La rencontre quotidienne (Avec Thänille Lörandhir)

C'est une journée semblable aux autres. L'air y est chaud, le vent amène l'odeur de l'océan dans les terres, les oiseaux chantent et volent, les nuages dessinent de jolies silhouettes. Ayvis quitte la ville d'un pas rapide, un peu en retard sur son planning du jour. La dragonne déambule dans les rues entre les passants toujours aussi originaux, prenant la route de la sortie de la ville, l'amenant à la surface, au sommet de la falaise. Elle observe le ciel et les oiseaux, s'enfonçant dans les arbres de l'île des perroquets en direction du lieu d'observation de son "oiseau" favori : un petit ange.

Plus tard, au Nord de Duguay.

La femme arrive donc au lieu de son rendez-vous quotidien après une vingtaine de minutes à pied. Elle s'assoit dans l'herbe à l'ombre d'un arbre, posant sa tête et son dos contre le tronc de celui-ci. La dragonne, observe ainsi l'endroit dans cette ambiance si tranquille, le silence seulement perturbé par la chanson des oiseaux et par le murmure du vent, soufflant dans ses cheveux. Elle sourit paisiblement, sortant un petit calepin d'une besace en cuir vieilli. Sur celui-ci, on observe de nombreux croquis et esquisse tout réalisés au fusain. Ils représentent des oiseaux, des paysages, des personnes, tous agrémentés de quelques notes. Elle prend son temps, tournant la tête à droite à gauche, caressant du bout de ses doigts l'herbe ondulante au vent, attendant comme chaque jour l'arrivée de la fillette. Elle murmure alors, parlant à elle-même de sa voix douce, d'un ton maternelle.

"J'espère que ce contretemps à la boutique ne m'a pas empêché d'être tout de même à l'heure... Rater le vol d'aujourd'hui serait vraiment contrariant."

Tous les jours, c'était la même chose. On se lève à 7 heure du matin, on se prépare, on s'habille rapidement dans sa tenue et on se prépare pour le service, qui commence à 8 heure et se finit à midi.
Les clients étaient toujours les mêmes, elle n'avait jamais vu de nouvelles têtes dans ce bar depuis des décennies. La petite vingtaine d'habitués venait tous les jours pour prendre toujours la même boisson ayant un goût poivré, la boisson immonde par excellence. Pourtant, ils aimaient ça et c'est tout ce qu'ils demandaient.
Thänille était donc l'unique serveuse qui remplissait à merveille le travail que son père lui donnait. Elle ne gagnait pas un sous, bien qu'elle 4 heures par jour, mais elle se considérait plutôt comme une esclave. Pourtant, elle se contentait de ça, s'échappant dans son monde utopique dès qu'elle en avait l'occasion. Si bien que son père la reprenait plusieurs fois en train de rêvasser durant le service, et elle se faisait gronder.
Le premier gong avait sonné, le premier des douze qui annonçait sa libération. Elle était contente, elle était enfin libre, pour la journée en tout cas.



Elle marchait maintenant depuis 20 minutes en ligne droite. Pour aller où, elle le savait très bien. Son petit coin de paradis qu'elle avait trouvé quelques années auparavant. L'endroit était magnifique, au milieu d'une petite clairière d'une cinquantaine de mètre se trouvait un lac peu profond. Ce lac n'avait pas une couleur normale, elle le considérait comme :magique. Avec le temps, sa couleur bleuté s'était transformée en une couleur rose pâle, ce qui rendait l'endroit magnifique. Elle trouvait aussi de nombreux petits oiseaux rares qui venaient la retrouver dès qu'ils le pouvaient. C'était des oiseaux qu'elle avait appris à aimer, des amis. Elle en avait libérés certains de leurs cages au cours de ses expéditions et ils la suivaient toujours, comme pour montrer leur signe de respect éternel. Ses deux amis loups n'étaient pas là aujourd'hui, bien qu'ils venaient normalement tous les jours pour se désaltérer dans le courant d'une onde pure.
Le soleil se reflétait durant des heures sur l'eau immaculée du lac, même s'il était caché par les nuages, la magie du lieu faisait qu'il était toujours présent et que c'était d'une magnifique beauté. Elle profitait des temps calmes pour se baigner aussi dans le lac, elle savait que personne ne viendrait l'importuné puisqu'elle sentait toujours l'aura bienfaisante autour d'elle, et elle avait compris qu'il fallait lui faire confiance.
Bien sûr, elle ne loupait pour rien au monde son entrainement journalier de vol. Déployant ses ailes avec délicatesse, elle commença à décoller lentement, mais sûrement. Lorsqu'elle était quelques mètres au dessus du sol, elle devait battre des ailes de plus en plus vite afin de contrer la puissance du vent. Elle essayait de suivre les exemples que lui montrait les oiseaux, elle avait l'impression de dialoguer avec eux, réellement, une fois dans les airs. Cependant, en regardant avec un petit peu trop d'insistance un petit oiseau qu'elle n'avait jamais vu auparavant, elle fit une grosse chute de plusieurs mètres et se retrouva par terre.
Mais elle n'avait jamais mal, elle avait l'impression que l'aura la protégeait, peut être était ce le cas, elle ne le savait pas. Un jour, elle se déciderait à aller chercher la personne causant cet aura et peut être, qu'elle aurait une nouvelle amie. Mais ce jour n'était pas venu d'après elle. Bien qu'il était assez proche pour les esprits.

