Corbeau et croco

Spoiler:

Garder le silence fut une torture. Cette Eva était si mal lotie avec les technologies de l'Entre-Monde que c'était dur de ne pas en rire. Elle nous congédia avec les seuls mots gentils dont elle était capable en de telles circonstances. Me voilà dehors.
Deux heures de temps libre avant de se lancer dans l'aventure. Un dédale d'escaliers et d’ascenseurs m'emmenèrent au pied du rempart. Une navette remplie de voyageur accepta de me prendre en stop...
A ce rythme, l'Entre-Monde me déposa devant le café de Nouvan tout juste deux heures après. Je n'étais pas armé, mais ma sacoche calée sur mon dos contenait quelques petites choses utiles.

Morok et son insigne de sanctuari nous permis de traverser la caserne, d'une porte à une autre, jusqu'au point d'arrivée : Lazareth.
Qui n'a jamais vu de cabane dans les arbres ne saurait imaginer Lazareth.
Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais vu de maison dans les arbres.
Lazareth corrigea mon manque de culture par une explosion de nouveautés en son et lumière.

La ville entièrement bâtie dans les arbres gigotait d'une population dense.
Les lumières vacillantes baignaient la cité arboricole.
Au dessus de nos têtes l'enchevêtrement des étages de la ville, au delà encore, la cime des arbres multi-centenaires d'Ing.

-Si l'un de vous à un briquet mieux vaut qu'il ne le sorte jamais de son sac.

Mon trait d'humour introductif légendaire ritualisé, je me penchais au dessus du garde-corps pour évaluer la distance qui nous séparait du sol.

Il y avait assez de mètres cumulés pour donner le vertige.
Je préférai regarder vers le ciel.

-Puisque Eva nous a conseillé d'informer les commissaires ou sanctuaris de notre réussite et si nous commencions par leur demander des informations sur nos chimères disparues ?

J’admirais le légendaire calme et patience de la chère bibliothécaire de la tour du savoir. J’étais habitué à ses sauts d’humeurs et à ses courses poursuites contre son malheureux assistant Kip. Je me demande si ce n’était pas Kip qui avait passé une commande dans mon café, en guise de cadeau de réconfort pour les employés de la tour.

Du coup, j’étais partit directement à mon café reprendre mes quelques affaires d’aventures, comme ma tablette et mes cartes de sorts. Enfin, ceux qui marchaient encore. J’avais croisé Rémy et Espada, qui étaient overbookés au café.

- Hey Nouvan ! Tu peux pas venir nous aider ?
- Je suis désolé Rémy, j’ai accepté encore une fois une mission pour alimenter le coffre du café. Cependant …

Je commençais à utiliser l’une des applications de ma tablette : Support Spell API. Je commençais à sélectionner Rémy, Espada et Alice comme cible de l’un de mes sorts favoris : Aeria Spell. Je commençais à lancer l’une

- Emporte mon message divin, des nuages jusqu’à la terre, hoh mon messager céleste ! Viens à moi, bottes d’agilité ! Aeria Walk !

J’avais du répéter le sort trois fois, mais je n'utilisais jamais avec la même formule. C’était ça le truc bien avec mon application : il comprend tout seul le sort que je veux utiliser, même si je ne raconte pas la même chose. Une fois, j’avais lancé le sort « Je suis en retard ! J’ai pas le temps ! Le lapin court et hurle jusqu’au bout de la nuit pour sa reine du désespoir ! »

Morok et Azurée s’étaient retrouvés à mon café où je leurs servit une boisson chaude avec quelques croissants au beurre (enfin, j’avais quand même préféré donner un chausson à la viande à Morok …).

- Je vous laisse, bon courage pour aujourd’hui ! Pas de bêtises, sinon pas de dessert quand je reviendrai !
- OUI CHEF ! répondirent mes employés, en cœur et dans la joie de vivre

Je partis ensuite avec mes deux collègues en directement de Lazareth. Je trouvais la ville plaisante. Il me semble que mon fournisseur de fruits se trouve dans le coin d’ailleurs.

