fauteuils.

- Je finis par me dire que nous aurions plus vite fait de recréer une nouvelle science de A à Z plutôt que d'essayer de trouver un sens à ce capharnaüm... J'ai même essayé un enchantement de déchiffrage en me disant que Rainer aurait pu cacher des infos dans les bouquins, mais...

Je me massais les paupières, me concentrant pour essayer de trouver un début de réponse.

- Bon nous savons que nous devont travailler de concert. Les schémas semblent indiquer l'utilisation d'objets basiques, et je comprends plus ou moins la série de formules mathémagiques. Mais je ne comprends pas comment cela peut amener au golem... C'est comme utiliser Pythagore pour résoudre une équation au 3e degré...

Étagère après étagère, nous les vidions d'ouvrages, à la recherche du moindre indice, de la moindre bribe d'information à propos de cette méthode perdue... Il fallait tout déchiffrer, tout recouper, tout rassembler, dans l'espoir infime de parvenir à une solution...

- Nos prédécesseurs ne nous ont pas facilité la tâche pour le coup... J'imagine qu'ils ne voulaient pas forcément ébruiter ce secret, surtout si les Huits n'étaient pas trop en accord sur ce point.

Les informations étaient infimes, dispersées, quelques runes par ci, quelques tracés par là...

- Les informations sont très disséminées à travers les ouvrages. Sûrement le fruit d'essais infructueux et de tâtonnements.

J'aurais aimé avoir plus d'informations sur la manière dont cette idée a germée dans leurs esprits, et comment ils sont parvenu à ce résultat.

- D'à ce que je vois, un cercle alchimique est aussi nécessaire, mais je n'ai aucun dessin définitif montrant le cercle lui-même. Je n'ai qu'une partie des symboles, et je n'ai pas leur disposition.

Des informations que j'ai pu extraire, il fallait le symbole de la création, du feu, de l'eau, le sel, et le soufre.

- J'ai bien les symboles du cercle, mais aucun des livres n'apportait plus d'indices sur la composition du cercle. Mais ça doit aussi faire partie de la formule mathémagique. Je peux voir le dessin du golem ?

Je tendais les dessins à mon collègue et fermais les yeux, soupirant de contrariété. Heureusement, le calme de la pièce jurait furieusement avec le chaos du Vandavel.
Je jalousais un peu l'ambiance posée de la Tour, même si je n'aurais troqué mon vaisseau pour rien au monde.

Je m'arrêtais au beau milieu d'un mouvement pour me redresser dans le fauteuil

- Une minute... Les Huits ont toujours interdits l'utilisation de la Technomagie pour créer la vie... Alors...

Je me levais d'un bond, faisant voler papiers et livres. Je me précipitais vers ma mallette, et plongeais presque littéralement dedans, la moité de mon bras s'enfonçant dans l'attach-et-caisse. Je marmonnais pour moi même sans prendre compte des regards que pouvait me lancer l'Alchimiste.

- Avoir la solution devant les yeux et ne rien vouloir y voir... L'âge commence déjà à te peser Corben ? Allez, capitaine, je sais que vous êtes au repos, mais – aHA !

Je sortais avec un sourire de victoire une petite figurine de plomb et la présentais à mon compagnon

- Permettez moi de vous présenter le capitaine Stawis Galand, 5e régiment, collection complète des représentations des grandes batailles du monde natal de Rainer. Capitaine, voici l'Alchimiste... Vous savez, je viens de me rendre compte que je ne vous ai pas encore demandé votre nom... Je suis Corben Krayt.

Je tendais une main amicale, et reprenais mes explications.

- Le Capitaine Galand a été... Crée par Rainer, ainsi que la plupart de son régiment. Mon prédécesseur au aussi crée un sacré paquet de bestioles plus ou moins utiles, comme le pouple-cravate qui me sert désormais de gréement, le heurtoir parlant qui décore ma porte d'entrée ou bien encore Helen, l'ancien gardienne de l'Antre. Pas vraiment vivants car restés objets, mais suffisamment pour être conscients. Si les Huits avaient limité la Technomagie, comment mon service d'ordre peut-il être en vie ?

Le capitaine prit alors la parole, de sa voix trop grave pour un si petit corps.

- Notre compagnie à vu le jour dans la maison de feu Sir Rainer, Soldat. Je n'ai malheureusement pas idée de comment notre créateur nous à amené dans ce monde, mais avant que vous ne preniez la voie des airs, nous avons vécu toute notre vie dans les couloirs maussades de cette vieille maison abandonnée dans les marais.

Je lançais un regard à mon estimé collègue, un brin déboussolé.

- Nous aurons peut-être des indices dans l'Antre... Je ne pensais pas un jour vouloir y remettre les pieds... Je peux aller jeter un œil pendant que vous continuez d'étudier les schémas et notes...

Après la compilation des indices disséminés ici et là dans les ouvrages, un schéma commençait à se dessiner, mais il manquait tellement de pièces... Beaucoup trop de pièces.
Mais le Technomage eut un sursaut d'inspiration, ce qui me fit me relever d'un bond. J'observais en silence l'homme devant moi quasiment plongé dans sa mallette (beaucoup trop fine d'ailleurs pour contenir son bras, elle devait être enchantée). Il en ressortit un petit soldat de plomb. Il me le présenta, et en profita pour se présenter. Et je me rappelais qu'avec tout le tumulte depuis ma venue sur le Vandavel, je ne m'étais pas présenté non plus.

- Je suis Richye Erelm.

Il me présentait tout son "service d'ordre", comme il l'aime à l'appeler.

- Ce serait surprenant, en effet. Si, en premier lieu, la Technomagie ne le permettait pas, aucun d'entre eux n'aurait pu prendre vie.

Le petit soldat prit alors la parole, et décrivit son existence dans l'Antre, une maison ou vivait l'ancien Technomage. Et Corben me proposa de rester ici pendant qu'il irait parcourir ce qu'il en reste.

Je sortais mon casier métallique de mon Sarkina, pris mon armure, mon cembre et mon arbalète, et y fourra dans un coin la compilation de recherches.

- Vous pensez sincèrement que je vais rester ici, alors qu'on pourrait refaire une découverte majeures dans les sciences magiques ? Je vous accompagne.

La science, c'est encore mieux quand on va sur le terrain.

Je souriais à pleines dents. Cet alchimiste me plaisait beaucoup. Je m'étais imaginé un type un peu renfermé qui cultivait des plantes étranges dans un jardin sous serre. Au moins, lui avait l'esprit de l'aventure scientifique !

- Prenez tout ce que vous pouvez et jugez utile. L'Antre est certes sous la responsabilité de Kouen, mais ça fait maintenant plus de trois ans que personne n'a mis les pieds dans ce coin de la forêt.

Je fouillais mes poches à la recherche des clés de ma Sun. Je ne savais ps ce qu'on trouverait à l'Antre. Pour une fois, j'aurais presque apprécié la présence de Sash'. Mais vu son actuelle... indisposition, je préférais qu'elle décompresse sur autre chose que nous.

Quelques heures plus tard, nous nous envolions vers l'Est de l'Entre-Monde, à la recherche d'info dans un des lieux les plus étranges qu'avait compté le territoire.