Ayvis relève la tête, observant l'enfant approcher, déployant ses ailes et s'envolant au-dessus du lac. Elle la regarde d'un air quasi-euphorique, si heureuse de cette scène, applaudissant en la voyant se diriger d'un côté et de l'autre du lac de quelques coups d'aile. La dragonne se sent apaiser devant ce spectacle où même les oiseaux s'y joignent. Elle la couvre d'encouragements en murmurant : "aller ma petite ! ", "la prochaine est la bonne", et tout un tas de phrases motivantes que l'ange ne peut entendre.

À chaque chute, c'est un pincement au cœur pour Ayvis qui se lève brusquement, se rasseyant par la suite en observant cet air enfantin toujours présent sur la frimousse de la fille. Enfin, la chute d'aujourd'hui la fit plus réagir que d'autres fois, est-ce par la distance du sol et de l'enfant ailée ? Est-ce à cause d'un autre événement, un des oiseaux présents ? Tant de questions pour au final un acte, celui de l'approche de la dragonne. La Dame laisse tomber son calepin, pose sa besace et accoure vers la jeune fille. Elle lève les yeux au ciel en souriant, puis redescend le regard vers elle, l'air inquiet et bienveillant. Un regard d'une mère ayant vu sa fille se blesser.

"C-Comment vas-tu mon enfant ? Rien de casser ? Tu m'as fait peur cette fois-ci... Je ne pensais pas que tu tomberais de si haut... Je m'en veux de ne pas avoir su avant que cela n'arrive..."

Alors qu'elle était encore par terre, en train d'enlever les feuilles qui s'étaient accrochées à ses cheveux blancs, et grattant la terre séchée qui s'était collée à son visage, elle vit approcher une magnifique jeune femme, la femme. On aurait dit un ange venant d'un autre monde, pourtant, elle n'avait pas d'ailes mais deux imposantes cornes blanches situées de part et d'autres du front. Elle n'avait jamais vu quelqu'un avec autant d'élégance, quelqu'un d'aussi beau. Elle était bouche-bée et n'osa parler.
C'est alors que la jeune femme prit la parole, sa voix était si mélodieuse, attendrissante, elle avait l'impression que la jeune femme la connaissait depuis des années.
Elle remarqua qu'elle se fit appeler "mon enfant", comme si l'inconnue qu'elle venait de rencontrer se comportait comme sa mère. Peut être était ce la mère qu'elle voulait depuis toute petite.
En demandant si elle n'avait rien de casser, la jeune femme posa sa main sur l'épaule de Thänille. Aussitôt, elle ressentit un arc électrique traverser son corps et elle comprit, c'était elle dont émanait l'aura, l'aura qu'elle attendait depuis si longtemps. Son aura était si puissante qu'elle fut pulvérisée et oublia tout, même la parole.
Elle comprit qu'elle se faisait épiée depuis longtemps lorsque son interlocuteur employa "Cette fois-ci", elle se demandait dans sa tête depuis combien de temps exactement.
Les deux phrases qu'elle dit ensuite montrèrent bien son côté protecteur, comme une mère prenant soin de sa fille afin qu'elle ne se fasse pas mal.
Elle lui répondit brièvement, par peur et soumission, qu'elle allait très bien et que rien ne s'était cassé. Sa voix tremblait lorsqu'elle demanda depuis combien temps est ce qu'elle la regardait et comment cette jeune femme s'appelait. Elle s'attendait à un nom plein de bons signes, elle l'espérait.

Le visage d'Ayvis s'illumine lorsque la fille lui annonce qu'elle va pour le mieux. Ses yeux commencent à pétiller, inspirant la douceur de ses propos et de sa manière de se comporter, sur sa bouche se dessine un mignon petit sourire. Elle s'agenouille afin de se mettre à la hauteur de la jeune fille, encore assise par terre, l'aidant alors à retirer les feuilles, la terre et la poussière s'emmagasiner sur sa tête. Elle en profite pour lui répondre de son air gentil, époussetant l'enfant.

"Mon enfant, calmes toi, tout va bien, respires... Je m'appelle Ayvis. Ayvis Gentleheart. Et, euh.. Disons que je t'observe depuis quelque temps durant tes sessions de vols. Tu me rappelles mes débuts dans les airs... J'ai aussi voulu te protéger en venant ici, au cas où tu tomberais comme aujourd'hui... Je m'excuse de ne pas m'être présenté avant, c'est que j'imaginais que tu serais plus à l'aise en faisant abstraction de ma présence. Tu ne m'en veux pas, hein ?"