- Je suis d’accord avec toi Azurée. J’ai beaucoup réfléchit concernant notre affaire, et j’ai deux différentes hypothèses concernant la disparition de nos bêtes :
o Soit il y a eu un changement climatique important, et dans ce cas, les valravens ont soit migré, ou soient ils sont passés en hibernation dans une zone qu’on ne connait pas.
o Soit il y a l’intégration d’un élément perturbateur dans leur biosphère, et dans quel cas il faudra trouver les potentiels prédateurs, voire braconniers.
- Donc, si on veut poser des questions, il nous faut savoir quels ont étés la météo à différents endroits de la région, ou des rumeurs concernant des mercenaires peu fiables ou l’apparition d’une espèce de prédateur.

-Je suggère de quitter cette forêt le plus vite possible. Moins longtemps nous serons sous les arbres et moins longtemps nous serons le déjeuner potentiel d'une créature de la région.

Au sortir de la ville la forêt était noire comme un café serré. On distinguait encore les troncs et quelques racines extirpées du sol, mais au delà c'était le néant. La frondaison ne laissait échapper que de rares rayons de lumières. Bien trop peu pour y voir clair.

Cette forêt me donnait froid dans le dos.

-Si nous partons vers le sud-ouest je pense que nous échapperons à Ing dans une journée. Nous devrions voir les plateaux en soirée ou demain matin.

Je n'énonçais pas à haute voix mon espoir de dormir ailleurs qu'ici cette nuit.
Sur ma vieille carte maladroite et chiffonnée de ce territoire, non mise à l'échelle, je savais qu'après plusieurs jours de marche nous pourrions atteindre Trinity. La grande cité du bord de mer.
Ce n'était pas notre destination mais sur le retour, ce pourrait l'être. Je préférai forcer un jour de plus à travers champs pour gagner la civilisation que de faire le chemin retour jusqu'à Lazareth.

Bien sûr, cela dépendait des Valraven.

La marche entamée, les suggestions de Nouvan me revinrent en tête.

-Elles font la tailles d'un homme quasiment, ces créatures doivent être assez grandes pour ne pas craindre beaucoup de prédateurs. En plus, Eva nous aurait prévenu s'il y avait eu des intempéries ou une apparition de monstres. Surtout dans une zone agricole...

Et des braconniers laisseraient des corps derrière eux.
Ou bien il y aurait un trafic de Valraven quelque part. Mais ces créatures aussi rares soient-elles ne sont que des corbeaux et des loups. Des chimères rares ça coure les rues dans cette partie du monde.

La piste des braconniers ou du problème naturel sont toujours les plus plausibles tant que nous n'en saurons pas plus.

-Il faudra s'informer sur leur mode de vie et les endroits où ils vivaient avant de disparaitre. Vous avez prévu de quoi camper ?

Sous les arbres c'était dur à dire, mais la nuit ne tarderait pas à tomber. Avant d'être trop éloigné de la ville, peut-être était-ce le moment de vérifier que tout le monde à penser à son duvet.

Je commençais à suivre Azurée, qui semblait connaître les alentours. La forêt était à la fois magnifique et inquiétante, un peu comme si tout l’écosystème cachait quelque chose de beaucoup plus ténébreux dans les fin fonds de la forêt, plus loin encore que les racines de ces arbres chimériques. J’avais une froide admiration face à la ville.

Je commençais à tapoter sur ma tablette les données utilisateurs pour pouvoir cibler Azurée et Morok pour les prochaines missions. C’était contraignant cette magie dans l’Entre-Monde. Il me faut toujours un minimum de préparation quand je suis en groupe, afin de pouvoir lancer les sorts de soutiens sur les membres de l’équipe, un à un. Je commençais à rentrer les profils qui se limitait à un nom et une photo prise à la volée, et quelques suggestions de statistiques, basée sur ce que j’avais pu voir dans des jeux vidéos (comme la force, l’intelligence, etc.).

Azurée avait raison sur un point : Eva nous aurait informé un minimum s’il y avait eu des changements météorologiques dans une zone agricole, donc supposée surveillée. Donc, la solution la plus probable était l’apparition de braconniers. En écoutant le descriptif des valravens de mon collègue, je me suis rappelé d’un cas similaire dans mon ancien monde : les créatures chimériques ont étés exploités pour que tous les êtres humains puissent un jour utiliser la puissance de la magie, qui n’était réservés qu’à une poignée de personnes humaines et vivantes.

Mais pourquoi les valravens ? Quels sont leurs particularités ? Est-ce à cause de leur ADN qu’on leur voulait quelque chose ? Un ADN capable de fusionner deux animaux distinct pouvait intéresser les hommes de culturae Makina, c’est-à-dire des entités ayant comme source principale de vie des machines évoluées. Ou alors, on pourrait supposer qu’un alchimiste voudrait des plumes pour on ne sait quels divinations.

- J’ai pris quelques sandwiches (un peu rassis …) de mon magasin et puis c’est tout. Mon manteau me tiendra au chaud pendant la nuit.

En réalité, depuis que j’étais devenu un démon, j’avais un peu perdu ma sensibilité corporelle. Je pouvais dormir un peu n’importe comment, même assis. Dans notre marche, j’avais l’impression qu’une ombre nous suivait, mais je n’étais pas certain. C’était ma parano qui me jouait des tours ? Ou tout simplement … quelque chose qui émanait une énergie négative nous pourrissait trop marche tranquille ? Je me demandais si ce n’était pas Morok qui faisait de l’ombre.
On n’était pas assez prudent. Je commençais à tapoter ma tablette et commençait à charger un sort.

« Dit Azurée, tu sais jouer aux cartes ? On dit que le Valet de trèfle est faible face au Roi de carreau et à la Reine de cœur, mais qu’il est aidé par les bottes de l’As de pique. »

Et je murmurais « Aeria Walk » pour activer le sort.

Morok suit les deux hommes, sans véritable envie de participer à la conversation. Il n’a jamais aimé les forêts. Elles ne l’effraient pas, mais ce biotope manque cruellement d’étendues d’eau. Le crocodile est un chasseur aquatique. Pas un vulgaire renard ou un sanglier.

Il continue de marcher en grommelant quand arrive les premiers arbres « bas ». Les géants qui formaient les fondations de la ville sont derrière eux et la végétation a repris une taille plus classique. Aussi est-il souvent obligé de repousser plus ou moins sèchement les branches les plus hautes dont les deux humains n’ont même pas conscience.
Le manque de luminosité commençant à se sentir, du au soleil couchant additionné à la pénombre environnante de la forêt, le Sanctuari s’arrête à coté d’un figuier étrangleur et hèle ses compagnons.

°La nuit tombe. Ca sert à rien de jeter dans les griffes des machins qui doivent nous suivre depuis un petit moment. Le mieux, c’est de trouver un arbre comme celui-là et de s’installer dessous. Ca vous fera une protection supplémentaire si des prédateurs vous attaquent. °

Le Sanctuari a la plus grande confiance en ses muscles et ses écailles dans un combat. Mais il ne sera pas capable d’être partout, et si l’odeur de bête sauvage qui les suit depuis maintenant une heure s’avère être une meute, les deux sacs d’os derrière seront une proie de choix : plus faibles, plus légers. Moins de viande, par contre.


L’espèce des figuiers étrangleurs à cette particularité de pousser par-dessus un autre arbre, laissant mourir et pourrir le végétal précédent, alors complètement étouffé.
Subsiste alors un « arbre » creux, offrant aux voyageurs qui n’ont pas peur des toiles d’araignées et des insectes un abri au sec. Les nombreuses ramifications empêchent aussi la plupart des prédateurs d’atteindre la proie qui aurait eu l’idée de se réfugier dessous.

Après une rapide recherche, un figuier assez grand pour accueillir les deux humains en même temps retient l’œil du Charan. Suffisamment serré pour empêcher un animal sauvage de vouloir emporter un bout de jambe. Trop peu pour empêcher une hypothétique pluie de les tremper, mais ce n’était pas le problème du crocodile.
Écartant de force les branchages pour créer une ouverture, Morok dégaine son marteau et le laisse dans l’abri. Et, dans un soupir de soulagement, il se laisse tomber en avant, reprenant sa position naturelle. Les quartes pattes bien ancrées dans le sol, il s’enroule devant « l’entrée », positionnant sa gueule vers la forêt.