Elle ferme les yeux, souriant à pleines dents, montrant alors ses crocs terriblement... Draconiques. Ayvis se lève doucement une fois les feuilles retirées, aidant la petite à faire de même en plaçant sa main droite sur son dos et présentant sa main gauche à l'une de celles de l'ange comme appui.

"Oh! Et, cet ange a un nom?"

En voyant la gentillesse sur le visage de la femme dont elle venait d'apprendre le nom, Ayvis Gentleheart, quel beau nom. Elle répondit d'un air innocent et angélique:

"Merci, merci beaucoup de m'aider. Vous savez, vous ne m'auriez pas gênés, même en restant à mes côtés, j'aurais mis quelques temps à m'adapter, mais après, tout aurait été pour le mieux. Mais vous dites que ... je vous rappelle vos débuts dans les airs, pourtant, en vous regardant, je n'aperçois pas d'ailes ou d'autres choses qui permettent de voler. Pourrais je donc savoir, qu'est ce que vous êtes ?"

"Ah et je m'appelle Thänille Lörandhir", dit elle en se relevant lentement

Ayvis observe la petite fille si gentille, faisant tant de manières pour son âge, remerciant et remerciant.

"Thänille Lörandhir... C'est un joli nom, qui va à ravir pour une petite fille comme toi!"

Elle sourit, ses yeux s'illuminent et pétillent comme ceux d'un enfant impressionné ou trouvant quelque chose particulièrement "classe". Elle dit sur un ton fier, se pointant du doigt en bombant le torse.

"Je suis une dragonne! Une vraie de vraie!"

Puis, elle éclate de rire, se frottant la nuque.

"Enfin, bon... Je me demandais, pourquoi viens-tu seule, tes parents ne savent pas que tu possède le don de voler?"

Thänille avait l'impression de s'être fait une nouvelle amie, une première amie. Ayvis avait l'air d'être quelqu'un de confiance et elle avait déjà envie de tout dire. Pourtant, elle s'était montrée si maladroite en parlant comme cela de sa famille, mais ce n'était pas grave puisqu'elle ne la connaissait pas encore et elle apprendrait à la connaitre. Mais en attendant, elle répondit ceci:

"Une dragonne ! Wow ! Je n'en avais jamais vu ! Mais pourtant, vous n'avez pas le physique d'un dragon ? Enfin je veux dire, vous n'avez pas la forme d'un dragon, mais vous êtes sous une forme humaine. Est ce que ... c'est normal ?
Et mes parents, c'est compliqué, je ne préfère pas en parler tout de suite, c'est une histoire ... touchante. Mais je sais que je finirais pas vous en parlez puisque vous m'avez l'air vraiment gentille et j'ai envie de me confier"

Pendant qu'elle parlait, les joues de Thänille se teintaient de rouge, sûrement sa timidité qui remontait à la surface. Et parler avec quelqu'un d'aussi imposant mentalement ne faisait que renforcer ce sentiment.

Ayvis fait signe à Thänille de la suivre. Elle avance vers l'arbre où elle avait déposé ses affaires, reprenant sa besace ternie par le temps et rangeant son calepin à l'intérieur, tout en écoutant la petite fille. Elle se tourner vers l'ange, lui adressant toujours ce sourire bienveillant, cette fois-ci, posant un regard un peu inquiet sur elle.

"Pardon d'avoir parlé de ta famille... Visiblement, ça te gêne. Enfin, pour ce qui est de mon apparence humaine, c'est que... Eh bien, disons simplement qu'il m'est plus simple de me déplacer ainsi. Ma forme originelle n'a pas que des avantages, surtout en terme de... Grandeur."

La femme hoche la tête, approuvant ses propos de ce geste. Elle s'allonge dans l'herbe, à l'ombre sous ce même arbre, ne lâchant pas de ses yeux reptiliens le petit ange. La dragonne semble vraiment enjouée de la situation et de la conversation, tout heureuse de discuter avec Thänille et de pouvoir échanger comme elle a pu le faire avec d'autres, ayant la chance de partager son savoir avec l'enfant. "Une nouvelle fille", pensait-elle.

Thänille était toute excitée par cette révélation. Elle n'avait jamais vue de dragons et voulait tellement en voir, si bien qu'elle suppliait maintenant Ayvis:

"Est ce que tu peux me montrer ta forme de dragon ? Chiiiiii te plait ! J'en ai jamais vu et j'aimerais tellement en voir, les dragons ont l'air si imposants, puissants, ils imposent le respect ! Tout comme toi sous forme humaine mais ... Wouah !

Je ferais tout ce que tu veux en échange ! Promis ! Mais alors évite de détruire la clairière, elle est tellement belle !