Si les prédateurs s’attaquent à lui, ses crocs suffiront bien. Et en plus, il a un creux.


°Si vous pouvez faire du feu, faites-en. Ca effrayera les plus couards et nous donnera une source de lumière et de chaleur. Si on nous attaque, occupez-vous de me rendre plus endurant. Je sens qu’on va pas mal marcher demain, et si je dois combattre cette nuit, quelqu’un devra porter mon marteau. C’est plus fatiguant de le porter quand je marche avec mes quatre pattes.°

Sur ce, il replonge son regard dans la pénombre grandissante de la forêt. La lune arrive à peine à percer la foisonnante canopée. Et dans le lointain, un hurlement résonne. Ah, ils veulent jouer à ça...
Morok inspire profondément et répond à l’appel de l’animal sauvage par un puissant vagissement. La forêt semble instantanément plus calme. Quelques bruissements et bruits de banches cassés résonnent toutefois encore derrière les arbres.

Ceux-là sont plus courageux. Ou n’ont plus le choix pour tenter de survivre. On verra si leur instinct de survie dépasse leur peur.

[HRP : Si vous voulez lancer une attaque de prédateurs, faites vous plaisir (ou plutôt, faites plaisir à Morok ) Pensez juste à le booster un peu, histoire qu'il ne vous enguirlande pas toute la journée d'après à cause de ses courbatures]

Nouvan parla de son manteau. Aussitôt je songeais à la nuit qui nous attendait. Il faisait froid ces jours-ci et la nuit ne nous épargnerait pas. J'avais de quoi me couvrir et les frères de la Citadelle ne craignent pas la morsure de l'hiver.
Il en allait autrement des reptiles et leur sang froid.

-Et je tiendrai chaud à Morok !

Je regrettais aussitôt de l'avoir dit à haute-voix. Il me fallait alors préciser :

-Le "guide" s'assurera que tu ne te refroidisses pas trop à la nuit tombée.

Ce fut comme ça jusqu'à la halte nocturne. Embarrassant et angoissant comme cette forêt et comme notre garde du corps.

Des monstres nous suivaient, selon le crocodile, des arbres noueux ressemblant à des toiles d'araignées parasites devaient nous servir d'abris et bien sûr, je me lançais à coeur-joie dans le but de nous faire du feu.
Je ramassais des branches et des brindilles que je tassais assez loin de Morok et de sa gueule qui me donnait froid dans le dos.
Ce reptile n'a pas un faciès rassurant.

-Je me demande ce qui me fait le plus suer dans cette forêt, toi ou les monstres qui nous entourent.

Je corrigeais :

-Nous entouraient.

Le feu se déclencha rapidement après avoir fait fonctionner plusieurs allumettes. Je me saisis de plusieurs branches épaisses que j'avais réunis là et les enfonçais dans les braises naissantes.
Avec ça, même les couards de derrière auront de quoi se défendre.
Bien que je le regrette je me compte dedans.

Ce qu'ils ne savent pas, c'est mon expérience du voyage. J'ai traversé Taehon, les plaines du centre continental, l'océan et toutes les terres qui séparaient la citadelle du premier port possédant des navires assez puissants pour la haute mer.
Des monstres il y en a eu sur tout le chemin.
Dans Ing ils étaient omniprésents. J'aurais vraiment voulu que nous quittions cette forêt une bonne fois pour toute avant la nuit. C'est dommage que nous ayons été si lent à progresser.
Je n'accuserai pas le crocodile, son arme favorite était assez puissante pour m'écraser le crâne.
Je tiens à mon crâne.

-Je dois pouvoir arranger ton endurance. Mais ce n'est pas avec moi que tu apprendras à courir.

Cette blague me semblait bien moins dangereuse dans mes pensées.

-En tout cas, nous avons du feu et un abri. J'espère que la nuit sera calme !

Hoh, le trou me semblait être une cachette agréable. C’était toujours mieux qu’une grotte au fond d’un volcan en éruption. La nature était bien conçue pour une fois. Le figuier semblait porter des fruits alléchants, mais je n’allais pas faire le test pour vérifier le bon goût de ceux-là. Il fallait se méfier des arbres.

Une fois entré dans le repaire naturel, je vis Morok passer en mode quadrupède. J’imaginais que rester en position bipède devait être éreintant pour lui. Je commençais à mettre ma capuche, pour couvrir mes oreilles et ma tête, pensant qu’il allait pleuvoir cette nuit.

Il faisait super frais ce soir, et heureusement mon manteau était là pour me protéger. Des créatures nous suivaient toujours … Je me demandais ce que ça pouvait être. La faune locale, sûrement. J’imaginais des loups ou autre chose dans le même style.

J’étais un peu surpris Azurée quand il disait « Et je tiendrai chaud à Morok ». Je ne comprenais pas qu’il parlait de ses capacités actuelles. Ainsi, j’ai pu découvrir que ses principales facultés étaient comme moi, les magies de soutien. Je me demandais s’ils étaient aussi puissants que les miens.

Mais je ne faisais pas assez confiance à la structure en bois. Je voyais Azurée s’occuper du feu/ Déjà que de faire du feu dans une structure en bois était risqué, mais en plus s’il y avait des créatures dehors, on avait des chances qu’ils nous repèrent plus vite. C’était une stratégie à double-tranchant, je dirais.

Soudainement, j’entendis des hurlements. Un hurlement d’un animal ou d’un humain en pleine crise de désespoir, jusqu’à ce que le crocodile se mette à son tour à rugir avec toute la force que possédait sa voix. J’étais plutôt admiratif, et je commençais à l’apprécier en tant que guerrier.

Mais … Je sentais quelque chose d’autre trainer dans le coin. Une ombre, comme moi. Un restant d’humain qui devait trainer dans les alentours depuis que nous avions signé notre contrat à la tour du savoir. J’entendis ensuite un sifflement d’une flute ou d’un sifflet. C’était particulièrement aïgue et désagréable.

- Ils arrivent. Je me doutais bien qu’il y avait quelqu’un qui nous suivait depuis un moment. Je pense deviner que le son de toute à l’heure était l’œuvre d’un maître des animaux. Si on en choppe un, on le garde pour notre prochain repas.

Je commençais à me préparer à me battre. Je commençais à filer un sandwich triangle à Azurée pour le rassurer en lui disant « Mange, ça te fera du bien ». Je m’étais imaginé qu’il allait prendre peur rapidement et qu’il allait se mettre au fond de la cachette.

- Morok, tu me diras quand tu voudras que je te lance un sort pour diminuer la fatigue. Je te couvre de derrière.

J’avais une soif de sang pas possible, mais il fallait que je reste calme. Il fallait pas que j’effraie mon groupe tout de suite … héhéhé ….

[HRP : Baston !]

Au son du sifflet, Morok claque nerveusement de la mâchoire. Les sons suraigus sont désagréables à l’ouïe des animaux. Malheureusement pour la meute devant, ce n’est pas un tel son qui calmera le crocodile, bien au contraire. Les vannes maladroites du maigrelet n’aidant pas à diminuer la faim et la fatigue, l’envie de sang de Morok commence à lui faire s’assécher les babines.
Il faut qu’il mange. Plus que les morceaux de pain minuscules que l’autre vairon distribue.

Le premier animal s’avance dans la lueur de la zone. Et deux choses frappent Morok.

La première, c’est que ce ne sont pas des animaux. Des Britz, ces petits trolls des forêts. Rien de bien dangereux seuls, plus coriaces en troupe. Le fait qu’ils soient forcés à avancer dans la lumière indique qu’ils sont soit domestiqués, soit esclaves. La présence d’un être au sifflet fait pencher la balance vers la seconde solution.
La deuxième chose, c’est que sur un Britz, il n’y a pas grand chose à manger. Et ça, c’est pas bon pour la faim de Morok.


°Faites gaffe à leurs griffes s’ils passent les bras à travers les branchages !°

Et c’est le dernier conseil que le Charan donne avant de commencer la bataille. Le premier Britz s’avance lentement, agitant un bâton comme arme. C’est sans compter la détente du crocodile qui se lance violement en avant, la mâchoire s’ouvrant de toute sa hauteur.
La puissante poussée fait glapir de peur le troll qui n’a à peine le temps de se rendre compte de sa situation, et les dents du Charan se referment fatalement sur le crâne nu du Britz, le broyant facilement dans un bruit peu ragoutant.
Une odeur de sang envahit les lieux, et les cris des autres opposants lancent définitivement le reste de la meute à l’assaut.
Les griffes sales ripent contre les écailles du Charan, et celui-ci fait bien attention à ne jamais présenter les parties les plus molles de son armure naturelle.
Fouettant les ennemis de sa queue, il se donne à cœur joie dans la bataille. Les dents tranchantes touchent rarement les cibles, les Britz étant plutôt agiles, mais quand elles touchaient, les ennemis disaient adieu au membre touché, celui-ci étant arraché par une violente traction en arrière.
Les griffes, elles, servent surtout à immobiliser, et à broyer si un malheureux se retrouve coincé sous le poids du Charan.
Le crocodile sent pourtant la fatigue dans ses pattes pointer, et entre deux coup, lance un °Faites votre truc, les deux !° vexé de dépendre un peu des deux humains derrière. Un court moment plus tard, Morok sent ses forces revenir, comme après une courte sieste.

Alors, Morok laisse sa rage et sa faim s’exprimer. L’animal intelligent redevient pour une soirée le prédateur naturel. Son rire guttural empli la forêt, couvrant presque les cris des trolls. Le crocodile s’amuse. Il chasse. Et tout va pour le mieux à cet instant précis.
Il repousse violement d’un coup de museau un des assaillant qui commençait à passer ses bras au travers des branchages, et broie les jambes d’un autre qui tentait de passer par l’entrée, tirant en arrière le troll hurlant de peur.

Après quatre ou cinq pertes chez les trolls, le faible son strident retenti à nouveau. Les Britz ne sont que trop heureux de quitter la bataille. Les bruits de fuite s’étouffent peu à peu dans la forêt, et le crépitement des branches remplace les cris. Le Sanctuari se retourne vers la cabane, mâchouillant un morceau de Britz.

°Tout va bien, les squelettes ?°

Ma contribution à tout cela ? Un sandwich et un bâton.
J'ai remercié Nouvan, la bouche pleine, lorsqu'il m'offrit généreusement un sandwich. C'était un bon sandwich, meilleurs que les miens qui ne contenaient en tout et pour tout que du pain... Je ne travaille pas dans un café, moi.

Le dîner tourna court. Des invités surprises croisèrent notre majordome.
Les petits trolls ne faisaient pas le poids, au sens propre comme au figuré, face à la mâchoire béante du crocodile rendu maussade par la fin.
De mon côté, un de leurs congénères vont me saluer près du feu. Je n'allais pas me vexer qu'un seul d'entre eux me dise bonjour. Un seul, c'est bien assez pour moi.
Une branche rougeoyante martelée au coin de la mâchoire, le britz s'éloigna aussi vite qu'il était arrivé.

Le calme revint quelques instants plus tard.
Je constatais l'efficacité de mon titre d'acolyte, et pour tout dire, voir Morok aimable ce fut un choc.

-Je vais bien et toi Nouvan ?

J'entrepris dès lors de grossir un peu le feu de camp. La lumière et les flammes ne suffiront pas à les dissuader, mais elles sont une bonne arme pour leur donner un arrière goût amer.

-C'était donc ces horribles choses qui nous suivaient ?

Nous suivre pour nous piller ? L'arme de Morok vaut plus que ce que nous possédons tous réunis.
Nous suivre pour nous manger... C'est un bon bout de chemin juste pour faire un repas.

-Si nous ne les recroisons pas, il faudra peut-être prévenir les commissaires.

Une petite armée comme celle là ne doit pas aider à la bonne réputation de cette sombre forêt.